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Quel avenir pour le projet de loi portant statut de l’opposition au Togo ?

 Il peut sembler superflu à mes compatriotes de poser cette question alors que les esprits sont surchauffés par l’attente des élections présidentielles du 28 février prochain dont on ne connaît pas la couleur (bleue pour des élections apaisées ou rouge pour des élections émaillées de violences, de répressions et de morts).
Pourtant, légitime il est de poser un tel débat. Car bien de difficultés soulevées par la préparation de ces élections auraient pu trouver leurs solutions si une telle reconnaissance à l’opposition d’un statut juridique était mise en vigueur.
 
Comme le président Obama l’a dit lors de son discours à Accra (Ghana), le 12 juillet dernier en rendant hommage à la démocratie ghanéenne (en moins de 10 ans, ce pays a déjà connu deux alternances démocratiques), « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais de fortes institutions ».
 
L’opposition est l’une de ces fortes institutions. Encore faut-il la doter d’un statut à l’instar du projet de loi portant statut de l’opposition adopté par le gouvernement togolais depuis le 26 novembre 2008.
 
En effet, dans le cadre de l’engagement d’adopter des reformes constitutionnelles et institutionnelles (régime politique, nomination et prérogatives du Premier Ministre, les conditions d’éligibilité du président de la République, la durée et la limitation du mandat présidentiel, …) pris par les autorités togolaises lors du dialogue intertogolais ayant abouti à l’accord politique global signé le 20 août 2006, un projet de loi portant statut de l’opposition dont « l’objet est de définir le statut de l’opposition dans un cadre démocratique et pluraliste afin de lui garantir l’exercice de ses droits et de protéger les partis politiques de l’opposition, leurs dirigeants et militants ainsi que leurs biens contre les abus, entraves et discrimination politique » a été adopté il y a un an..
 
 Les différentes formes d’opposition
 
Ce texte après avoir défini le parti de l’opposition comme « tout parti politique qui n’appartient pas à la majorité parlementaire », reconnaît deux formes d’opposition : l’opposition parlementaire et l’opposition extraparlementaire.
 
L’opposition parlementaire est celle qui est représentée à l’Assemblée Nationale.
L’opposition extraparlementaire est celle qui n’est pas représentée à l’Assemblée Nationale.
 
L’opposition armée quelle que soit sa légitimité n’a pas sa place dans ce corpus.
 
Les partis de l’opposition tout comme le ou les partis au pouvoir sont donc soumis aux mêmes devoirs tels que d’œuvrer au développement de l’esprit démocratique, de cultiver la non violence comme forme d’expression démocratique, de proscrire toutes formes de tribalisme, d’ethnocentrisme, de régionalisme, de racisme, de xénophobie et d’intolérance religieuse, de s’interdire d’inciter les forces armées, les forces de l’ordre à la révolte et au désordre….
 
Le chef de l’opposition
 
Le Togo avec ce texte, contrairement à une vieille démocratie comme la France, mais à l’instar d’autres démocraties occidentales (Canada, Angleterre, Japon…) a institué un chef de l’opposition parlementaire.
 
Ce dernier est le chef du parti politique le plus représentatif de l’opposition parlementaire, celui ayant obtenu le plus grand nombre d’élus au sein de la minorité parlementaire.
 
Un tel chef de l’opposition devrait être issu de l’Union des Forces du Changement (UFC) si le texte venait à être adopté sous la législature 2007-2012. En effet, ce parti compte 29 députés contre 4 pour le Comité d’Action pour le Renouveau (CAR) le deuxième parti d’opposition parlementaire.
 
Le projet de loi portant statut de l’opposition reconnaît au chef de l’opposition, un droit à la protection de sa personne et de son domicile, dans les mêmes conditions que les membres du gouvernement. Une place de choix lui est réservée dans le protocole d’Etat.
 
Médiation politique interne
 
Dans un pays plongé depuis plus de vingt ans dans des crises politiques successives interminables ponctués d’accords politiques stériles, le projet de loi portant statut de l’opposition a innové en matière de médiation politique interne, en ce sens qu’il a créé un conseil de conciliation des partis (CCP).
 
La mission du CCP est de favoriser le dialogue et la conciliation entre l’opposition et la majorité.
 
Il est fait obligation à l’opposition et à la majorité de privilégier cette médiation du CCP avant tout recours juridictionnel.
 
Cet organe est composé de personnalités réputées pour leur hauteur de vue, leur moralité et leur capacité à favoriser le consensus autour des propositions des partis politiques, nommés par le président de la République parmi les autorités religieuses et laïques. On peut déplorer que ces nominations ne se fassent que par le Chef de l’Etat seul. L’idéal serait d’avoir un consensus entre le Président de la République et le chef de l’opposition sur le choix de ces personnalités.
 
Une telle institution permettra à la classe politique togolaise de faire l’économie d’innombrables voyages à travers le monde (Italie, France, Burkina Faso…) pour recourir à des médiations extérieures sur les questions de politique interne comme la composition de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) chargée d’organiser les élections, la nomination du président de la CENI …
 
Plaidoyer pour la mise en œuvre rapide de la loi portant statut de l’opposition
 
Vivement que ce texte soit adopté rapidement par le Parlement et promulgué par le Chef de l’Etat pour doter notre pays d’une des meilleures institutions fortes qu’Obama appelle de tous ses vœux pour l’Afrique.
 
Doter le Togo d’un statut de l’opposition est la meilleure garantie d’avoir des élections libres et transparentes en confiant la présence de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) à l’opposition comme il est de pratique de confier la présidence de la commission des finances du parlement dans les démocraties occidentales (France, Allemagne…).
 
L’institutionnalisation de ce statut aura pour corollaire la réalisation des alternances pacifiques régulières (tant à l’intérieur des partis politiques, qu’à la tête de l’Etat), permettant à notre pays de voir se renouveler sa classe politique issue de diverses ethnies, animée par la volonté de la bonne gouvernance et une obligation de résultat.
 
Mais le mal des Africains, c’est qu’ils adoptent des meilleurs textes sans pour autant les mettre en œuvre.
 
Ces textes finissent par être dévoyés, à l’instar des premières Constitutions des années 90 ayant instauré le multipartisme, la limitation du mandat présidentiel et ayant proscrit l’ethnocentrisme mais institué en pratique comme système de gouvernement dans la plupart des Etats africains.
 
Gageons que le texte sur le statut de l’opposition au Togo sera bientôt promulgué et ne sera pas dévoyé conduisant à une démocratisation réelle de notre pays où les dirigeants des partis politiques se succéderont tant à la tête de leur formation politique qu’au sommet de l’Etat pour la réalisation des alternances pacifiques, démocratiques et ethniques au sein de l’opposition et à la tête de l’Etat.
 
 
 
Me Komi TSAKADI
 
 

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