Rafale vendus à l’Inde : Bruits de bottes et nuages noirs en rase-motte
Non pas que les avions de guerre pakistanais soient moins performants mais surtout que cette transaction pourrait signifier un alignement de Paris - et son allié Riyad- sur l’Inde. En effet l’armée de l’air pakistanaise dispose d’une soixantaine de F16 américains sans compter une même quantité de JF 17 chinois et Mirages français.
Entre un Pakistan à majorité musulman sunnite et son frère ennemi, l’Inde, à plus de 80% hindou, l’équilibre des forces militaires en présence est la clé de voûte du maintien du statu quo de ni guerre ni paix qui prévaut dans cette région du monde depuis la fin de la guerre mondiale ; lorsque les Britanniques s’y sont retirés en laissant naître deux pays indépendants en plus de l’Etat du Cachemire, à majorité musulmane mais dirigé par un prince hindoue, une situation anormale qui est à l’origine de l’interminable confrontation entre l’Inde, (traditionnellement prosoviétique puis prorusse) et le Pakistan, pro-américain. Mais cette confrontation n’a jamais dépassé le stade d’escarmouches limitées à la zone disputée du Cachemire tandis que de temps en temps quelques attentats commis en territoire indien par des groupes terroristes sunnites , liés notamment à Al Qaeda comme celui commis du 26 au 29 novembre 2008 à Bombay. « Une série de dix attaques terroristes islamistes coordonnées qui ont eu lieu du 26 au 29 novembre 2008 à travers Bombay, capitale financière et plus grande ville de l'Inde. 173 personnes, dont au moins 26 ressortissants étrangers ont été tuées et 312 blessées. L'équipe terroriste était composée de 10 militants islamistes entrainés au Pakistan sans appui direct du gouvernement, 9 d'entre eux ont été tués et un fait prisonnier. » Cet équilibre de la terreur entre le Pakistan et l’Inde, les deux pays possédant chacun la bombe atomique, a connu un premier vacillement en faveur de l’Inde quand en 2009 fut créée les BRIC qui regroupent outre l’Inde, le Brésil, la Russie, la Chine et en 2011 l’Afrique du Sud. Ce club rebaptisé les BRICS avec l’ajout de la lettre « S » pour South Africa se veut une sorte « Conférence Diplomatique » avec des ramifications politiques. Mais le fort soutien américain et surtout saoudien à Islamabad a fait que les BRICS n’eussent pas été une source de grande inquiétude pour le Pakistan. La crainte d’Islamabad viendra plutôt d’un côté inattendu : la France. En annonçant sur le perron de l’Elysée, ce vendredi 10 avril, l’achat par son pays de 36 avions de guerre français Rafale (contre 126 prévus initialement dans le cadre de 3 années de négociations), le premier ministre indien, Narendra Modi, en visite officielle à Paris, a jeté un coup d’effroi sur son voisin ennemi éternel : le Pakistan. Non pas que les avions de guerre pakistanais soient moins performants mais surtout que cette transaction pourrait signifier un alignement de Paris- et son allié Riyad- sur l’Inde. En effet l’armée de l’air pakistanaise dispose d’une soixantaine de F16 américains sans compter une même quantité de JF 17 chinois et Mirages français. Il semble plutôt que c’est New Delhi qui cherche à mettre à niveau sa flotte aérienne de guerre. Ce que confirme en effet le grand quotidien indien The Nation. « Les responsables militaires indiens ont averti le gouvernement que les capacités de leur armée de l'air risquent d’être profondément distancées par rapport à celles de la Chine et du Pakistan, si de nouveaux avions de combat occidentaux n’étaient pas acquis ou si les industriels de défense locaux ne pouvaient produire ce dont a besoin notre armée en temps opportun. » Il faut savoir à cet égard que toute la flotte indienne actuelle « a participé à des opérations de guerre au sein de l'Indian Air Force, en particulier contre le Pakistan. En 1999, les Mirage 2000 sont intervenus dans les combats de Kargil. » Néanmoins une question chiffonne : puisque l’Inde cherche à moderniser son arsenal aérien à l’instar de ses voisins, pourquoi alors ne s’approvisionne-t-elle pas en Chine ou en Russie, membres du BRICS et fabriquant et vendant des avions de guerre dépassant dans bien cas leurs « alter ego » occidentaux ? S’agissant du super-chasseur-bombardier russe Sukhoi, il pourrait même « dégommer » le Rafale selon l’ambassadeur russe en Inde Alexander Kadakin. « Nous sommes toujours très surpris de l’achat du Rafale, parce que même si le Rafale est destiné à affronter les avions pakistanais ou chinois, même pour les Sukhoi chinois, ces Rafale vont être comme des moustiques par une nuit d’août. Ils seront dégommés comme des moustiques. C’est pourquoi je ne comprends pas ce choix. » a déclaré, sarcastique, le diplomate russe ! Un élément de réponse pouvant expliquer la préférence indienne pour le Rafale français plutôt que des avions russes ou chinois qui peuvent être aussi performants sinon plus : New Delhi est en froid avec Pékin et subsidiairement avec Moscou.
Les Rafale vont être dégommés par
les Sukhoi chinois comme des moustiques !
En effet, « ces dernières années, l’Armée populaire de libération +APL+ de Chine a profité de son pouvoir politique croissant pour provoquer des escarmouches et des confrontations avec l’Inde en violant la longue et disputée frontière entre ces deux pays dans l’Himalaya. » On comprend donc que si Pékin refuse d’équiper l’Inde en avions de guerre performants, comme le nouveau chasseur chinois de 5e génération, le J-31, Moscou refusera également de la dépanner. Solidarité entre BRICS (ou ce qui en restent) oblige. D’où la solution Paris ; celles des Etats-Unis ou de Grande-Bretagne étant exclues d’avance du fait que Islamabad est un allié plus que précieux pour ces deux puissances. Toutefois, par la voix même de son chef de gouvernement, New Delhi a tenu à amortir le choc de l’écartement de la solution chinoise par une phrase très diplomatique. Narenda Modi, sur le même perron de l’Elysée aux côté de son hôte François Hollande, aurait fait allusion au fait que les J-31 chinois ne sont pas encore prêts à la commercialisation. En effet, « cette copie conforme du F35 américain » vient tout juste d’effectuer un vol d’essai réussi. Alors que Narenda Modi a dit « des avions prêts à voler ». Maintenant que sera la réaction d’Islamabad quant à cette transaction franco-indienne même si elle devra encore être finalisée lors d’un prochain déplacement du ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian à New Delhi ? Transaction, faut-il le souligner ne va sortir l’industrie de l’armement français de l’ornière du marasme, mais peut-être de nature à redorer le blason de l’Elysée et de Matignon, après une série de camouflets électoraux. La réaction ne s’est pas fait attendre. Déjà deux décisions spectaculaires sont prises rapidement et concomitamment par Islamabad pour rendre la monnaie à Paris, New Delhi et à Riyad. D’un côté le Pakistan a libéré sous caution de Zakiur Rehman Lakhvi, suspecté d'être le chef du groupe terroriste qui a ensanglanté Bombay en 2008. De l’autre, « les élus pakistanais, après plusieurs jours de débats, à l’unanimité demandent à leur gouvernement de ne pas participer à la coalition contre le Yémen. Si le territoire saoudien était attaqué la position pourrait changer. Le Pakistan veut rester neutre dans le conflit contre les Houthis ». Un niet très diplomatique et un message destiné, cette fois, particulièrement à Paris et à Riyad qui a sollicité l’aide du Pakistan ; ces deux capitales comptant sur une éventuelle offensive terrestre pakistanaise pour terminer le travail des frappes aériennes de la coalition de 10 pays arabes qui entrent dans leur 3e semaine sans avoir entamé, semble-t-il, la détermination des Houtis. Mauvis signe. Très mauvais.
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