Reconnaître les talibans ou sinon faire face à l’horreur

Le conseiller à la sécurité nationale du Pakistan, Moeed Yusuf, a été cité par le Sunday Times comme ayant dit ou plutôt averti l’Occident que le régime des Talibans devait être immédiatement reconnu sous peine de commettre les mêmes erreurs que celles qui ont conduit aux attentats du 11 septembre.
Le conseiller à la sécurité nationale du Pakistan a souligné que « si les erreurs des années 90 sont refaites et l’Afghanistan abandonné, le résultat sera absolument le même - un vide sécuritaire rempli par des éléments indésirables qui menaceront tous, le Pakistan et l’Occident. »
En fait, les déclarations de l’officiel pakistanais ont une certaine pertinence, notamment en ce qui concerne le résultat attendu en cas de vide sécuritaire en Afghanistan. L’influence affectera à la fois le Pakistan et l’Occident. Mais la question ne se limite pas à ces deux parties, mais au reste du monde.
Le terrorisme ne vise plus seulement un pays ou une nationalité et il est difficile de prévoir ses champs d’action géographiques. Indépendamment de la crédibilité des preuves et des rapports sur les relations d’Islamabad avec les Talibans, le Pakistan paie aussi un lourd tribut aux activités extrémistes et terroristes.
Il ne tolère pas de nouvelles vagues d’asile à travers sa frontière avec l’Afghanistan en raison de la fin des vols d’évacuation aérienne, de l’effondrement attendu des conditions de vie et des services et de la forte possibilité d’une crise humanitaire si la situation se prolonge dans le pays. Par ailleurs, le Pakistan abrite toujours quelque 3 millions de réfugiés afghans.
Le Pakistan est pratiquement intolérable à une crise humanitaire en Afghanistan. La logique suggère donc l’importance de gérer ses mouvements et d’élaborer ses politiques à cet égard sans recourir aux menaces ou agiter d’autres scénarios dont Islamabad sait pertinemment qu’ils sont très sensibles aux capitales occidentales.
La journaliste du Sunday Times dit dans son rapport que le Pakistan pourrait être heureux de voir un mouvement qu’il a aidé à créer et auquel il a accordé le refuge en Afghanistan. C’est tout à fait vrai car il s’agit d’une victoire stratégique pour le Pakistan. Mais plus importante que cette victoire est la gestion de l’après prise de pouvoir.
Les talibans n’en sont pas à leur première expérience de gouvernance de l’Afghanistan. Si le mouvement a appris des expériences passées, le monde en a fait autant. Le Pakistan devrait donc gérer la question différemment plutôt que de se contenter d’intimider et de mettre en garde.
Il est remarquable, par exemple, que le Pakistan soit absent des dialogues entre les talibans et le monde au stade actuel, malgré ses craintes réelles d’un nouveau chaos dans son voisinage. Il est pleinement conscient que la communauté mondiale ne prendra pas la responsabilité des erreurs commises, que ce soit en Afghanistan ou ailleurs.
Le journal britannique note que le Pakistan a lancé une campagne de relations publiques pour que le monde connaisse les talibans et commence à travailler avec eux. Ça semble exact.
Dans ce cas, cependant, les règles d’action doivent inclure la pression sur les talibans pour qu’ils procèdent à de véritables changements structurels, afin que leur comportement, et non leurs paroles, soit conforme aux lois et conventions internationales.
C’est le seul moyen de convaincre le monde d’accepter les talibans, car aucune capitale occidentale ne peut oublier les expériences du passé récent et faire un rapprochement avec les talibans sans une orientation internationale avec une acceptation collective du mouvement.
La vérité est qu’il est stratégiquement dans l’intérêt du Pakistan que l’Afghanistan s’installe sous un régime proche d’Islamabad. Ils doivent donc avancer sérieusement et plus efficacement dans deux directions en parallèle. En d’autres termes, il ne s’agit pas seulement de convaincre le monde d’accepter les talibans.
Mais il s’agit aussi d’élaborer une feuille de route précise, réfléchie et claire, ainsi que des mesures pratiques à l’intention des dirigeants talibans, même à titre de conseil et d’orientation, afin d’instaurer la confiance avec le monde. La participation, comme le dit le chef des services de renseignement pakistanais dans ses remarques, est aussi la voie à suivre pour les talibans, et pas seulement pour le monde, vers un meilleur avenir pour l’Afghanistan.
Mettre en garde contre les graves conséquences de l’échec des talibans à obtenir une reconnaissance internationale ne suffit pas à convaincre le monde de les accepter. Le monde n’est plus ce qu’il était en 1996 quand les Talibans ont pris le contrôle. Le vide sécuritaire est devenu un phénomène courant qui s’est étendu à de nombreux pays et régions.
Les organisations terroristes ont désormais de nombreux points de convergence sur différents continents. Trouver un terrain d’entente et rechercher des points de convergence les uns avec les autres doit donc être l’approche pour construire la paix et la stabilité en Afghanistan.
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