Réécrire l’histoire russe : le vieux rêve de Poutine deviendrait-il réalité ?
« L’attitude vis-à-vis du passé est un élément central d’une idéologie », c’est ce que disait Yuri Afanasyev dans Novaya Gazeta. L’idéologie, voilà ce qu’il manquait aux ex-kagébistes qui, depuis l’éclatement de l’URSS, dirigent le pays. En effet, les élites post-communistes (qui ressemblent étrangement aux anciens membre de la nomenklatura) se sont tournés, à défaut de grands desseins, vers le pragmatisme et l’enrichissement matériel.
« Le passé de la Russie fut admirable, son présent est plus que magnifique et son futur sera de même : au-dessus de ce que l’homme le plus ouvert pourrait imaginer », voilà ce qu’un Poutine en voie de tsarisation nous récite dans les pages de L’histoire moderne de la Russie de 1945 à 2006 : un manuel à destination des professeurs d’histoire. Ce livre, qui commence avec la victoire du « petit père des peuples » dans la « grande guerre patriotique » et s’achève par celle de Poutine sur « l’un des plus grand danger menaçant la fédération de Russie » (traduisez les questions tchétchène, ukrainienne et géorgienne), entre évidemment dans l’actuelle propagande du Kremlin qui cherche à montrer le rôle de leaders aussi sages et déterminés que plénipotentiaires dans les victoires du peuple russe.
Pour cela l’ex-numéro 1 de la police secrète ne recule devant rien, même devant le plus absurde. Je cite : « L’histoire russe recèle quelques pages problématiques (notez l’euphémisme), mais elle n’est pas la seule (sur ce point il a raison, nous devons, nous aussi, contrairement à l’opinion de notre actuel omniprésident, nous rappeler de la collaboration, colonisation, esclavage...) et nous en avons moins que les autres pays (ça reste à prouver), de plus elles ont été moins terribles que dans d’autres pays (on trouvera toujours pire que soi, on ne devrait pas punir un homme ayant commis un homicide sous prétexte que son voisin en a commis deux ?) : on ne doit permettre à personne de nous imposer une sensation de culpabilité.
Il monte ensuite crescendo en affirmant que « l’Union soviétique n’était pas une démocratie (encore heureux), mais elle a été l’exemple, pour des millions de personnes tout autour du monde, de la meilleure et plus juste société jamais créée (il a sans doute voulu dire que le communisme, par essence utopiste, se voulait l’exemple...) » Et il récidive : « dans le contexte de guerre froide, la démocratie n’était pas une option envisageable pour le gouvernement de Staline (et ils ont fait comment les autres pays ?), les conditions justifiaient les moyens (l’état d’exception a toujours été l’argument favori des dictateurs. D’ailleurs comment Musharraf justifie-t-il le bâillonnement de son opposition ?)
Je laisse Marietta Chudakova (historienne russe spécialiste de la culture de son pays) conclure : « Ce livre, qui va être imposé à toutes les écoles russes, tente de convaincre le lecteur qu’il n’y avait pas d’autres moyens (que la dictature communiste), et plus important, qu’il n’y avait aucune nécessité dans avoir un. Tout était clair et motivé dans cette structure sociale ».
Résultat, aujourd’hui, 47 % des Russes adhèrent à la vision de leur dirigeant et pensent que Staline est encore un exemple pour nous tous et que Gorbatchev, auteur de la perestroïka, n’était qu’ « un lâche et un faible », qui « a permis au vautour de l’Ouest de dépecer les richesses de la Russie » (le vautour n’est-il pas un charognard qui se nourrit exclusivement des carcasses pourrissantes d’animaux morts ? CQFD).
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