Regard froid sur un été chaud
L’été 2008 aura été riche en événements bouleversants l’ordre mondiale établi depuis la destruction du Mur de Berlin fin 1989. Rétrospective sur un été particulièrement chaud.
L’Europe, quelle Europe ?
Le NON irlandais au "Traité simplifié" de la Constitution européenne a pris de court la classe politique, particulièrement française qui s’apprêtait à donner à la présidence européenne un rôle plus accru. L’Irlande a beau répéter que Non veut dire NON, la France persiste à considérer le non irlandais incomparable avec le non français de 2005 ayant précipité la chute du gouvernement Raffarin. Sarkozy cherche à retrouver la place de la France au niveau international par un plus grand interventionnisme et par des actions directes et personnelles menées tambours battants. Ses actions et plus particulièrement celles de Bernard Kouchner froissent la plupart des "nouveaux Européens" plus qu’elles ne les unissent. L’Europe n’a jamais été aussi divisée. Mais de quelle Europe parlons-nous, celle du traité de Rome ou celle de l’atlantisme ? Face à la montée de la puissance de la Chine, face à l’émergence de nouveaux pôles de développement [Inde, Brésil, Russie], face à la récession économique précipitée par la crise des crédits hypothécaires américains, l’Europe à 27 a du mal à se définir et encore plus à se positionner.
La Chine superpuissante
Les Jeux de Pékin ont confirmé le rang de la Chine comme 2e superpuissance mondiale. 44 milliards de dollars investis dans une organisation parfaite que le CIO n’a cessé d’applaudir. Désormais première puissance olympique, la Chine a dû gérer deux conflits créés de toutes pièces par les néocons pour saboter l’événement : le Tibet et le Caucase.
Le Tibet qui représente le tiers de la superficie de la Chine est désormais un enjeu pour plier la puissance chinoise vers "la démocratie", c’est-à-dire la mettre au pas des "valeurs" (lire : des intérêts) occidentales. C’est aussi et surtout une carte que les Américains brandissent pour punir la Chine pour son indépendance vis-à-vis du Darfour, vis-à-vis de l’Iran, vis-à-vis de sa coopération Sud-Sud qui gêne les intérêts américains, car faisant fi des "droits de l’homme" et du "terrorisme international".
Dans ce bras de fer sur le Tibet, la France s’est montrée plus royaliste que le roi notamment lors du passage de la flamme olympique à Paris et lors de la controverse de la visite du Dalaï-Lama en France. Recevra, recevra pas, la realpolitik a pris le pas sur un atlantisme éhonté et contribué à diviser une gauche française au bord du gouffre.
En effet, diviser pour régner, telle a toujours été la politique du prince. Depuis la chute du Mur de Berlin, et la dislocation de l’ex-URSS, 34 nouveaux pays ont été créés avec la bénédiction de l’Oncle Sam et l’aide de la CIA : formation et entraînement à la pratique de la révolution accélérée de toute couleur, rose en Géorgie, orange [velours] en Ukraine, tulipe en Kirghizie. Dalaï-Lama [orange, soie] au Tibet en cours ?
Le Caucase est chaud depuis quinze ans, à cause de dizaines d’ethnies séparatistes ayant historiquement été constituées en Etats indépendants et ayant été sous influence soviétique, à cause d’enjeux stratégiques liés à l’acheminement du pétrole de la mer Caspienne en contournant "l’ours blanc", à cause enfin de sa proximité de la sphère des pays "voyous", l’Iran en tête.
Créer une zone d’instabilité en Géorgie revient à chercher à couper la Russie de la mer Noire et de l’Iran en vue d’une préparation à un conflit avec l’Iran, seule option jugée permettant l’élection du candidat républicain néocon à la Maison-Blanche, John McCain, face au candidat démocrate Barack Obama que le monde entier adule pour son charisme et l’espoir qu’il véhicule : rétablir "le rêve américain".
Barack Obama est incontestablement l’homme de l’année. 47 ans, atypique, métis, Afro-Américain avec une histoire qui traduit en télé-réalité le rêve américain que le travail, la volonté, la détermination, le courage, l’amour de sa famille, de sa patrie, de son prochain, la quête de la justice sociale et du bien-être général formaient les valeurs originelles de l’Amérique que les citoyens du monde entier cherchaient à s’approprier quelques instants en entrant dans un MacDo, en portant un jean, en buvant du Cola, en allant voir Brad Pitt, Tom Cruise, Val Kilmer ou Denzel Washington. Le rêve américain s’est évaporé avec la nouvelle forme de colonialisme cachée derrière la lutte contre le terrorisme : l’invasion de l’Irak sans mandat de l’ONU [et quelle ONU ?], occupation de l’Afghanistan sous prétexte de "berceau du terrorisme islamique" que l’Amérique de Donald Reagan a créé de toutes pièces pour lutter contre l’invasion soviétique de l’Afghanistan. Le souvenir de la réception du commandant Massoud en grande pompe à la Maison-Blanche est présent dans les mémoires de ceux qui réfutent les thèses officielles des médias liés aux lobbies néoconservateurs et aux philosophes guerriers du clan Bush, des théoriciens du chaos créateur et de l’instabilité organisée, Zbiniew Brezinski et co.
Et l’Irak ?
L’Amérique va se désengager de l’Irak ; ce qui devait être un enlisement et échec il y a deux ans est en train de se transformer en une "sortie honorable". Bill Clinton a résumé en une phrase l’image de l’Amérique : "donnons la force de notre exemple et non l’exemple de notre force" et Barack Obama de rajouter : "le monde entier ne vient pas en Amérique parce qu’elle a la plus grande armée au monde, mais par ce qu’elle véhicule comme valeurs et comme rêves". 650 000 morts, un pays cinq fois millénaire détruit sous prétexte de détention « d’armes de destruction massives » par un « dictateur » qui aurait fait gazer 160 insurgés kurdes à Falluja. L’ONU et le monde entier assistent perplexes et impuissants à ce qui sera le plus grand hold-up et le plus grand crime de l’humanité. L’invasion d’un pays souverain, poussé dès 1980 à la guerre contre l’Iran de Khomeini (première République islamique depuis la chute de l’Empire ottoman, ce qui fâche les Occidentaux), ruiné par huit ans de guerre et remercié par une invasion en 1991, année qui sonna le glas de la chute de l’URSS en confirmant son impuissance.
L’ours se réveille
Ignorée et bafouée depuis dix-huit ans, la Russie s’est refait une santé depuis lors. Son économie est florissante, sa gouvernance, malgré les critiques et les oppositions occidentales est plus démocratique que dans bon nombre de pays occidentaux. Elle a du moins l’avantage de ne refléter d’aucune influence d’un lobby quelconque et d’être, contrairement à plusieurs pays occidentaux, très populaire. Ni Gordon Brown ni Nicolas Sarkozy ni José Luis Zapatero ne sont aussi populaires chez eux. Les médias occidentaux et les acolytes humanitaires du genre "Reporters sans frontières" ou "Humans Rights" mènent une lutte coloniale sans merci destinée à affaiblir le pouvoir que ce soit en Russie, en Chine ou partout où les intérêts occidentaux et l’idéologie dominante sont en jeu.
En se défendant et en mettant en 24 heures en déroute l’armée géorgienne [formée, équipée, entraînée et dirigée par les conseillers américains tout comme l’est l’ensemble du gouvernement géorgien], la Russie est revenue sur la scène internationale créant de facto avec la reconnaissance de l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud une nouvelle polarisation du monde après vingt ans d’hégémonie américaine, de guerres insensées contre le "terrorisme " que l’on nourrit pour abattre dans un cercle vicieux. L’Europe divisée aura du mal à choisir d’une seule voix entre un atlantisme béni oui-oui et une indépendance et un recentrage vers l’Est, qui après tout est son extension naturelle. L’Union européenne ne s’est pas formée contre un bloc, mais pour être un contrepoids des blocs.
Ingrid la voix de la contre-révolution
Elle est libre et reçue avec le tapis rouge, celle qui a été pendant cinq ans l’otage le plus médiatisé au monde. Les Farc Forces armées révolutionnaires de Colombie en ont fait leur monnaie d’échange contre la libération de leurs camarades détenus par le régime d’Uribe, lié aux intérêts américains. Sa libération reste un secret de Polichinelle tant le scénario officiel de sa libération est rocambolesque et à la limite de la fiction.
Olmert jette l’éponge, la paix s’éloigne et le blocus contre Gaza se banalise.
Ce qu’il est convenu d’appeler la plus grande prison au monde à ciel ouvert où s’entassent 1,5 million de Palestiniens punis d’avoir mal choisi leurs dirigeants, ces dirigeants barbus qui n’ont la sympathie que de l’Iran et du Hezbollah libanais ou encore de la Syrie, le Hamas, la bête noire d‘Israël ou son excuse pour maintenir un état de guerre permanent, seul Etat jugé capable de le maintenir en survie et de lui permettre de réclamer continuellement armes sophistiquées, milliards de dollars d’aide américaine et retour à la « terre ancestrale » de la diaspora.
La France découvre l’Afghanistan
Tout allait bien et les soldats français faisaient une promenade de Jouvence en Afghanistan. L’URSS en a appris des talibans, les Américains aussi ; les Français découvrent qu’ils sont en guerre et mieux encore que c’est pour l’Oncle Sam qu’ils le sont ; pour se racheter de leur refus d’envahir l’Irak et de se retrouver dans la bienséance de George Bush. Cette guerre est-elle la leur ou celle de quelques lobbies tirés par le puissant CRIF et ses « philosophes » attitrés genre BHL et co. Dans ce pays disent-ils, la loi religieuse, la « charia », permet la lapidation des femmes adultères. Dans ce pays, les talibans disent que l’Occident est souillé par le mariage homosexuel contre nature, l’infidélité générale dans le contrat de mariage, les dérives sexuelles de tout genre, la criminalité, l’athéisme qui éloigne l’homme de toute morale et le pousse vers un matérialisme et un déterminisme suicidaires. Bien sûr, c’est l’Occident qui a raison et il faut exterminer ces « insurgés de barbus moyenâgeux » qui nous empêchent de bien encercler l’Iran et de bien contrôler la route de la Soie pour préparer les prochaines guerres asiatiques, loin de chez nous. Après tout, Ben Laden, nous l’avons bien formé pour préparer cette colonisation du XXIe siècle. Tant qu’il joue bien son rôle d’épouvantail, nous avons besoin de lui, et il ne nous viendra pas à l’esprit de le pourchasser sur terre et encore moins « jusqu’aux portes de l’enfer ».
Bonne rentrée !
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