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Relations Côte d’Ivoire-Burkina Faso : mort et résurrection d’une coopération

Depuis quelques jours, l’axe Abidjan-Ouagadougou polarise l’attention des médias. La Côte d’Ivoire et le Burkina-Faso tentent de ‘’réchauffer’’ une coopération qui, au lendemain de la crise militaro-politique du 19 septembre 2002 avait pris du plomb dans l’aile. Derrière le traité d’amitié et de coopération se joue les élections présidentielles dans les deux pays et le positionnement des leaders politiques.

De l’inondation à la coopération : quand la nature arrange les choses

Le 1er septembre 2009, les villes de Ouagadougou, Kaya, Tougan, etc. sont avalées par des trombes d’eau qui plongent les populations dans la désolation. Les images de la catastrophe sont relayées en boucle par les médias locaux et internationaux. Devant l’ampleur des dégâts, le Président Blaise Compaoré lance un appel à la communauté nationale et internationale en vue d’assister les victimes de la catastrophe. Même si l’on ne peut pas ignorer un renforcement des relations entre les deux Etats suite à la guerre en Côte d’Ivoire, il n’en demeure pas moins que le cri de détresse du Président Compaoré marque un tournant important dans le cours de leur collaboration.

L’appareil politique des deux Etats s’est mis en branle à partir de cette inondation. Cet évènement survient à un moment important de la gestion de la crise ivoirienne : la publication de la liste électorale. Ou plutôt son report. Prévue pour le 15 septembre, l’affichage de la liste est reporté sine die. Et pour cause, selon la CEI, « Pour des raisons indépendantes de sa volonté, la Commission Electorale Indépendante (CEI) porte à l’attention de la Communauté Nationale et Internationale que la publication de la liste électorale provisoire prévue pour la mi-septembre sera décalée de quelques jours ». Les organes en charge de cette tâche (CEI, INS, ONI, SAGEM, CNSI) sont soutenus par le Premier Ministre Soro Kigbafori Guillaume. Au sortir d’une réunion avec eux, il a affirmé que : « S’ils sortent la liste provisoire le 15 septembre à midi ou le 16 à midi, ce n’est pas cela le problème de la Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire veut aller à des élections, nous devons tenir ces élections le 29 novembre 2009 et c’est cela qui nous importe » (http//www.ceici.org). RFI pour sa part annonce cette publication entre le 30 septembre et le 15 octobre 2009. Ce énième report a soulevé une levé de boucliers dans les rangs de l’opposition notamment le Rassemblement Des Républicains (RDR) qui se plaint de se que « On peut considérer que le peuple ivoirien est en train d’être floué ».

Mais ce report est masqué par un ballet diplomatique qui se traduit par le don de la Côte d’Ivoire à sa sœur voisine en difficulté et la visite médiatisée du Président Burkinabé Blaise Compaoré. Une mission humanitaire dirigée par l’ambassadeur Alcide Djédjé est dépêchée au Burkina-Faso. Cet élan de compassion s’évalue à 500 millions de FCFA soit près de 700.000 euros offert au Burkina-Faso.

Mais c’est la visite du Président Compaoré en Côte d’Ivoire (du 15 au 18 septembre) qui est susceptible de masquer ou du moins préparer les ivoiriens et le reste de la communauté internationale à accepter ce report. Un vaste programme est conçu pour meubler cette visite. A côté de la rencontre des acteurs impliqués dans l’organisation des élections, il est prévu la rencontre des différents partis politiques et un séjour à Mama, le village du Président Gbagbo. L’un des points focaux de cette visite est la mise en œuvre d’un traité d’amitié et de coopération entre la Côte d’Ivoire et le Burkina-Faso. Pour l’essentiel il porte sur 6 points qui sont relatifs à la politique et la diplomatie ; la fluidité du trafic, des infrastructures routières et ferroviaires ; l’agriculture, la production animale et les ressources halieutique ; l’énergie et les mines ; les postes et télécommunications et les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) et la sécurité et la défense entre le deux Etats.

Au cœur de la coopération : les élections présidentielles et le positionnement politique   

Outre le traité d’amitié et de coopération, la visite du Président Blaise Compaoré en Côte d’Ivoire cache les enjeux électoraux qui se construisent dans les Etats. Le chef d’Etat burkinabé est le principal facilitateur dans la résolution de la crise ivoirienne. Sa présence en Côte d’Ivoire au moment du report de la publication de liste électorale vise à apporter un soutien au Président ivoirien et le Premier Ministre. Il s’agit de donner du crédit au processus de sortie de crise en permettant aux ivoiriens « d’avaler la pilule du report ». La crise de confiance généralisée, la méfiance des partis politiques et de certains observateurs à l’égard de la CEI, la SAGEM et de l’INS plombent les possibilités de règlement du conflit. C’est surtout les soupçons de manque de volonté du Président et de son Premier Ministre qui sont avancés. Le Président Blaise Compaoré tente de sauver le processus en se présentant comme un gage de bonne volonté de ces derniers à œuvrer pour le retour à la paix par l’organisation d’élections libres, transparentes et crédibles.

Mais sa présence est surtout un gain pour le Président Gbagbo et son premier Ministre. Eu égard à son influence sur les ex-rebelles le Président Gbagbo peut compter sur lui pour amener Soro Guillaume et ses hommes à s’investir sincèrement dans le processus en cours. Au mieux, il recherche le désarmement de la rébellion avant les élections pour contenter ses partisans et montrer à tous ses détracteurs que l’Accord Politique de Ouagadougou (APO) « se porte bien ». Dans cette période de pré-campagne présidentielle il négocie également le soutien de l’ancienne rébellion qui, a n’en point douter compte un électorat (parmi les nombreuses organisations sympathisantes et militantes qui gravitent autour d’elle) qu’il serait bon de mettre dans son escarcelle. Cet allié est d’autant plus stratégique qu’il fonctionne dans les imaginaires collectifs comme le chiffon rouge du champ politique ivoirien. Tous les partis politiques caressent le secret projet d’avoir avec eux cette opposition armée, qui du fait de son passé militaire, est susceptible de faire peur à plus d’un.

Le rapprochement entre la Côte d’Ivoire et le Burkina-Faso profite également au Président Blaise Compaoré qui lui aussi est en campagne électorale. Les élections présidentielles sont prévues pour l’année 2010 au Burkina-Faso. Et la victoire dans ce pays peut aussi venir d’Abidjan. Kima Emile, le bouillant Président de l’organisation de soutien à l’accord de Ouagadougou passe pour être le joker du Président Compaoré en Côte d’Ivoire. Opérateur économique bien introduit auprès de la galaxie patriotique, ce jeune Burkinabé jouit de tous les atouts pour battre campagne en faveur de son mentor en Côte d ‘Ivoire, le Président Blaise Compaoré. La Côte d’Ivoire compte un fort contingent de burkinabés dont les intentions de vote vont compter pour beaucoup pendant les élections. La sortie du Président Compaoré pour signer un traité de coopération et son implication dans le règlement de la crise ivoirienne visent à améliorer les conditions de vie de la diaspora Burkinabé en Côte d’Ivoire. Le vote de ces derniers est d’autant plus important que dans la sous-région, la Côte d’Ivoire compte le plus grand nombre de Burkinabés. La perspective de ce projet place le Président Gbagbo dans une place de choix dans le dispositif de campagne de Blaise Compaoré. Il compte bien profiter de l’aura diplomatique dont il est revêtu depuis la crise ivoirienne du 19 septembre 2002.

Par ailleurs, le Premier Ministre Soro Guillaume joue aussi son avenir politique dans cette crise. Au sortir de ce conflit, il voudra certainement s’imposer dans le champ politique ivoirien. Et pour compter dans cet espace, il se doit de construire sa carrière maintenant. Le règlement de cette crise détermine ce projet. Son habileté à en sortir sans écorcher son image mais surtout le soutien qu’il apportera au camp qui sortira vainqueur tracera la voie de cette nouvelle orientation. Dans son nouveau rôle « d’arbitre » qu’il revendique, il se positionne comme l’un des acteurs politiques les plus importants de la 3ème génération, après celle des Houphouët Boigny et des Gbagbo Laurent. Et nul doute que l’un de ses plus farouches et fidèles adversaires sera Charles Blé Goudé, le leader de la galaxie patriotique. Dans ce jeu de positionnement, le Premier Ministre sait qu’il doit effacer de la mémoire des populations le souvenir de son passé de rebelle en ménageant à la fois ses troupes et ses adversaires politiques.  


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