Réseaux pédophiles : un héros moribond sous les barreaux (partie 2)
Dans l’article précédent, nous avons pris connaissance de l’ « affaire Zandvoort ». Les évènements ont été analysés avec une approche chronologique et cette ligne de temps s’arrêtait le 09/09/1998, date de la diffusion du reportage télévisé concernant cette affaire. Nous avons vu que c’est essentiellement grâce à l’initiative d’une petite association belge, présidée par Marcel Vervloesem, que ce réseau pédophile à pu être dévoilé au grand jour. Cet article va, quant à lui, s’intéresser principalement au sort ultérieur réservé à notre personnage héroïque du premier volet.

L’auditeur attentif pouvait déjà prédire un avenir sombre à Marcel Vervloesem lorsque les auteurs du reportage commentaient la couverture médiatique de l’affaire en ces termes : « La majorité de la presse internationale fit grands bruits de ces évènements. Mais certains journaux réagirent de curieuses manières. Dénonçant, critiquant, diffamant non pas les violeurs mais bien le messager. » Et force est de constater que ces auditeurs ont vu juste à la lumière de la suite des évènements.
En effet, dès le lendemain de la diffusion du reportage, Marcel Vervloesem s’est vu lui-même accusé d’actes pédophiles, lorsque des parents déposèrent une plainte pour des abus sexuels qu’il aurait commis 10 ans plus tôt sur leur fils. Ils l’accusèrent également d’avoir attiré le garçon chez lui pour lui faire visionner des vidéos pornographiques.
Or dès 1993, le scénario de cette plainte était déjà inscrit dans un procès-verbal du parquet de Turnhout.[1] Madame Jeanine V.S., qui est un des deux parents qui a déposé la plainte contre Marcel Vervloesem, avait en effet porté plainte cinq ans plus tôt contre Madame Jeanne D.M.
Elle déclare notamment que cette dame lui avait remis 3 cassettes pornographiques pour son mari :
« Un ou deux mois plus tard, (Madame) D. M. m’a laissé entendre qu’en échange des cassettes pornos, moi, ou mieux mon mari, devait rendre un petit service. Je devais faire une déclaration concernant Vervloesem. […] D. M. voulait que nous déclarions qu’un certain H. avait donné de l’argent à Vervloesem. Je n’ai jamais compris cette demande. Elle disait d’ailleurs qu’elle nous donnerait de l’argent pour témoigner contre Vervloesem. […] D. M. essaie de nous monter la tête contre Vervloesem. Je ne le connais que peu. Il habite dans notre quartier. Nous ne voulons rien savoir de cette affaire. Souvent nous avons reçu des coups de fil. D. M. proférait la menace d’avertir la police du fait que nous étions en possession de cassettes pornos. Mon mari en a eu assez et a été lui-même transmettre ces cassettes au parquet. D. M. prétendait qu’elle avait déjà porté plainte contre nous parce que des enfants seraient venus voir ces films pornos chez nous. […] ». Le P.V. acte que les cassettes pornographiques ont bien été remises au greffe du Tribunal correctionnel de Turnhout.[2]
L’impensable ne s’arrête pas là, le propre fils de Madame Jeanne D.M. déposera également une plainte à l’encontre de Marcel Vervloesem à l’automne 1998. De plus, cette même Jeanne D.M. avait déjà déposé une plainte contre Vervloesem en 1992 du chef d’escroquerie et d’abus de confiance. La procédure en degré d’appel permit de révéler de fausses déclarations et il fut acquitté par la cour d’appel d’Anvers début 97.
D’autres plaintes pour viol suivirent pour finalement porter les soupçons à un total de 9 viols de garçons mineurs. Ajoutons également le fait qu’un nommé Jan J. a signé un reçu de la somme de 50.000 franc belges (1.250 €) en provenance de Jeanne D.M. pour déposer une plainte contre Marcel Vervloesem, et cela vous donne une idée de la crédibilité des plaintes qui sont, fort étrangement, toutes apparues après le reportage diffusé par la RTBF.
En 1998, Marcel Vervloesem ne fut entendu par la justice qu’une seule fois à propos de ces plaintes, après quoi ce fut le silence radio. Hormis le lynchage médiatique du héros durant l’automne 98, c’est « circulez, il n’y a rien à voir ! »
On oublia même de relayer l’étrange accident de voiture du 15 novembre 1998 qui scella la vie d’une ex-collaboratrice de l’asbl Morkhoven, Gina Bernaer-Pardaens. Elle était en train d’enquêter sur la disparition d’un bébé non loin de Chicago en avril 1988, bébé qu’elle aurait identifié parmi les victimes du réseau pédophile lié à « l’affaire Zandvoort ». Alors qu’elle se sentait suivie et avait été plusieurs fois menacée de mort, elle contacta la gendarmerie le 13/11/98 pour signaler qu’elle avait reçu un appel téléphonique anonyme la menaçant d’un accident mortel de voiture ou d’être tuée d’une balle. Deux jours plus tard, sa voiture s’écrasera sur un pont…
Ce fut donc le silence radio et ce jusqu’au mois de février 2001, date à laquelle Marcel Vervloesem apprend par voie de presse qu’il devra comparaître devant un tribunal correctionnel. C’est à la fin de l’année 2003 que le procès débuta. En mars 2004, le procès est reporté en septembre de la même année et il se clôturera par une sentence défavorable à l’encontre de Marcel Vervloesem. Il fera appel et c’est finalement le 04 févier 2008 que la Cour d’appel d’Anvers le condamnera à 4 années de prison ferme pour avoir été reconnu coupable de viol de trois enfants, détention d’images pornographiques et escroquerie. La Cour de cassation a confirmé ensuite le 24 juin 2008 la légalité de la condamnation.
Il faut pourtant dire que la procédure n’a pas été exempte de tout reproche, le procureur du Roi J. Poels a lui-même déclaré dans une lettre adressée au Conseil Supérieur de la Justice « qu’elle présente des erreurs humaines, et que parmi ces erreurs il y a en effet la disparition d’une partie du dossier concernant Marcel Vervloesem ». Mais le résultat est le même et « justice » a ainsi été rendue… Concernant l’image de notre inculpé, la presse le désignera cyniquement comme le « plus grand chasseur de pédophiles autoproclamé », cette expression est d’ailleurs toujours utilisée à ce jour.
Et qu’est-il advenu du matériel à caractère pédophile que l’asbl Morkhoven à transmis aux autorités belges me diriez-vous ? Et bien on n’en sait trop rien, il n’y a pas eu de suite si ce n’est les quelques arrestations à la fin des années 90. Pourtant il y avait bien matière à investiguer puisque c’est une centaine de milliers de photos, qui sont autant de preuves d’abus sexuels sur des enfants, qui ont été fournies à la justice. Sur certaines d’entre-elles, on y trouve la présence des « prédateurs » qu’il serait peut-être « intéressant » d’identifier. On parle même de la disparition des cd-roms au parquet d’Anvers !
Mais revenons à notre héros déchu qui, depuis le 5 septembre 2008, est incarcéré à la prison de Bruges. Le choix de la prison n’est par ailleurs pas anodin, elle est en effet régulièrement comparée à la prison de Guantanamo. Pour preuve que le statut de la prison est particulier, Marcel Vervloesem a du récemment quitter la section médicalisée pour y laisser place à Kim De Gelder (accusé du meurtre au couteau de deux adultes ainsi que de deux bébés qui ont tous deux été égorgés dans une crèche flamande fin janvier 2009).
Une aile médicalisée ? Oui car nous avons omis de vous dire que l’état de santé de Marcel Vervloesem est critique. En effet, il est diabétique et atteint d’un cancer de la prostate. Des métastases se baladent partout dans son corps tandis que ce mardi 03 mars 2009, il subissait sa 4ème opération à cœur ouvert. La vie de cet homme est donc vraiment mise en danger et il se raccroche actuellement à la future décision de la cour européenne des droits de l’homme à son sujet.
S’il décède dans les prochaines semaines, nous aurons certainement droit à un court article concernant la mort en prison du « plus grand chasseur de pédophiles autoproclamé », situé dans les pages faits divers...
[1] P.V. n° 101017/226 – Dossier n° TU.37.99.100.831/93.
[2] Source : la plainte déposée le 04/03/2001 par l’asbl Morkhoven au Procureur du Roi de Neufchâteau.
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