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Révolution : quand les pauvres bouleversent l’ordre mondial…

Le meilleur gage contre la révolution politique, réside dans la protection sanitaire, alimentaire et économique de la population

En cette période de démocratie militaire et de philanthropie à géométrie variable, on a fini par perdre de vue qu'ailleurs dans le monde, loin des caméras et du pétrole, des millions de gens sont confrontés à une guerre atypique, l'insécurité alimentaire, qui entraîne forcement l’insécurité politique.

Au nom du désordre mondial

D'après la FAO, 815 millions d'individus sur la planète sont menacés par la famine. Il s'agit de 122 pays du tiers-monde sur les 191 que compte l'ONU. Et pourtant, selon les mêmes indicateurs de l’ONU, les pays du tiers-monde, surtout d’Afrique plus de 70% de ressources minières et de matières premières sont fournies par ce continent. Ces ressources, participent à 37% du PIB des pays industrialisés. Pour ce qui est de l'Afrique subsaharienne et une partie du Sahel, le PAM a dénombré 38 millions de victimes réparties de l’Afrique australe à l’Afrique centrale, sans oublier l’Afrique du nord –Egypte-
On peut se voiler la face en qualifiant la pauvreté — tout comme la famine qui la sous-tend — de turbulence ou de catastrophe naturelle propre aux pays pauvres. N'empêche que se transformant en « nécessités impérieuses », les deux phénomènes ne reflètent pas moins un état des lieux permanent et par conséquent appellent à des mesures susceptibles d'avoir une portée plus significative, que les opérations humanitaires dont la forte médiatisation, contribue davantage à soigner l'image des donateurs qu'à démanteler les fondements de la pauvreté.

Les causes de la pauvreté étant plus politiques, qu’économiques, à cause d’une mauvaise distribution des richesses. Disproportions notées entre les tenants du pouvoir, toujours plus riches, tandis que le reste de la population croupit dans la misère, l’inanition et le dénuement. 

On est en droit de se demander si la manière dont l'enjeu de la pauvreté mondiale est posé n'a pas comme objectif d'entraîner les intervenants à épouser une vision de la solidarité apparentée à ce qu'il convient d'appeler « l'ingérence humanitaire » ou « la colonisation des temps modernes ». L'assistance incorporée, si nécessaire soit-elle, ne contribue qu'à éteindre le feu et non à doter les populations concernées d'une réelle capacité d'autonomie. Du moins, c’est de cette manière que s’est toujours conduite la « communauté internationale », avec les conséquences qu’on observe partout dans le tiers- monde. Ces peuples venus de toutes les strates sociales, qui grognent dans rues, au Caire, à Tunis, à Alger, au Yémen qu’on dénommerait : « les affamés de démocratie », veulent avoir voix au chapitre.

La pauvreté et son appendice qu’on appelle mauvaise gouvernance, est une question organisationnelle et politico économique. De ce fait, la solution pour y venir à bout devrait l'être aussi. Or, en guise de réponses aux nombreuses entraves à la vie résultant de la pauvreté, nous assistons, impassibles, à un procès d’intentions, à une  mascarade diplomatique, et le plus souvent lors des grands foras internationaux, à de vœux pieux. De sommet en sommet, de conférence internationale en conférence internationale, la « communauté internationale », n'a de cesse de se contredire, tout en récupérant le discours de la responsabilisation qu'ils réduisent à des préjugés, visant à faire des pays pauvres, à la fois les seuls artisans de leur succès ou de leur échec en développement. Comme le discours pathétique de Nicolas Sarkozy, sur l’homme africain.

Prenons le cas de l’aide au développement, qui au lieu d’aider les populations, alimente les comptes offshores, des dirigeants africains.
 D'une part, faut-il remarquer, les institutions des Nations Unies mettent l'accent sur la justice sociale et les droits de l’homme. D'autre part, les institutions de Bretton Woods, avec le gouvernement des USA et de l'OMC imposent un modèle axé sur la libéralisation, la déréglementation, la privatisation et la compression des dépenses publiques, modèle en soi porteur des plus grandes inégalités.

Une question organisationnelle

La pauvreté n'est pas une réalité instantanée. Elle est la conséquence d'un processus qui a vu s'épuiser et s'effondrer toutes les possibilités et tout le potentiel dont une population dispose pour parer à une pénurie alimentaire ou sanitaire, voire aux besoins quotidiens. La pauvreté repose sur plusieurs facteurs : Le sous-financement de projets de développement, l'absence d'une bonne politique de gouvernance, l’incapacité de production, l’absence de pouvoir d'achat, etc. sont autant de causes factuelles qu'on pourrait énumérer.

Faut-il rappeler que les crédits destinés à l'agriculture des pays en développement sont passés de 39 % du portefeuille de la Banque mondiale en 1978 à 7 % en 2000 ! Dans la même vision, James Morris, directeur du PAM reconnaissait qu'en 1990, les trois quarts du budget du PAM étaient consacrés au développement agricole et seulement le quart aux urgences, alors qu'aujourd'hui seulement les 12 % du budget vont au développement agricole. Tandis que la coopération militaire et l’aide à l’armement ont augmenté de 27%. Dans pareilles circonstances, et tenant compte que l'agriculture des pays industrialisés reçoit 48 fois plus de subventions que celle des pays africains dont dépend pourtant 70 % des pauvres, comment s'étonner du retour en force de la pauvreté et les soulèvements populaires, dans cette partie du monde ?

Si plusieurs observateurs ont dénoncé la responsabilité et l'exploitation politicienne de la famine, en guise de sanction contre certaines populations hostiles au pouvoir politique en place, cette explication ne constitue qu'une facette du problème. Elle n'explique pas le caractère congénital de la pauvreté dans cette partie du monde. Elle n'explique pas non plus pourquoi il suffit d'une endémie, pour que la misère ou une catastrophe sanitaire y sévisse, alors qu'il n'en est rien dans les pays industrialisés.

Qu'on se le dise une fois pour toutes, le meilleur gage contre la pauvreté réside dans la protection sanitaire, économique et politique de la population. La santé, la bonne gouvernance, le pouvoir d'achat et la paix sont des conditions sans lesquelles une population ne peut assurer son développement.

Le même raisonnement s'applique aux nombreux et graves conflits armés qui dominent l'Afrique subsaharienne. Bon nombre de ces conflits sont de longue durée. Il s'agit de plusieurs années durant lesquelles les belligérants s'évertuent à tuer et à détruire, dépouillant ainsi la population de sa capacité de se prendre en charge. Les conséquences sont terribles sur le tissu social et sur la capacité organisationnelle. La réalité des millions de populations déplacées et réfugiées, naguère autonomes mais dont la survie, en contexte de guerre, dépend de l'aide humanitaire, en est une malheureuse illustration.

Une question politico économique

Il n'est pas superflu de mettre également en balance l'épineuse question de la persistance de la pauvreté dans un monde super développé où la révolution scientifique et technique est à son apogée. Et c'est ici que la question revêt un caractère politique. En effet, dans un contexte mondial marqué par la surabondance, c'est l'inaccessibilité au développement qui pose davantage problème que les facteurs de production dans les pays pauvres d’Afrique.

La persistance de la pauvreté soulève donc plusieurs questions morales et éthiques. Elle appelle à repenser le modèle de développement axé sur une logique de marché. Elle appelle à une réorientation de la recherche agroalimentaire, qui, pour le moment, est foncièrement tournée vers les besoins des consommateurs du Nord. Elle appelle à l'urgence de saisir la complexité des causes de la pauvreté et donc à ne pas se limiter à des mesures de courte vue.

Un engagement ferme dans la résolution des conflits armés, l’instauration de la démocratie, le respect du suffrage universel, la non-ingérence. Au lieu de se cantonner à de simples déclarations d’intentions, il faudrait formaliser l'éradication de la pauvreté. Un nouveau financement de l'agriculture de subsistance pratiquée par les paysans africains s’impose. Une réelle volonté de juguler les grandes et petites endémies, est un gage de la sécurité sanitaire, principal socle du développement. Les femmes longtemps mises au ban de la politique, doivent reprendre une place centrale dans le processus démocratique. Si ces préalables ne sont pas mis en musique par la « communauté internationale », l’aide au développement ne serait qu’une simple vue de l’esprit. Mais ces mesures doivent reposer sur une volonté politique, qui, avouons-le, n’est pas encore sortie de ses langes.

 Aimé Mathurin Moussy


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3 réactions à cet article    


  • René 03 René 03 26 février 2011 11:38

    Ce n’est pas qu’une question d’organisation.

    On ne résoudra jamais les problèmes de famine tant que la population humaine continuera d’augmenter.
    Une croissance infinie aussi bien économique que démographique est impossible dans un milieu fini.


    • pavillon noir 27 février 2011 02:27

       Merci pour cet article..
       Il rejoint celui de Robert Gil :« douze mythes sur la faim » où des liens vers de passionnants documentaires ont été postés dans les commentaires. (incontournables !!)

       Je m’étonne du peu de réactions ici, vu que c’est un problème économique et politique mondial...
       En tout cas je viens de regarder « solutions locales pour un désordre global » de Coline Serreau , 
       


      • pavillon noir 27 février 2011 02:35

         Et je trouve qu’il est très important de prendre connaissance de ce merveilleux documentaire.

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