Russie = Biélorussie + Ukraine + Moldavie + Géorgie + Arménie + Azerbaïdjan ?
L'article qui suit, se réclame de l'essence même du travail du journaliste et de l'historien : "la nuance et le rapport critique aux sources s'imposent comme base de la méthode historique, dans le but d'établir des faits et de dégager une compréhension des phénomènes passés"("Tracts" n°34) et on pourrait rajouter... présents.
Vladimir Poutine a donc décidé d'envahir l'Ukraine afin de "démilitariser et de dénazifier le pays pour que l'Ukraine soit rendue à son état originel en tant que partie intégrante du monde russe, l'ère de la domination occidentale étant considérée comme définitivement révolue". Et comme l'a dit très justement le candidat à la présidentielle française, Yannick Jadot, c'est un "moment essentiel de l'histoire de notre pays, de l'histoire de l'Europe avec un conflit sur notre territoire", Etienne Balibar le rejoignant, en parlant de "guerre européenne". Accessoirement la trêve historique et ancestrale des Jeux Olympiques n'a pas été respectée pour les J.O. paralympiques de Pékin.
Jean-Dominique Giuliani président de la "Fondation Robert Schuman" donne son analyse sans ambages : "Moins de 10% des frontières de la Russie sont communes avec l'Otan et a fortiori avec l'Union européenne. Pas de quoi se sentir encerclé ! C'est la présence à ses limites de l'ouest d'un grand ensemble pacifique, riche et démocratique qui met en évidence ses échecs. Economiquement la Fédération de Russie ne peut rivaliser avec l'Occident".
L'évènement est d'importance historique et bouleverse toutes les analyses géopolitiques. Ursula Von der Leyen, ancienne ministre de la Défense en Allemagne, présidente de la Commission européenne, voit son pays, pour la première fois de sa jeune histoire, changer du tout au tout sa politique de défense. La Turquie se rapproche des européens et restaure ses liens avec l'Otan et les relations d'alliance entre le président turc Erdogan et le président russe sont largement remises en cause. Le journal "Le Monde" peut titrer : "La Turquie verrouille ses détroits pour les navires russes".
Nombreux sont les observateurs qui se projettent dans un avenir proche pour penser que la Russie ne s'arrêtera pas à la prise de l'Ukraine.
On laissera de côté les analystes qui voient la main de Moscou en Afrique, par l'intermédiaire du groupe Wagner. Au Mali mais aussi aux Comores où l'ancien ministre des Affaires étrangères serait en contact avec le fameux groupe, pour que les mercenaires russes assurent la sécurité du président. Les propos de ce dernier, dans une interview accordée à un média français au 35ème sommet de l'Union africaine à Addis Abeba, étant jugés ambigus au sujet de la percée des russes dans certaines anciennes colonies françaises.
Concentrons-nous sur l'Europe.
Emmanuel Macron, dès le début de l'invasion, s'est entretenu avec les présidentes de la Géorgie et de la Moldavie, Salomé Zourabichvili et Maia Sandu. Il a insisté sur la détermination de la France à "soutenir nos partenaires du voisinage oriental de l'U.E. contre toute tentative de tension et de déstabilisation. Nous nous tenons aux côtés de la Moldavie et de la Géorgie pour défendre leur souveraineté et leur sécurité".
L'Euronews allemand face aux déclarations claires mais prudentes de la présidente moldave avait déjà titré "Ja zur E.U. (Union Européenne). Nein zur Nato (OTAN)". Preuve des craintes des moldaves.
La Moldavie et la Géorgie qui, comme l'Ukraine, veulent que leur demande d'adhésion soit d'ores et déjà à l'instruction, mais aussi la Biélorussie manifestant contre son dirigeant Loukachenko, regardent depuis des années vers l'Europe, vers la démocratie, le développement économique et le modèle social européens.
Pour mémoire gardons à l'esprit que la Moldavie a sur son sol une longue bande de terre à sa frontière avec l'Ukraine, la Transnistrie, région sécessionniste pro-russe (avec stationnement de troupes russes) qui fait dire au ministre des Affaires étrangères moldave que "la Moldavie est un état neutre ; elle ne s'engagera ni d'un côté, ni de l'autre du conflit en Ukraine". Et dans le sud de la Moldavie une région, la Gagaouzie souhaitait en 2014 intégrer l'Union douanière russe !
Le Donbass ukrainien, en guerre depuis 8 années, proche de la frontière russe, avec Donetsk et Louhansk en républiques pro-russes autoproclamées, aurait dû faire réfléchir.
On n'oubliera pas non plus que le Géorgie a été sauvée de l'invasion russe en 2008 avec l'action du président français Nicolas Sarkozy. L'Abkhazie et l'Ossétie du sud pro-russes, situées dans le nord de la Géorgie à la frontière avec la Russie (l'Ossétie du nord étant en Russie), avaient proclamé leur indépendance dans les années 90. En 2008 lors de la 2ème guerre d'Ossétie, l'armée russe repousse l'armée géorgienne et reconnait l'indépendance. La Géorgie perd 20% de son territoire et l'armée russe est toujours présente dans ces 2 régions.
Russie = Biélorussie + Ukraine + Moldavie + Géorgie ? Le site "Médiapart" regardant vers les Balkans va même jusqu'à titrer : "La guerre en Ukraine fige la Bosnie-Herzégovine dans la peur". Car "La guerre en Ukraine ravive les risques d'une sécession de la Republika Srpska, l'entité serbe de ce pays toujours divisé... Les volontaires de Saint Georges liés à la nébuleuse des groupuscules de l'extrême droite serbe qui, depuis 2014, ont envoyé un certain nombre de combattants dans les régions sécessionnistes du Donbass ukrainien, forment surtout une milice parallèle prête à exécuter les basses oeuvres du régime de Milorad Dodik, le "patron" de la Republika Srpska... Ce dernier, membre de la présidence collégiale de Bosnie-Herzégovine, a claqué la porte d'une réunion de cette instance quand les 2 autres co-présidents, bosniaque et croate, ont décidé d'aligner la Bosnie-Herzégovine sur les sanctions européennes contre la Russie".
Quid des conséquences de la catastrophe ukrainienne sur le cessez-le-feu contrôlé par la Russie, entre Arménie et Azerbaïdjan ? Quid de la République d'Artsakh reconnue par aucun état au monde ? Faut-il ajouter ces 2 pays à la liste des pays susceptibles de parfaire l'équation Russie = Biélorussie + Ukraine, etc... ?
Le président français qui était, dans le dernier conflit Arménie-Azerbaïdjan en 2020, plus proche de l''Arménie que de l'Azerbaïdjan, a discuté avec son homologue azerbaïdjanais sur les moyens d'accroitre le soutien politique, économique et humanitaire à l'Ukraine. Emmanuel Macron dans le cadre de la présidence tournante de l'Union européenne a échangé aussi avec Ilham Aliyev sur le déséquilibre créé par la guerre en Ukraine sur les marchés énergétiques.
Au même moment les "Nouvelles d'Arménie" indiquaient, en reprenant des affirmations russes, que "l'Ukraine aurait utilisé des bombes au phosphore interdites, contre les russes". Visant l'Azerbaïdjan accusé de profiter de la situation, le mëme site relève "des actions provocatrices de ce dernier qui constituent une menace pour la paix et la stabilité régionales,un coup porté à la mission russe de maintien de la paix ". "Dans la nuit du 8 mars l'unique gazoduc menant à la république d'Artsakh a été endommagé, privant tout le territoire du pays, d'approvisionnement en gaz. La section endommagée se trouve dans la zone sous le contrôle des forces armées azerbaïdjanaises."
"Armenews cite" le site pro-Aliyev, "Trend" qui s'emporte : "l'activité, plus précisément l'inactivité des forces de maintien de la paix est devenue un facteur plutôt irritant dans l'attitude de la société azerbaïdjanaise envers la Russie. 1 an et demi s'est écoulé depuis la 2ème guerre du Karabakh et des bandes armées arméniennes continuent à errer dans la zone de responsabilité des casques bleus. Le ministre russe de la Défense a commis plus d'une fois des provocations notamment en déformant étrangement les cartes du maintien de la paix en ne mentionnant pas les actions criminelles des séparatistes arméniens. La partie azerbaïdjanaise a beaucoup de patience, mais elle n'est pas infinie. Le 7 mars le ministre russe de la Défense, faisant rapport sur l'aide humanitaire fournie à l'Ukraine, a mentionné entre autres 14 tonnes de fournitures provenant du "Nagorno-Karabakh", toponyme qui n'existe plus sur le territoire de l'Azerbaïdjan souverain."
Le magazine "Causeur" titre : "Guerre en Ukraine : l'Europe sollicite l'aide de Bakou" et écrit : "Les européens et notamment la France ont demandé à l'Azerbaïdjan d'aider la Moldavie, le maillon faible des anciens territoires de l'URSS. Bakou s'est engagée à fournir à Chisinau ce dont elle a besoin pour se passer du gaz russe l'hiver prochain. L'Azerbaïdjan s'est engagé à soutenir l'Ukraine avec l'acheminement d'aides humanitaires. La Société nationale d'énergie SOCAR, propriétaire de stations services en Ukraine, a mis ses établissements à disposition des ambulances, services de secours ou de santé. L'Azerbaïdjan poursuit son chemin sans redevenir vassal de Moscou et a su trouver une voie politique permettant de vivre en paix dans une région considérée par les russes comme faisant partie de leur sphère d'influence".
"La GazetteAZ" insiste sur le fait que "l'Arménie soutient les séparatistes du Donbass ukrainien et les séparatistes du Karabakh. L'Azerbaïdjan ne prend pas part au conflit mais s'attache aux conséquences humanitaires de la guerre, en envoyant à Kiev 3 millions de dollars de médicaments et matériel médical et en facilitant des entretiens de différents niveaux entre les 2 parties afin de pouvoir arrêter les hostilités. Au sein de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe, en rappelant l'importance de la loi internationale, la souveraineté des états, l'intégrité des états, l'inviolabilité des frontières.
A Bakou des manifestations spontanées et très suivies, de soutien à l'Ukraine, ont eu lieu devant l'ambassade d'Ukraine et des opérations de collecte humanitaire ont permis de récolter des produits de première nécessité pour les ukrainiens en détresse. Manifestations et collectes peu couvertes par les médias occidentaux.
On notera par ailleurs dans "Mondafrique" que "le rôle de l'Azerbaïdjan pour assurer la sécurité énergétique en Europe a été activement discuté lors d'une réunion du Conseil consultatif du Corridor gazier du Sud à Bakou. Les ministres de l'Énergie de 16 pays européens, des USA, du Royaume-Uni ainsi que les commissaires européens en charge de l'élargissement et en charge de l'énergie participaient à ce sommet".
Le journaliste Jean-Christophe Buisson dans un twitt a attisé les passions en postant : "Profitant de la guerre en Ukraine, les Azéris harcèlent encore les Arméniens de l'Artsakh Haut Karabakh. A Khramort la semaine dernière, à Norshen hier. Et ils reçoivent le ministre des Affaires étrangères turc pour parler du corridor de Zanguezur en Arménie même. Vigilance !"
Thomas Goltz dans le "Washington Times" tient à rappeler une évidence historique dans un article intitulé "Russia's no longer hidden hand of inciting into ethnic conflict" : "Lors du massacre de Khodjali", les 633 morts dans des conditions odieuses ont été frappés par des Arméniens avec l'aide de la Russie."
Alors le reportage photo effectué par Grégory Herpe au Karabakh est plein d'enseignement pour le présent et l'avenir. Ce photographe ne prenant absolument pas parti pour l'un ou l'autre camp, mais témoignant tout simplement.
En effet il s'est rendu au Karabakh alors qu'il y avait eu guerres meurtrières et destructrices entre 2 pays, l'Arménie et l'Azerbaïdjan, annexion de 20% du territoire azerbaïdjanais par l'Arménie pendant 30 ans, reprise de ce territoire par l'Azerbaïdjan. Mais plaies ouvertes, destructions et ruines, reconstruction nécessaire après cessez-le-feu précaire contrôlé par les troupes russes sur le territoire azerbaïdjanais alors que des bases russes sont en Arménie depuis des décennies.
Grégory Herpe était déjà venu au Karabakh pour un premier reportage photo en juillet 2021. Son deuxième séjour s'effectue au sein d'un pool de journalistes venant de différents pays, de différents médias : CNN Turquie, Algérie, Malaisie, etc., et aussi 2 journalistes ukrainiens qui, pour rentrer chez eux, ont mis 33 heures par la route en traversant 4 pays, sans s'arrêter, quasiment d'une traite. Ils ne sont pas retournés à Kiev. Une journaliste est rentrée chez ses parents à côté d'Odessa avec l'attente insoutenable de l'attaque de la ville par les troupes russes.
Le but du voyage était de voir la situation du Karabakh après la fin de la 2ème guerre de 2020. « Quelle progression ! Ils mettent les moyens ! Ils carburent ! », nous dit Grégory Herpe, soulignant « l'intention d'afficher une image du pays réellement tourné vers l'avenir, vers les technologies nouvelles, notamment en matière d'écologie et d'énergie. Toujours ce souci de montrer une image, une autre réalité du pays que celle qui circule généralement à l'Ouest. La jeune directrice du service de presse du ministère des Affaires étrangères Leyla Abdullayeva, première interlocutrice a d'ailleurs répondu à toutes les questions des journalistes même les plus dérangeantes, sur l'état des lieux après la guerre dans les « territoires libérés » (appellation importante qui revient souvent dans la conversation)."
Dans le Karabakh, nous dit Grégory Herpe, « la première impression porte sur les routes toutes goudronnées maintenant, alors que, lors du premier voyage on avait encore des pistes. Tout a été nettoyé. Quand je suis rentré dans le Karabakh pour la première fois, on voyait beaucoup d'obus, de mines anti-personnel qui étaient ostensiblement laissées là pour montrer aux journalistes ce qu'il en était de la guerre passée, les tanks aussi. Cette fois-ci, moins de check points que la dernière fois avec des petites guérites et 3 ou 4 gars armés qui sortent et qui photographient les passeports à chaque fois ».
Le charnier d'Edilli
« Nous sommes allés à Edilli. Là, cela a été une claque pour tous, car personne ne nous avait dit ce que l'on allait y trouver. Un village défoncé, des maisons debout mais défoncées. On monte une colline, une quarantaine d'officiels, des militaires en armes évidemment, sont là. On tombe sur un charnier avec des crânes, des fémurs, qui sortaient, çà et là des os, des lambeaux de vêtements. Un témoin de la guerre de 1992 Shamsi Shikhaliyev nous présente le « chantier de fouilles ». Seyfulla Iskandarov, anthropologue et spécialiste de médecine légale y travaille pour faire un état des lieux. Un travail de longue haleine pour retrouver l'identité des victimes de ce charnier découvert il y a peu de temps. On touche du doigt ce qu'est la guerre. Visiblement des civils. Les fouilles débutent, toute la colline sera creusée. La guerre et les exactions entre ennemis, qu'on soit d'un côté ou de l'autre, on ne peut que déplorer ».
Shusha
Après Edilli, Shusha. « Avant de monter à Shusha, l'éperon de Shusha, nous sommes passés à un check point tenu par l'armée russe, tampon entre les arméniens et les azerbaïdjanais. Lors du premier voyage, il n'y avait qu'un vaste grillage mal posé. Maintenant clôture définitive, couloir de passage avec guérites structurées, militaires russes en treillis, cagoules (seuls les yeux apparaissent), fusils d'assaut, 2 chars d'assaut de chaque côté. Lors du premier voyage c'était un peu la pagaille ; là ils te regardent et si tu bouges... Ça rigole pas."
"A Shusha de nouvelles autorités sont en place depuis 7 mois. Dans la ville à 9 heures du soir c'est le couvre-feu officiel, avec interdiction de marcher dans les rues sous peine d'être arrêté. De Shusha on peut voir au loin la ville de Stepanakert pour les arméniens (Khankendi pour les Azerbaïdjanais). Interdiction est faite de s'en approcher. Pas de tir comme lors du premier voyage. Les seules personnes vues dans Shusha sont des militaires et les familles des militaires. Dans Shusha les mêmes façades défoncées, les mêmes trous béants causés par les tirs d'artillerie de la dernière guerre, que j'avais pris en photos. Mais beaucoup de travaux de voirie. Dans la plaine qui donne sur la montagne historique escaladée par les troupes azerbaïdjanaises pour reprendre Shusha, des manœuvres militaires avec bazookas, fusils d'assaut, véhicules blindés. »
Aéroport de Fizuli
Après Shusha, Fizuli. « Lors du premier voyage c'était le début ,observé de loin, de la construction de l'aéroport de Fizuli, livré flambant neuf après un chantier de 9 mois. Aujourd'hui les jardiniers s'affairent pour des plantations arborées sur la grande avenue qui mène à l'aéroport qui n'est pas sans rappeler l'architecture novatrice du Centre culturel Aliyev à Bakou. Tarmac nickel, belles tours de contrôle. Pour l'instant l'aéroport livré « clés en mains » ne fonctionne pas, car il faut, aux dires des autorités, reconstruire une localité qui a été détruite. Dès que la localité sera reconstruite, des vols avec l'Asie, le Moyen-Orient, l'Europe sont attendus. Shusha est à 60 km, berceau de la culture azerbaïdjanaise ( localité toujours réclamée par les arméniens d'ailleurs). Mais actuellement il ne peut pas y avoir de tourisme car il n'y a pas d'hôtel conséquent à Shusha, 2 ou 3 commerces pour les locaux. Des mines anti-personnel autour de Fizuli, même si beaucoup ont été extraites. »
Khodjali
« A notre retour à Bakou au Center of analysis of international relations, lié aux déplacés et réfugiés du Karabakh, repliés vers l'est du pays après l'occupation arménienne, nous avons rencontré des descendants des victimes du massacre de Khodjali et d'autres exactions de la première guerre du Karabakh. Ces victimes, des civils, pas du tout dans la politique « jeu d'échec » Ils ont subi la guerre. On leur a dit : « voilà ce qui se passe avec l'Arménie ». Vous y allez. Et ils se font dézinguer. Nos interlocuteurs, une trentaine de femmes et d'hommes, avec des photos, des dépouilles prises sur le champ de bataille et conservées. Photos insoutenables, corps mutilés ; un homme, avec des mains pleines de tatouages, qui présente des photos de 6 personnes de sa famille mortes lors du massacre, avec une photo de sa mère, Anna, dont le nom est tatoué sur sa main. Ils nous racontent tous leur histoire. »
L'avenir passe par l'énergie
« A Bakou toujours, deuxième rencontre tournée vers l'avenir, avec le ministre de l'Énergie Elnur Soltanov qui nous présente l'installation de panneaux photovoltaïques dans la région de Zangilan et Jabrayil et des éoliennes notamment sur les bords de la Caspienne, dans la région de Khizi-Absheron. Opérations en coopération avec l'Arabie Saoudite ou la Banque mondiale. Et même à côté de Aghdam dans le Karabakh, on peut voir des panneaux photovoltaïques pour alimenter les réverbères, avec la mention « made in AZ ».
Aghdam et le déminage
« A Aghdam nous avons pu observer les murs de pierre, vestiges du désastre de la première guerre avec un édifice dont seule la façade reste debout : la mosquée. Des milliers de mines anti-personnel et les démineurs d'Anama en action. C'est chaud ! Anama a reçu quelques cartes du camp arménien adverse, mais Anama n'a pas reçu toutes les cartes existantes, loin s'en faut. Donc il faut faire des recoupements entre plusieurs types de documents. Je n'ai jamais vu,avant,de démineurs sur le terrain.
Là on les a vu bosser. On est allé avec eux sur le terrain autour d'Aghdam. Ils sont en bleu avec un équipement qui m'a scotché, parce que je m'attendais à voir des gars, comme dans les films, avec beaucoup de protections. Or là ,pas du tout : un casque avec une visière en plastique. Les Britanniques ont apporté une aide conséquente. Mais sur le terrain ce sont les Azerbaïdjanais qui sont là dans leurs combinaisons bleues avec 2 ou 3 éléments de protection. Ils iraient faire du skate board qu'on ne serait pas étonné, vu leur équipement sommaire. Ils ont une « poêle à frire » comme sur les plages pour ceux qui cherchent des pièces de monnaie ou des bagues égarées et ils marchent doucement. Quand ils ont fait un mètre ils plantent un petit bâton tout doucement. C'est vraiment chaud quand tu les vois faire. Et dès qu'ils trouvent une mine, en fait ils plantent un bâton avec un triangle rouge et une tête de mort qui indique qu'il y a donc une mine et il y en a plein à perte de vue. Il y en a pour une dizaine d'années pour déminer. Et en même temps les types te disent : « dans un an il y aura à nouveau la vie ». Il n'y a pas beaucoup d'endroits visités où on nous a dit : « vous pouvez aller gambader dans les champs ». Tous les présents pointaient du doigt le fait que l'Arménie n'avait pas envoyé toutes les cartes disponibles. A un moment donné la guerre est terminée et on se dit : « il faut donner les cartes ». Si l'Azerbaïdjan reconstruit, ce qui est prévu pour que les réfugiés puissent rentrer chez eux, qui va sauter sur les mines ? Comme en Asie après la guerre du Vietnam, des gamins qui vont jouer dans les forêts, dans les prés ! On va faire quoi, dans les 10 prochaines années ? On va livrer des jambes de bois ! Il faut donner des cartes précises ».
Ces guerres entre Arménie et Azerbaïdjan ont donc été catastrophiques à tous les points de vue. Une paix précaire existe entre ces 2 pays. L'observateur impartial ne peut que souhaiter que cette paix s'installe définitivement et que l'on n'est pas une équation : "Russie = Biélorussie + Ukraine + Moldavie + Géorgie + Arménie + Azerbaïdjan
Laissons pour finir la parole à Mikhaïl Boulgakov (né à Kiev) dans sa "Garde blanche" : "Tout passera, les souffrances, le sang, la faim. Le glaive disparaitra et seules les étoiles demeureront. Alors pourquoi ne voulons-nous pas tourner nos regards vers elles ?" Car n'oublions jamais que l'espoir fait aussi vivre et engendre des situations qui font évoluer les pires moments vers des jours meilleurs.
***Les lecteurs qui voudront, avec le roman, prendre une autre dimension des relations russo-ukrainiennes dans le conflit larvé qui, pendant 8 ans a endeuillé le Donbass ukrainien, pourront lire avec intérêt 2 romans qui ont été publiés avant l'invasion présente de l'Ukraine : "Les abeilles grises" de Andréi Kourkov et "Donbass" de Benoit Vitkine correspondant du quotidien "Le Monde" à Moscou. Le premier auteur met en scène 2 "ennemis d'enfance" seuls résidents restants d'une petite localité. L'un d'eux change les plaques de rue "Lénine" et "Chevtchenko" poète ukrainien : "Lénine en Union Soviétique tout le monde le connaissait, alors que Chevtchenko n'était célèbre qu'ici" (en Ukraine). "Désormais je vivrai rue Chevtchenko". Le deuxième auteur campe son thriller dans la région séparatiste : "Sur la ligne de front du Donbass, la guerre s'est installée. L'héroïsme et les grands principes ont depuis longtemps cédé la place à la routine du conflit. Mais quand des enfants sont assassinés sauvagement, l'impassible chef de la police locale perd son flegme"...
Les photos de cet article sont de Grégory Herpe
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