Salvador Allende : la part d’ombre
Le Chili fête en ce moment le centenaire de la naissance de Salvador Allende, le dernier président élu démocratiquement avant le coup d’État de Pinochet et mort en martyr durant l’assaut du palais de la Moneda. D’Allende, on retient surtout la bravoure, le sens de l’honneur, la fidélité et le courage, transmis à travers les générations par son dernier discours depuis le palais assiégé. Mais, au delà de l’icône, Salvador Allende était surtout un homme doté de beaucoup de force et aussi de nombreuses faiblesses. Dommage que, pour l’instant, seuls les historiens « militants », qu’ils soient de gauche ou de droite, s’emparent du travail de mémoire si nécessaire aux Chiliens.
Quand les mentalités ne sont pas prêtes pour un véritable travail historique, il vaudrait mieux laisser du temps au temps, comme disait un vieux sage, François Mitterrand, qui lui aussi n’était pas dépourvu de forces comme de faiblesses.
La thèse de Salvador Allende, souligne l’auteur, avec des références à l’appui, recommande notamment l’emprisonnement définitif des prétendus patients incurables, évoque les races prédéterminées à un certain type de délinquance - les Juifs, les Gitans, les Arabes -, affirmant que « la race influence la délinquance ». Ces thèses, loin d’être un péché de jeunesse, réapparaîtront en 1939-1941, alors que, ministre de la Santé du gouvernement de Front populaire, S. Allende les intègre dans un « Projet de loi de stérilisation » rédigé avec l’aide d’une commission de scientifiques. Y est préconisée la stérilisation de milliers de personnes considérées comme « aliénés irrécupérables » ou éléments « pathologiquement asociables », ayant contracté une « maladie mentale héréditaire [...] pour obtenir de meilleures générations futures ». Le projet préconisait notamment la création de tribunaux de stérilisation, traitant les demandes pouvant émaner des directeurs des asiles privés ou publics, des directeurs des hôpitaux possédant des sections pour aliénés, des malades mentaux majeurs, des représentants des malades mentaux incapables. Une fois la décision prise par le tribunal, la stérilisation, selon le projet, aurait dû être effectuée même contre la volonté de la personne. "Le projet en question n’atteint pas le stade de la discussion parlementaire, refoulé après sa présentation devant la Société de neurologie, psychiatrie et médecine légale, qui remit en question le caractère scientifique de ses affirmations sur l’hérédité, soulignant notamment qu’il s’appuyait sur des personnalités emblématiques de la médecine allemande servant de légitimation à l’euthanasie nazie." Il va de soi que ces thèmes de la stérilisation et de l’eugénisme sont récurrents dans tous les pays où de nombreuses voix s’élèvent pour demander "d’encadrer juridiquement" des pratiques qui sont souvent laissées à la décision de "professionels", mais, en ce qui concerne l’histoire de Salvador Allende, un travail sérieux ne peut pas refuser par principe d’aborder "la part d’ombre" d’une personne dont le comportement héroïque n’est absolument pas mis en doute.
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