Sanglants boniments
Imaginons le maire d’un village dont l’élection est contestée par son voisin, furieux de ne pas avoir été élu à sa place. Il est détesté par le dictateur d’un autre pays qui veut s’en débarrasser. Le dictateur envoie son armée détruire sa maison à coups de canon. Le pauvre type se réfugie dans sa cave. Le dictateur qui, contre toute évidence, veut faire croire qu’il n’est pas intervenu, dit à son protégé (le voisin) : “Voilà, il est KO. Moi je retire mes troupes ni vu ni connu. Vous pouvez aller régler vos comptes avec lui. Comme ça, tout le monde sera convaincu que c’est vous et pas moi, qui l’avez battu.“
C’est à peu près ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire, avec la capture de Gbagbo. La farce, déjà énorme en elle-même, n’est dépassée en grotesque que par les commentaires officiels. “Pas un seul soldat français n’a mis les pieds dans la résidence“, a le culot d’affirmer François Fillon. “Pas un soldat français n’a participé à l’arrestation de Laurent Gbagbo“ surenchérissent Gérard Longuet, ministre de la Défense, et Alain Juppé, sous-ministre des Affaires étrangères (coiffé triomphalement par Bernard-Henri Lévy).
Oui, euh... A part une colonne de 30 véhicules blindés qui s’est immobilisée à 1 m 50 du bâtiment, une nuée d’hélicoptères qui l’ont bombardé de missiles et l’ouverture du tunnel reliant l’ambassade de France à la résidence présidentielle (ce qui a permis aux partisans de Ouattara d’appréhender le rival caché au sous-sol), aucun soldat français “n’a participé à l’arrestation“. Et aucun Français, bien sûr, n’a aidé Ouattara à débouler du nord pour vaincre les troupes de son adversaire, l’acculer dans son bunker, et se proclamer président à sa place.
On reste confondu devant tant d’aplomb dans l’imposture.
Comment peut-on encore croire à ces guignols qui se moquent de nous en voulant nous faire avaler leur burlesque mise en scène ?
Qu’ils cherchent à voiler la façon dont la France a renoué avec le passé sulfureux du colonialisme de la Françafrique, on les comprend. Les malfaiteurs veulent toujours effacer les traces de leurs méfaits. Mais qu’il le fassent avec cette arrogante désinvolture est une insulte. Un tel mépris des gens les déshonore et devrait les rendre inéligibles à tout jamais.
D’autant que la bouffonnerie caricature aussi la réalité en Libye. Là on n’a pas affaire à une comédie en trompe-l’œil, mais à une démonstration d’hypocrisie et de cynisme. Cameron (salivant devant le pétrole de Kadhafi) et Sarkozy (jouant les Tartarin de sous-préfecture) ont entraîné l’équilibriste Obama et quelques comparses de l’OTAN dans un numéro d’illusionnisme digne de David Copperfield. Kadhafi a massacré son peuple, prétendent-ils ; l’Alliance atlantique est intervenue pour sauver Benghazi d’un bain de sang : les avions occidentaux bombardent pour protéger les civils ; les insurgés sont d’héroïques combattants de la liberté qui se battent les mains nues pour la démocratie. Autant de lénifiantes assurances : autant de mensonges éhontés. Propagés sous le drapeau de l’écœurante “morale“ qui à justifié toutes les guerres récentes de l’impérialisme, depuis celle faite à la Yougoslavie.
Ceux qui répandent ces tromperies le font sciemment. Au contraire de leurs boniments, ils savent parfaitement que Kadhafi a fait de la Libye un pays riche et indépendant ; qu’il a promis une amnistie aux rebelles qui déposaient leurs armes ; que les bombardements font plus de victimes civiles que le régime agressé ; que les insurgés sont une opposition traditionnelle à Tripoli dirigée par des djihadistes reconnus ; et que l’intervention internationale n’a rien à voir avec la protection d’une population menacée.
Le malheur est que leur propagande dupe beaucoup de monde et surtout fait couler beaucoup de sang. Au nom de leur droitdel’hommisme de faux culs, de leur croisade du Bien contre le Mal et de leur criminel droit d’ingérence, ils ont ruiné la Yougoslavie, écrasé l’Irak, semé le chaos en Afghanistan, asservi la Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, ils veulent dépecer la Libye. Au prix de milliers de morts et de milliards payés par les contribuables. Et en nous prenant pour des cons.
Combien de temps allons-nous les laisser continuer ?
Louis DALMAS.
Directeur de B. I.
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