Sarkozy et la question du Tibet
« Le Tibet fait partie de la Chine », a déclaré Sarkozy. Or, rappelons que le Tibet est considéré comme un pays indépendant soumis à l’occupation étrangère. Sur ce point, il y a unanimité des commissions de juristes internationales depuis 1950 ! Rien d’étonnant donc que l’opposition et François Bayrou aient réagi vivement à ces mots qui semblent cautionner la politique d’occupation et d’extermination de Pékin.
A l’ONU, dans les années 60, le représentant irlandais, Franck Aiken, rappela "Pendant des milliers d’années (...) le Tibet a été mille fois plus libre de s’occuper de ses propres affaires que bien des nations ici présentes".
"Le Tibet fait partie de la Chine" :
La phrase paraît avoir été prononcée de façon aussi péremptoire que "La Turquie n’est pas en Europe", prononcée par le candidat Sarkozy. Elle a été dite lors de la rencontre en Chine entre les président Sarkozy et Hu Jintao. Par cette position de notre président qui est à rapprocher de sa déclaration intransigeante à propos de Taïwan, la France donne son blanc-seing à Pékin, ferme les yeux sur ce qui pourrait bientôt être qualifié de génocide des Tibétains. Certes l’Elysée aurait tempéré "Mais nous encourageons le dialogue" pour que le peuple tibétain puisse bénéficier de "davantage de liberté culturelle, religieuse" pour que "son identité soit préservée". Mais ce que la Chine a retenu, ce que le monde a entendu, c’est "Le Tibet fait partie de la Chine" et que donc la Chine peut faire ce qu’elle veut des Tibétains. Car de dialogue il n’y aura pas !
Pékin refuse tout dialogue :
Déjà Den Xiaoping avait déclaré en 1982 : "Excepté l’indépendance totale du Tibet, toute autre question peut être discutée". Il n’a jamais honoré sa déclaration. Aujourd’hui, rien n’a changé. Seul le Tibet a fait des efforts vers la solution du dialogue. Ainsi, le Dalaï Lama a-t-il annoncé en 1988 devant le Parlement européen que bien que le Tibet soit un Etat indépendant occupé par la Chine depuis 1949, il renonçait à l’indépendance pour l’autonomie. Le Dalaï Lama veut faire du Tibet un Etat neutre dans la Chine, un Etat sur le modèle de la province autonome de Catalogne. En dépit de cette concession importante, la Chine a refusé le dialogue et s’obstine à voir dans le chef spirituel tibétain un séparatiste par Pékin, solution commode pour justifier la répression sanglante.
Droits de l’homme et courage politique :
"Il faut oser dire, de France et en Chine, que nous n’acceptons pas ces manquements qui ne correspondent pas à nos principes. Depuis des années, les gouvernants français croient à tort que, pour faire du commerce avec la Chine, il faut se taire sur les violations des droits de l’homme. Je pense au contraire qu’ on est d’autant plus respecté qu’on est capable de défendre des principes." (François Bayrou)
Angela Merkel applique ces principes. Malgré la vive opposition du gouvernement chinois, elle a reçu le Dalaï Lama le 21 septembre. Ce courage politique a été salué et n’a pas été suivi de sanctions de Pékin. Il rappelle la fermeté dont a su faire preuve le roi de Norvège qui avait maintenu la cérémonie de remise Prix Nobel au Dalaï Lama en dépit des menaces de la Chine de rompre les relations diplomatiques avec la Norvège. Sur la question du Tibet, la France vient au contraire de faire montre d’opportunisme complice pour ne pas dire de lâcheté. Pourtant la situation est très grave au Tibet.
La situation au Tibet :
Le régime communiste chinois continue de génocider le peuple tibétain, par divers moyens :
- la mort : rien qu’entre 1959 et 1979, le nombre de victimes directes ou indirectes est évalué à plus d’1,2 million, selon les données du gouvernement tibétain en exil en Inde ;
- le contrôle des naissances : les femmes tibétaines sont stérilisées et obligées d’avorter au-delà du premier enfant d’après un rapport de la Commission des droits de l’homme, alors que la politique de contrôle des naissances ne s’applique pas en Chine aux minorités ;
- la marginalisation : l’objectif est de diluer le peuple tibétain dans un flot de colons chinois, d’en faire une minorité dans son propre pays. Ainsi, le gouvernement chinois favorise-t-il l’arrivée en masse de colons chinois. Le 1er juillet 2006, le premier train pour Lhassa a permis d’accélérer encore cette immigration. Le but est de vider les ressources naturelles du pays (pétrole, gaz, uranium, cuivre...) Il y aurait aujourd’hui 7,5 millions de Chinois pour 6 millions de Tibétains. La Chine bafoue la convention de Genève de 1946 qui interdit aux puissances occupantes l’installation de colons dans les territoires qu’elles contrôlent. La situation du Tibet pourrait se rapprocher à terme à celle de la Mongolie intérieure qui compte maintenant 20 millions de Hans pour 2 à 3 millions de Mongols seulement.
On le voit, le but de la Chine est de conserver le Tibet pour le piller. Elle n’a aucune intention de démarrer le moindre dialogue en vue d’une autonomie par voie pacifique. D’ailleurs, le Dalaï Lama a dit plusieurs fois qu’il se retirerait de la vie publique si les Tibétains renonçaient à la non-violence. Ce qu’il demande aux grandes puissances, ce n’est pas un soutien logistique armé, mais de faire pression sur le gouvernement chinois pour des négociations. Cette non-violence et cette volonté de dialogue du côté tibétain n’ont entraîné jusqu’ici que des réponses brutales ou le mépris. Tout l’effort du gouvernement chinois est de discréditer la cause tibétaine. En 2002, un faux attentat a été organisé (un gros pétard dans une poubelle qui ne fit aucune victime) pour faire condamner, en guise d’exemples, Tendzin Délek Rinpotché et son assistant Lobsang Dondroup. Le premier fut condamné à mort en décembre 2002, après un procès inéquitable et torture. Sa sentence a été transformée en peine d’emprisonnement à perpétuité le 26 janvier 2005, sous la pression internationale. Le second fut exécuté après un simulacre de procès moins de 2 mois après sa condamnation.
Torture, déportation, ségrégation, répression culturelle et religieuse, les atteintes aux droits de l’homme sont nombreux au Tibet. Si ce pays "fait partie de la Chine", comme le martèle Nicolas Sarkozy, pourquoi la Chine ne le traite-t-elle pas avec respect ? Les droits de l’homme devront-ils toujours être oubliés au profit du seul opportunisme commercial ou peut-on espérer que la France intègre un peu de morale ou du moins un peu d’humanité dans sa diplomatie ?
55 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON