Simbikangwa, un procès diplomatique ?
Un ancien capitaine de l’armée rwandaise comparait à la cour d’assises de Paris pour complicité de génocide. Ce procès ressemble de manière insolente à une stratégie diplomatique de la part de la France, qui refuse malgré tout de faire aboutir un processus juridique qui implique des membres de sa classe politique.
Alors que le 6 avril prochain le Rwanda commémorera le vingtième anniversaire du génocide des Tutsis, un procès historique vient de s’ouvrir aux assises de Paris : celui de Pascal Simbikangwa, un ancien capitaine de la garde présidentielle de Juvénal Habyarimana, mort dans un attentat contre son avion en 1994 qui a été le coup d’envoi des tueries. Il comparait pour « complicité de génocide » et « crime contre l’humanité », suite au rôle qu’il a eu pendant les massacres.
Le caractère singulier de ce procès réside dans le fait que deux décennies ont passé, que 25 génocidaires présumés habitent dans l’Hexagone et qu’aucun n’avait encore été inquiété par la justice française.
Avant cette grande première, l’image de la France, déjà très controversée suite à son implication directe dans le génocide et son soutien financier, militaire et diplomatique au régime Hutu, s’était ternie encore un peu plus avec son refus d’inculper les génocidaires qui ont fui et rejoint son sol après la défaite contre le Front Patriotique Rwandais (FPR). Elle n’a pas non plus accepté de les extrader vers leur pays d’origine.
Comment expliquer cette inaction de la part des autorités politiques et judiciaires françaises ? Par le fait que la France fût partie prenante dans ce conflit.
En effet, si les multiplies enquêtes allaient au bout et qu’elles corroboraient les conclusions de la mission parlementaire menée par Paul Quilès, elle mettrait dans l’embarras la classe politique.
Ce déni est le principal motif de la rupture des relations diplomatiques franco-rwandaises ou, à tout le moins, des tensions qui existent entre les deux pays.
Ouvrir le procès de Pascal Simbikangwa est donc plus stratégique que véritablement motivé par la volonté de rendre justice : la France sait quel est le potentiel économique du Rwanda, et renouer diplomatiquement avec le pouvoir de Paul Kagame est purement et simplement intéressé.
Pourquoi les personnalités politiques françaises qui ont cautionné le génocide des Tutsis ne sont aucunement menacées ? Le fait d’être une grande puissance occidentale est sans doute une immunité… Pendant ce temps-là, les familles décimées pendant le génocide continuent d’attendre que la vérité éclate, que tous les coupables – aussi bien Rwandais que Français – soient condamnés pour qu’elles puissent enfin essayer de tourner la page d’un conflit souvent oublié par les livres d’histoire.
Abdalaye Niakaté
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