Le bilan du sommet euroméditerranéen de Barcelone, qui s’est terminé le 28 novembre, est à presque tous les points de vue un échec. Ce partenariat ambitieux, lancé il y a dix ans, se présente comme un des fers de lance d’une diplomatie européenne encore balbutiante. Mais son avenir demeure très ouvert, à l’image d’une région instable où il est difficile de dire de quoi demain sera fait...
EUROMED, mal en point, n’est pas condamné
Le
sommet euro-méditerranéen, qui s’est tenu à Barcelone les 27 et 28
novembre derniers, avait mal commencé. L’absence de la plupart des chefs
d’État et de gouvernement des pays arabes n’était pas de bon augure
pour une véritable relance du partenariat, objectif avoué de ce dixième
anniversaire d’Euromed. Alors que l’ensemble des dirigeants des 25
étaient présents, seuls deux chefs d’État sur les dix partenaires ont répondu à l’appel : le Premier ministre turc Recep Tayyip
Erdogan, et le Président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, seul
dirigeant arabe présent. Il faut dire que le contexte politique du
moment n’a probablement pas favorisé les avancées majeures : la récente
médiatisation du problème de l’immigration clandestine, l’enlisement du
conflit israélo-palestinien, et l’approche de la tenue d’élections en
Israël ont constitué autant de raisons pour passer à côté d’un
traitement de fond des relations entre voisins méditerranéens.
Quel était l’enjeu du sommet, dix ans après la naissance du partenariat euroméditerranéen ? Concrètement, trois points principaux figuraient à l’agenda des délégations de diplomates :
- l’adoption
d’une déclaration commune visant à relancer le partenariat Euromed et
ses trois volets constitutifs (politique, économique et culturel)
- la mise sur pied d’un plan d’action, pour cinq années, traitant du problème de l’immigration illégale
- et la signature d’un code de conduite antiterroriste.
La déclaration, ou « vision commune » censée être adoptée par les
trente-cinq participants, ne l’a finalement pas été, se transformant en
une malheureuse déclaration unilatérale de la présidence de l’Union.
Selon les dires d’un diplomate belge ayant fait le déplacement à
Barcelone, Israël s’est opposé au texte, en raison d’une référence faite
à « l’autodétermination » concernant les territoires palestiniens
(Ariel Sharon ne pouvant, dans le contexte politique israélien actuel,
prendre le risque de se voir accusé de céder sur quoi que ce soit). Les
pays arabes, quant à eux, auraient refusé l’adoption de la déclaration
en raison de l’absence de distinction faite entre les notions de «
terrorisme » et de « droit de résistance légitime ». Un plan d’action
sur cinq ans a néanmoins obtenu l’aval des trente-cinq délégations,
celui-ci consistant principalement en une tentative de régulation de
l’immigration clandestine. On peut affirmer qu’il s’agit là de l’unique
percée significative réalisée le week-end dernier dans la capitale
catalane. En effet, bien que le code de conduite antiterroriste
condamnant toute action terroriste ait été accepté par les pays arabes,
celui-ci perd de sa substance dès lors qu’on sait qu’aucun compromis
n’a été trouvé autour de la définition de la notion de « terrorisme »
elle-même. Cet obstacle sémantique était déjà à l’origine, on l’a
dit plus haut, du rejet de la déclaration commune.
Cependant,
s’il est vrai que le sommet de Barcelone est un échec, il ne constitue
en aucun cas l’acte de décès du partenariat Euromed. Sa relance n’est
pas un succès, et des adaptations futures seront nécessaires, notamment
au sujet de la politique européenne de voisinage, mais les mécanismes
(économiques et commerciaux surtout) mis en place en 1995 font leurs
preuves, et l’établissement d’une zone de libre-échange à l’horizon 2010
reste à l’ordre du jour. L’initiative européenne visant à «
l’établissement d’une zone commune de paix et de prospérité dans le
bassin méditerranéen », par l’intermédiaire du partenariat Euromed, est
de première importance pour la visibilité de l’action extérieure de
l’UE, et renforce l’affirmation que le « Soft Power » de l’Union peut
constituer une alternative aux projets américains de Grand Moyen-Orient,
et de démocratisation par la force.