Sotchi : Vive le Sport !
La Russie et les droits de l'homme
Un constat : selon un institut de sondage indépendant près de 90% des russes sont d'accord avec l'interdiction de " la propagande sur les relations sexuelles non traditionnelles" auprès des mineurs, prévue par la loi votée en 2012 par la Douma élue. En août 2012 Anton Krasovsky journaliste a fait son coming out à la télévision russe et a été immédiatement licencié.
Vladimir Poutine, président russe élu, est très populaire dans son pays, nous dit la spécialiste incontestée de la Russie, Hélène Carrère d' Encausse. Vladimir Poutine, estime une grande majorité de russes, a restauré l'autorité de l'état après la chienlit de la chute de l'URSS ; il lutte efficacement contre le terrorisme ; il rétablit le rôle international du pays ; il sort le pays du marasme économique. On dit même qu'il est entouré de collaborateurs gays, même si la gay pride est interdite à Moscou.
Or en Europe et aux USA la presse rend compte de manifestations organisées pour demander l'abolition de la loi discriminatoire, en utilisant le coup de projecteur médiatique sur les Jeux Olympiques de Sotchi.
"RSF reporters sans frontières" a rencontré des journalistes, des blogueurs, des représentants des autorités, des organisations professionnelles, des associatifs pour faire un état des lieux de la liberté d'informer en Russie et à Sotchi.
RSF fait état de journalistes de "Novaïa Gazeta" média indépendant du pouvoir, assassinés dont la célèbre Anna Politkovskaïa. "Novaïa Gazeta est emblèmatique de la presse de résistance qui couvre tous les sujets brûlants en dépit des pressions de tous ordres et de ses moyens limités". Ce journal d'investigation est lu par une petite "élite" de gauche représentant peu dans la population.
Et la population russe fait confiance à Vladimir Poutine.
Dmitri Medvedev avait dépénalisé la diffamation. Elle est pénalisée à nouveau. De même est pénalisée l'offense au sentiment religieux ( on l'a vu avec les Pussy Riots arrêtées après une action dans une église orthodoxe). De même l'opinion séparatiste qui peut porter atteinte à la cohésion de l'état russe.
Et la population russe fait confiance à Vladimir Poutine.
Pour les JO de Sotchi les journalistes étrangers sont perçus par les autorités comme des rabat-joie peu fiables, ne s'intéressant qu'aux aspects négatifs de la Russie.
La lutte contre le terrorisme peut être utilisée pour limiter la liberté de la presse. Vladimir Poutine a signé un décret contrôlant la circulation des personnes dans le périmètre des JO dès la deuxième semaine de janvier, à la suite des déclarations de Dokou Oumarov, émir du Caucase, contre les "danses sataniques" des JO.
Les médias locaux russes passent avec les autorités locales "des accords de fourniture d'information". Des subventions, des avantages fiscaux, contre des informations locales passées dans les colonnes des journaux. Dans chaque municipalité à Sotchi et ailleurs le département de l'information est essentiel. Statistiques, interviews des autorités passent par lui.
La censure est interdite par la constitution mais les directeurs des médias sont membres du "Conseil citoyen" du Comité d'organisation des JO, dont fait partie la rédactrice en chef de la chaîne publique d'état tournée vers l'étranger, "Russia to-day".
Et la population russe fait confiance à Vladimir Poutine.
Une association "la voix de Kouban" veut protéger les journalistes indépendants qui écrivent sur la corruption, association créée par la rédactrice en chef de Novaïa Gazeta Kubani, Galina Tachmatova.
Le journal local d'opposition Mestnaïa a publié des articles sur les problèmes nés de la préparation des JO : corruption, danger environnemental, exploitation de la main-d'oeuvre. En juin 2013, les locaux du journal ont été perquisitionnés pour violation des droits d'auteur. La rédaction ayant déménagé dans un magasin de DVD, les ordinateurs du journal ont été saisis, car ils pouvaient contenir des logiciels piratés ! La police a pu ainsi accéder aux bases de données, aux sources, aux contacts des journalistes.
Et la population fait confiance à Vladimir Poutine.
Des poursuites judiciaires sont engagées contre les journaux ; des journalistes en arrivent à faire relire aux interviewés leurs propres paroles et à les faire signer pour attester de la véracité.
Les médias de Sotchi et de la région ont été obligés de se soumettre à un concours de rédaction pour départager les trop nombreux correspondants des rédactions à accréditer, sur le thème "ta star sportive" !
Alors la ville de Sotchi rappellera-t-elle la Sotchi où Léonid Brejnev réunissait en juin 1973 (il y a 40 ans) les chefs d'état des principaux pays du bloc communiste.
Ou alors au travers des JO on pourra crier "Vive le sport". Sport qui va permettre aux journalistes de faire leur boulot : nous informer sur les athlètes, mais aussi la réalité russe en pénétrant dans l'arrière boutique des JO.
Dans un pays qui a fêté il y a 2 ans le 20ème anniversaire de la loi russe sur les médias et ses garanties démocratiques suite à la chute de l'URSS.
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