Sprint final aux USA : ordures en tout genre
« Je serai peut-être la première à ce poste, mais pas la dernière. J'espère que chaque petite fille qui regarde ce soir voit que c'est un pays de tous les possibles. Et aux enfants de notre pays, quel que soit votre sexe, notre pays vous a envoyé un message clair : rêvez avec ambition, dirigez avec conviction. » (Kamala Harris).
Mardi 5 novembre 2024 aura lieu sans doute l'une des élections présidentielles américaines les plus cruciales de l'après-guerre. En lice, Donald Trump, ancien Président de 2017 à 2021 et Kamala Harris, Vice-Présidente sortante de 2021 à 2025. Jamais le peuple américain n'a été aussi divisé que maintenant.
Deux Amérique s'affrontent, en quelque sorte. Celle de l'etablishment derrière Kamala Harris et celle des laissés-pour-compte derrière Donald Trump. Cette réduction simpliste ne se satisfait pas d'une réalité bien plus complexe que cela. Le patron de presse Bruno Bertez avait ainsi osé dire le 14 février 2017 : « Le trumpisme est une réaction, un mouvement de contestation de l’ordre du monde qui a été mis en place il y a soixante-dix ans. Ou plus exactement, c’est l’expression, mise en forme populaire et exprimée de façon populiste, des limites de l’ordre du monde qui a été décidé ou imposé il y a soixante-dix ans. ».
Kamala Harris, la candidate du parti démocrate, représente l'aile centriste, conservato-compatible. Mais en même temps, elle peut aussi représenter toutes les minorités, c'est d'ailleurs sur ce registre qu'elle a du mal à convaincre. Sa clef, c'est de mobiliser tous ceux qui n'ont jamais cru pouvoir se faire entendre. Barack Obama avait réussi à le faire avec son slogan très bien vu : Yes We Can ! Mais il a beaucoup déçu : grand potentiel, petites réalisations. Il n'en reste pas moins que Kamala Harris a été la première femme Vice-Présidente des États-Unis, et en cela, elle bénéficie d'une aura plus grande que la précédente femme candidate démocrate, à savoir Hillary Clinton qui considère l'élection de Kamala Harris comme la suite de sa propre candidature. Avec Kamala : Yes We Kam !
L'actuelle Vice-Présidente a suscité un engouement réel auprès des militants démocrates particulièrement soulagés de ne plus devoir soutenir un Président sortant âgé de presque 82 ans, Joe Biden, au bilan pourtant très honorable.
L'âge est sans doute le premier handicap de Donald Trump sur qui, curieusement, tout glisse : les condamnations pénales, les insultes, les brutalités, les grossièreté, les accusations de fuite de renseignements à l'étranger, sa responsabilité personnelle dans l'invasion du Capitole qui a particulièrement choqué les Américains, etc. Il est actuellement le candidat le plus âgé de l'après-guerre (à plus de 78 ans) et en cas de nouvelle élection, il serait le Président le plus âgé à démarrer un nouveau mandat présidentiel.
À ce titre, il y a des arguments des démocrates qui ne peuvent pas être crédibles, même si, dans le fond, ils ont raison : l'idée que l'élection de Donald Trump en 2024 serait une catastrophe pour les États-Unis et pour le monde. Pour le monde, il faudrait préciser lequel, et l'Europe assurément.
Le problème, pour les démocrates, c'est qu'il a déjà été Président des États-Unis. Son mandat n'a pas d'une grande lumière, mais il n'a pas été non plus une grande catastrophe pour les Américains. C'est moins le cas pour les relations internationales où Donald Trump a remis en vogue ce que les populistes de tout poil, des démocraties, des régimes autocratiques voire des dictatures, promettent déjà : la loi du plus fort. Dehors l'État de droit et vivent les rapports de forces.
Ce retour à l'instinct grégaire, ce qui est en fait dans la nature des relations entre les êtres vivants, l'être humain avait cru s'y soustraire momentanément pour permettre la croissance de la culture, de la civilisation en mettant des règles communes, du droit international, des protections individuelles. En rompant l'accord des États-Unis lors de la COP21, en rompant l'accord avec l'Iran sur le nucléaire, en faisant fi de tout ce qui était la base de la dissuasion nucléaire en Europe, à savoir la garantie d'une intervention américaine en cas d'attaque d'un des pays (européen) de l'OTAN, Donald Trump a remis en cause l'ordre international multilatéral au profit d'un désordre narcissique entre potentats nationaux. La plus grande illustration a été la rencontre avec le dictateur communiste nord-coréen Kim Jong-Un qui n'a abouti qu'à une simple photographie. Les relations troubles avec Vladimir Poutine, les fake news trumpiennes, la propagande poutinienne, etc. devraient avoir de quoi inquiéter les citoyens américains sur le patriotisme de Donald Trump.
Car la seule patrie de Donald Trump, c'est l'argent. Le seul dieu de Donald Trump, c'est le dollar. Et sur ce registre, les Américains peuvent s'y retrouver collectivement, tant les riches qui ont montré qu'ils chérissaient l'argent que les pauvres qui souhaiteraient pouvoir relever le défi de l'argent, de gagner beaucoup d'argent partis de rien. De plus, le parti-pris isolationniste de Donald Trump est une tradition séculaire aux États-Unis, elle n'est pas étonnante qu'elle reste très vivante. Un isolationniste qu'on verrait surtout comme un égoïsme : débrouillez-vous vous autres qui êtes dans la difficulté, on a mieux à faire...
Du côté de Kamala Harris, son programme diplomatique reste encore assez vague, serait plutôt dans la continuation du gouvernement Biden avec l'aide américaine en Ukraine, mais sur le Proche-Orient, elle peine à définir un projet audible car le sujet est impossible (et très sensible dans l'électorat démocrate). Ce qui est troublant, c'est que l'aile gauche du parti démocrate reproche à Kamala Harris de ne pas avoir assez défendu les Palestiniens de Gaza alors que Donald Trump est celui qui a le plus soutenu Benyamin Netanyahou, en particulier en déplaçant l'ambassade des États-Unis en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem, ce qui ne manquait pas de mettre de l'huile sur le feu.
Mais les élections américaines ne se font jamais sur la politique extérieure, sinon George H. W. Bush (le père) aurait été réélu en 1992. Sur le plan intérieur, Donald Trump a été incapable de gérer la crise du covid-19, mais là encore, tout le monde voudrait tourner la page de cette triste période sans en tirer les enseignements politiques. Sur le plan économique, Joe Biden a un bon bilan mais sans doute que le ressenti est autre chose, un peu comme en France. Les gens craignent le déclassement, l'insécurité, la non reconnaissance, la non prise en compte de leurs difficultés. On ne peut pas leur dire non, c'est du domaine du ressenti et ce ressenti est factuel.
Par sa démagogie, Donald Trump se montre paradoxalement, du haut de sa grande tour et de ses dollars, plus proche du peuple car il tente d'adopter ses propres raisonnements parfois irréfléchis. Plus inquiétant pour les démocrates, surtout quand la candidate démocrate est une ancienne élus de Californie, les patrons des entreprises d'innovation ne soutiennent plus en masse les démocrates. Au-delà du soutien inconditionnel d'Elon Musk, patron de Tesla (et de SpaceX), pour Donald Trump, il y a aussi la grande prudence d'un concurrent spatial comme Jeff Bezos qui préfère la neutralité bienveillante du "Washington Post" à une sorte de militantisme très courant en France en faveur de la candidate démocrate.
Certains leaders démocrates, et en particulier Joe Biden lui-même, ont pu tomber dans le piège de la bassesse et de l'invective. Il faut dire que Donald Trump a largement commencé dans ce registre de classe d'école primaire, mais il a réussi à y entraîner toute la classe politique américaine. C'est le premier principe de thermodynamique : l'énergie va toujours à son niveau minimal. Pour s'élever, il faut toujours rajouter de l'énergie et ce n'est pas facile. La facilité, c'est de s'abaisser.
Ainsi, quand un supposé humoriste a tenu des propos franchement racistes au grand meeting de Donald Trump à New York (au Madison Square Garden) le 27 octobre 2024, propos qui ont particulièrement irrité les Portoricains (« Il y a littéralement une île d'ordures flottante au milieu de l'océan. »), le Président des États-Unis en exercice aurait mieux fait de s'abstenir plutôt que de décliner cette insulte, les ordures, en les reciblant sur les partisans de Donald Trump.
En effet, dans la nuit du 29 au 30 octobre 2024, il a déclaré dans une vidéo aux citoyens latino-américains : « Les seules ordures que je vois flotter autour d'ici sont celles de ses partisans. » [the only garbage I see floating around is his supporter's]. Selon la Maison-Blanche, il s'agit des ordures de "son" partisan et pas de "ses" partisans (his supporter's garbage) afin de prouver que le Président ne considérait pas les partisans de Donald Trump comme des ordures mais que son partisan (de dimanche) avait sorti une ordure qui, ici, qualifiait une "rhétorique haineuse".
Mais les rejustifications n'apportent jamais le calme et au contraire, remuent le couteau dans la plaie qui, ici, est que Joe Biden est tombé dans le vulgaire, suivant ainsi son rival de 2020. Une simple boulette, mais qui peut faire du mal à sa Vice-Présidente. La candidate démocrate Kamala Harris a donc dû s'éloigner de son Président en clarifiant sa position : « Je suis en désaccord profond avec toute critique contre des gens fondée sur la personne pour laquelle ils votent. ». C'est au moins clair, mais les dommages sont faits.
En effet, dommage que la polémique ait moussé autant sur les ordures, car quelques heures auparavant, le mardi 29 octobre 2024, dans un meeting à Washington, Kamala Harris a fait un réquisitoire (de procureure qu'elle a été) contre la volonté de pouvoir sans limites de Donald Trump. Elle a opposé « un pouvoir sans limites » de son adversaire et « un avenir plein de promesses » qu'elle propose aux citoyens américains.
Elle a prononcé cet important discours au Parc de l'Ellipse, sur fond de colonnes de la Maison-Blanche, là où Donald Trump, le 6 janvier 2021, avait excité ses partisans à marcher sur le Capitole et à l'envahir : « On sait qui est Donald Trump. C'est la personne qui s'est tenue ici, il y a presque quatre ans, et a envoyé une meute armée au Capitole pour renverser la voix du peuple dans une élection libre et juste. ». Ce discours était important pour la candidate démocrate qui a considéré que Donald Trump était « instable, obsédé par la vengeance, rongé par le ressentiment et en quête d'un pouvoir sans limites » et qu'il voulait « utiliser l'armée contre des citoyens américains simplement car ils ne sont pas d'accord avec lui, des gens qu'il appelle “l'ennemi de l'intérieur” ».
Kamala Harris a montré sa liste des choses à faire lorsqu'elle sera Présidente alors que Donald Trump a sa liste des personnes qu'il déteste et dont il entend bien pourrir la vie de retour devant le bureau ovale. Les sondages dans les sept États pivots mettent les deux candidats au coude-à-coude. Bien malin celui qui saura prédire le nom du gagnant et ce sera heureux de le connaître dès la fermeture des bureaux de vote. Le décompte des bulletins sera ardu. Et la nuit du 5 au 6 novembre 2024 sera longue, de New York à Los Angeles. Très longue. Avec risque de gueule de bois.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (02 novembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Sprint final aux USA : ordures en tout genre.
Hillary Clinton.
Liz Cheney.
Où en est la campagne présidentielle de Kamala Harris ?
Jimmy Carter.
Lauren Bacall.
Maurice Jarre.
Bill Clinton.
Vera Miles.
Les Yes-She-Can de Barack Obama !
Kamala Harris sera-t-elle la première femme Présidente des États-Unis ?
USA 2024 : Joe Biden se retire et soutient Kamala Harris !
Donald Trump victime d'une tentative d'assassinat.
Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
Ronald Reagan.
Triste Trump (hic) !
Paul Auster.
Standard & Poor's.
Moody's et Fitch.
Les 75 ans de l'OTAN.
Lee Marvin.
Les 20 ans de Facebook.
Bernard Madoff.
La crise financière mondiale de 2008.
La boîte quantique.
Maria Callas.
Henry Kissinger.
Alexander Haig.
Katalin Kariko et Drew Weissman.
Rosalynn Carter.
Walter Mondale.
Marathonman.
Bob Kennedy.
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