Sunak vs Johnson : débat raté et joker pour l’avenir
La démission de Liz Truss est une double opportunité pour la Grande-Bretagne et le parti conservateur. Non seulement elle met un coup d’arrêt aux chèques en blanc faits aux plus riches et aux multinationales, dont le ruissellement ne se concrétise tellement pas que même ses premiers bénéficiaires n’y croient plus. La seconde, encore hypothétique, serait un véritable débat sur la ligne des Tories, que la victoire de Rishi Sunak, sans candidature de Boris Johnson, pourrait n’avoir que décalé…
Conservatisme traditionnel contre néogaullisme
La chute de Liz Truss a été trop rapide pour un retour de Boris Johnson, qui doit encore affronter les suites du Partygate, une trop lourde hypothèque pour revenir après le fiasco de celle qui l’avait remplacé. Et c’est dommage car sa présence aurait pu permettre un débat pour les Conservateurs. En effet, derrière son style tellement particulier, au pouvoir, Boris Johnson a finalement porté une vraie ligne idéologique cohérente, et qui représente une profonde refondation pour des Tories en plein questionnement. Après l’ultralibéralisme de Thatcher et le conservatisme modéré de Cameron, tout deux très cosmopolites, Boris Johnson a construit une direction populaire et patriote qui avait permis à son parti une victoire historique face à des travaillistes si cosmopolites qu’ils avaient fini par perdre une partie de l’électorat populaire. Et une fois Premier ministre, BoJo a donné une véritable substance à cette ligne politique.
Non seulement, il a réussi à mener la sortie de l’UE, protégeant son pays des constructions invraisemblables du monstre bureaucratique européen. Mais il a profondément redéfini la ligne politique économique de son parti en prenant des décisions totalement contraires à la ligne de ses prédécesseurs. C’est ainsi qu’il a fortement remonté le SMIC, avec une hausse de 6,2% dès début 2020, alors que l’inflation était basse, faisant passer le SMIC outre-Manche au-dessus du SMIC français. Ce faisant, pas à un paradoxe près, BoJo a été bien plus social que les socialistes français. Mieux, de manière à financer des investissements massifs dans des services publics britanniques mal en point, il est parvenu à faire voter de véritables hausses d’impôt, dont une hausse de l’Impôt sur les Sociétés, de 19 à 25%, chose que plus un gouvernement de gauche n’ose faire dans l’UE. C’était d’ailleurs une hausse que Liz Truss voulait annuler.
Ce faisant, Boris Johnson a défini une nouvelle ligne politique pour la droite britannique, une ligne pleinement souveraine, en dehors de l’UE, une ligne où l’Etat peut aider les classes populaires, qui ne doivent plus seulement compter sur le très hypothétique ruissellement oligarchiste, que ce soit par la reconstruction des services publics, et même la hausse des salaires. Ce qui est frappant ici, c’est que cette ligne économique est finalement à la gauche de la politique menée par Hollande ou Macron, qui ont revalorisé le SMIC a minima, réduit massivement les impôts des entreprises, déconstruit les droits des travailleurs et continué à déconstruire nos services publics, par la libéralisation et asphyxie budgétaire. En outre, Boris Johnson a gardé une ligne stricte sur l’immigration, favorisant les hausses de salaire. En somme, malgré un style sans rien à y voir, on peut dire que Boris Johnson est sur une ligne néo-gaulliste populaire.
Face à lui, Rishi Sunak incarne un conservatisme très traditionnel. L’expérience Liz Truss, et ses 120 milliards non financés de baisse d’impôt pour les plus riches et les entreprises, le remet plus au centre de l’échiquier conservateur. Le thatchérisme a été carbonisé par la crise déclenchée par sa prédécesseuse, mais les Tories comptent aujourd’hui deux options pour les prochaines élections : le conservatisme bon teint du nouveau Premier ministre ou le néo-gaullisme patriote et populaire de Boris Johnson, qui peut faire de son parti celui de la Grande-Bretagne périphérique et des classes populaires par opposition à des travaillistes métropolitains élitistes. Et sii l’ancien chancelier de l’échiquier de BoJo ne convainc pas et perd les électeurs populaires convaincus en 2019, les Tories auront encore un plan B, à moins que Rishi Sunak se place dans la continuité de son ancien chef, en conservant une vraie ligne populaire.
Surtout avec des travaillistes revenus à un oligarchisme métropolitain bien pensant, les Tories ne pourront pas s’imposer en cherchant à être plus favorable encore aux plus riches et aux multinationales, même si c’est encore leur ligne par défaut. C’est seulement si les Conservateurs deviennent le parti des classes populaires en prolongeant et accentuant les politiques de Boris Johnson qu’ils pourront réussir, surtout alors que l’inflation et la hausse des taux les frappent si durement, avec Sunak, ou un retour de BoJo.
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