Superobaman revient sur terre
Barack Obama a entrepris d’humaniser son image, celle qui fait de lui un Superman. Elle l’expose en effet au plus grand des dangers : celui de décevoir très vite. Mais ce retour sur terre l’expose à un autre danger : celui de ne pouvoir réinventer l’identité noir américaine. Dilemne.
Barack Obama s’en est vite rendu compte : sa popularité et les attentes fondées sur lui sont autant un atout qu’un handicap, avec le danger de se voir rapidement reprocher un manquement, non pas à des promesses mais aux espoirs qu’il incarne.
Le danger est beaucoup plus grand qu’avec des promesses, car les espoirs, il n’en a pas vraiment l’initiative et surtout pas la maîtrise.
Il semble avoir pourtant décidé d’agir, pour éviter la transformation de ce risque en réalité, sur le terrain du storytelling -l’art de raconter des histoires.
En clair : il s’agit aujourd’hui pour lui de contrer l’histoire qui lui a permis de se faire élire, et qui a débouché sur une Obamania partout dans le monde ou presque. Les observateurs disent même que ce type de réaction n’avait pas été vu depuis l’élection de Kennedy. Certains parlent de « politicien-rock-star », dans la ligne de Lady Diana et du pape Jean-Paul II, citant les hurlements de la foule lors de son arrivée sur scène à Chicago, comparables à l’hystérie des adolescentes à l’époque des Beatles.
Faire dans le viral
Mais comment contrer cette déferlante ? En l’adoucissant par une autre histoire. C’est ce que l’on appelle communément du « viral » en marketing, c’est d’ailleurs très tendance, et cela existe aussi en storytelling.
Barack Obama a commencé à le faire avant Noël. Un « je confesse avoir enfreint ma résolution de ne plus fumer pendant la campagne » glissé au détour d’une interview. Comme ça, l’air de rien. Puis un petit scandale bienvenu, celui du gouverneur de l’Illinois qui cherche à monnayer le siège de Sénateur d’Obama, devenu vacant, même si le « president elect » n’y est pour rien... Vacances de Noël avec visite très ordinaire au zoo, barbe à papa plein les mains. Début de mise en avant de Michelle Obama...
C’est Superobaman qui s’humanise.
Réinventer l’histoire afro-américaine
Mais ce n’est pas tout. Barack Obama a la responsabilité de ne pas décevoir les Américains, de redorer l’image des Etats-Unis dans le monde, mais il en a aussi une autre, bien plus importante encore.
Elle tient à l’histoire fondatrice, la « narrative » afro-américaine. Elle est très ancienne, elle remonte à 1619 exactement, l’arrivée des 20 premiers Africains dans une colonie à Jamestown. Dans un article tout récent paru dans American Scholar, Charles Johnson, professeur à l’Université de Washington, analyse cette histoire comme celle d’un statut collectif de victime axé sur l’esclavage, actualisé par la ségrégation puis par ce qu’il appelle le « désaffranchissement ». Elle est selon lui sous-jacente dans toutes les conversations entre et sur les Afro-américains.
Mais cette vieille histoire a, tout comme le vieux mythe américain, besoin d’être remplacée. Elle ne correspond plus à la diversité, l’hétérogénéité des Afro-américains.
Pour Charles Johnson, ce sont des histoires individuelles qui doivent prendre le relais de cette histoire de groupe. Des histoires d’Oprah Winfrey, dont l’impact est beaucoup plus grand dans l’imaginaire noir américain que son activité d’animatrice de talk-show. Des histoires... d’Obama.
La prophétie rêveuse de Martin Luther King serait alors réalisée.
Mais pour cela, pour l’incarner, conserver son statut de héros et même l’entretenir est, pour Obama, indispensable.
Dilemme, jeu d’équilibre à hauts risques...
Tout cela ne sera-t-il pas de trop pour un seul homme ?
Par Stéphane Dangel, spécialiste du storytelling. Retrouvez-le sur son blog : http://storytelling.over-blog.fr
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