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Accueil du site > Actualités > International > Syrie : la chute historique de Bachar El-Assad

Syrie : la chute historique de Bachar El-Assad

« Après cinquante ans d'oppression sous le pouvoir du [parti] Baas, et treize années de crimes, de tyrannie et de déplacements, nous annonçons aujourd'hui la fin de cette ère sombre et le début d'une nouvelle ère pour la Syrie. » (déclaration des rebelles syriens, le 8 décembre 2024).

C'est acté ! Après la chute de Ben Ali, la chute de Moubarak, la chute de Kadhafi, voici, avec un long différé du Printemps arabe, la chute de Bachar El-Assad, après plus de vingt-quatre ans d'un pouvoir absolu. La guerre civile avait commencé en juillet 2011 en Syrie. Ce dimanche 8 décembre 2024, les troupes rebelles ont pris la capitale, Damas, et le gouvernement l'a proclamé ville libre. Les effigies du tyran et de son père ont été retirées. Le peuple syrien est en liesse.

Selon Rami Abdel Rahmane, le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme, qui l'a annoncé à l'AFP, « [Bachar] El-Assad a quitté la Syrie via l'aéroport international de Damas avant que les membres des forces armées et de sécurité ne quittent [les lieux]. ». Son sort est maintenant connu, lui et sa famille ont réussi à fuir la Syrie et ont reçu l'asile politique à Moscou, qui n'avait pas pu les protéger.

Chef du parti Baas, Hafez El-Assad (1930-2000), Président de la République syrienne du 14 mars 1971 au 10 juin 2000, a mis en place une dictature alaouite (chiite) implacable. Son fils Bachar El-Assad, médecin, ne devait pas être le successeur de son père. C'était en principe son frère aîné Bassel El-Assad qui devait prendre la relève de la dictature, mais il est mort dans un accident de voiture le 21 janvier 1994. À sa prise de fonction le 17 juillet 2000, Bachar El-Assad, considéré comme "moderne", avait fait naître l'espoir d'un assouplissement du régime. À la fin des années 2000, je me souviens avoir vu sur Arte un documentaire biographique sur lui très élogieux, beaucoup trop élogieux pour que la chaîne franco-allemande ose le rediffuser depuis 2011. Il serait intelligent de le rediffuser pour montrer à quel point l'histoire est changeante et les points de vue peuvent singulièrement s'inverser.

Et pourtant, on savait déjà que le régime de Bachar El-Assad n'avait rien à envier à celui de son père. Membre de l'UDF, je me souviens que, en marge des congrès de l'UDF, en 2003, en 2004, en particulier, des réfugiés syriens expliquaient, témoignaient, alertaient : le régime syrien était une dictature de la pire espèce et son tyran un véritable boucher. À l'époque, ils n'étaient pas vraiment écoutés des gouvernements européens ou américains. La géopolitique l'emportait sur les droits de l'homme.

Ce sont les Printemps arabes qui ont changé un peu les choses avec ce clivage assez fou dans la plupart des pays musulmans : ou une dictature "laïque" (et souvent militaire), ou la charia. Choix cornélien. Bachar El-Assad n'avait pas lésiné sur la répression à partir de 2011 pour éviter d'être déstabilisé, avec l'aide de la Russie et de l'Iran, et on se demande toujours aujourd'hui si c'était mieux ou pas qu'il ne chutât pas à l'époque, car en face, Daech ne présentait pas mieux en termes de paix et de douceur de vivre. Peut-être même bien pire.

 

L'offensive actuelle des rebelles a été amorcée le 27 novembre 2024. Alep a été prise le 1er décembre 2024, puis Hama, la quatrième ville du pays le 5 décembre 2024, puis Homs le 7 décembre 2024, enfin Damas ce dimanche. Les combats ont fait plusieurs centaines voire milliers de morts (au moins 910), l'Iran et la Russie ont tenté d'aider Bachar El-Assad par des bombardements. Le Hezbollah avait envoyé 2 000 combattants pour aider le dictateur. Près de 400 000 personnes auraient été déplacées à cause des combats. Le renversement du régime a été fulgurant, une dizaine de jours ont suffi aux rebelles pour virer Bachar El-Assad. Les forces russes ont décidé prudemment de se retirer. Donald Trump, présent à Paris samedi, a annoncé qu'il ne serait pas question que les États-Unis interviennent dans cette histoire. Pour l'instant, les forces américaines ont bombardé préventivement 75 bases de Daech à l'est de la Syrie.

La faiblesse de la riposte du régime face au rebelle était étonnante. L'ancien ambassadeur de France en Syrie, Michel Duclos, a analysé sur franceinfo, ce dimanche : « Le fait qu'il n'y ait pas eu de résistance, pour l'instant, signifie que le régime [syrien] était vraiment en bout de course. ». Le régime Baas s'est écroulé comme un château de cartes, à l'instar des dictatures communistes entre 1989 et 1991. Le signal est fort car cela pourrait continuer à bouger dans la région ; après l'effondrement de la Syrie, c'est la République islamique d'Iran qui pourrait aussi être violemment secouée. Le régime des ayatollahs est en effet très fragile et repose actuellement sur un vieillard malade de plus de 85 ans.

Les rebelles syriens sont réunis depuis 2017 au sein de Hayat Tahrir El-Sham (HTS), qui signifie Organisation de libération du Levant. Ce mouvement est dominé par l'ancien branche syrienne d'Al-Qaïda et dirigé par Abou Mohammed Al-Joulani (40 ans). Considéré comme un "terroriste mondial" depuis le 16 mai 2013 par les États-Unis, il a été membre d'Al-Qaïda de 2003 à 2006, de Daech de 2006 à 2011 et fondateur du Front Al-Nosra le 23 janvier 2012. Ce jihadiste a su fédérer les rebelles en Syrie, qui, pour la plupart, seraient soutenus par la Turquie, dont le rôle resterait à préciser à ce jour.

Je ne regretterai pas Bachar El-Assad, ce boucher sanguinaire, et je crois que peu de Syriens vont le regretter. En revanche, se réjouir de la chute d'un dictateur n'empêche pas de s'inquiéter de l'avenir. Il n'existe pas de "jihadiste modéré", pas plus que de "taliban modéré" en Afghanistan. Il faudra donc surveiller de près la suite, sur les libertés, sur les droits de l'homme, sur la considération pour les femmes, sur la démocratie qui n'a jamais été instaurée en Syrie, etc.

Ce renversement important du Proche-Orient a bien eu un détonateur, le massacre du 7 octobre 2024 et la réaction d'Israël contre le Hamas et surtout contre le Hezbollah qui, apparemment, était la principale défense du régime syrien. L'axe Russie-Iran-Syrie est donc mis à mal et Benyamin Netanyahou, le Premier Ministre israélien, en a profité pour annoncer la prise de contrôle du plateau du Golan pour assurer une sécurité préventive de son pays.

 

En tout cas, tortures, massacres, bombardements, emploi du gaz à grande échelle, le bilan écœurant de Bachar El-Assad devra un jour être précisément établi, et même, pourquoi pas, qu'il soit jugé pour tous ses actes. Quant à certains leaders populistes et extrémistes en France, ne soyons pas amnésiques, ne nous laissons pas bercer par leurs réactions d'aujourd'hui, plus hypocrites les unes que les autres, et n'oublions surtout pas que ceux qui étaient (et restent encore) les alliés de Vladimir Poutine l'étaient aussi de Bachar El-Assad, régulièrement reçus par lui aux pires moments de répression (ils avaient leur rond de serviette). Il faudra aussi, sur ce plan-là, rendre des comptes au peuple français.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (08 décembre 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Syrie : la chute historique de Bachar El-Assad.
Fadwa Suleiman.
Daech : toujours la guerre.
Le massacre d’Alep.
Daech en Syrie : guerre et peine.
Flou blues.
BHL et la Syrie.
Vade-mecum des révolutions arabes.
 

 


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18 réactions à cet article    


  • sylvain sylvain 9 décembre 2024 18:41

    manque plus que d’elilminer le khamenei, nethaniaou, al sisi, MBS, erdogan et quelques autres et on en aura fini avec les regimes qui pratiquent la torture dans ce coin du monde. Ah si, il faudra surement aussi eliminer le nouveau dirigeant syrien, me souviens plus du nom.


    • Fergus Fergus 10 décembre 2024 09:20

      Bonjour, sylvain

      Ceux-là, sans oublier Poutine, Kadyrov et Kim.


    • sylvain sylvain 10 décembre 2024 14:18

      @Fergus
      si tu vas chercher dans le monde entier, la liste est longue !


    • Eric F Eric F 9 décembre 2024 19:02

      Pour une fois, l’auteur a été pris de vitesse, L’apostilleur a déjà fait un article sur le sujet, avec un fil de discussion abondant.

      Exit Assad. Souvenons-nous de la fable sur les Grenouilles qui demandent un roi : le suivant risque d’être pire. Et en ce cas, ce sont ceux qui ont salué son avènement qui seront sollicités de rendre des comptes.

      Déjà, à la frontière libanaises, des sunnites syriens retournent au pays, alors que des chiites, alaouites et coptes viennent se réfugier. Préparons-nous aussi à de nouvelles arrivées ...hostiles aux réfugiés précédents.


      • Fergus Fergus 10 décembre 2024 09:22

        Bonjour, Eric F

        Il est à craindre qu’une nouvelle forme de chaos s’installe en Syrie. 


      • ETTORE ETTORE 9 décembre 2024 21:17

        Eh bien mon Rakoto, on vous attendait si impatiemment...Si si....

        A lire votre Ane-à-Lise,,,

        Vous savez, en dehors de toute votre bave à récurer....

        Il serait bon, que vous avertissiez votre comment-dit-taire, si occupé à sniffer les cierges, que ce qui est arrivé à Assad, est la preuve lumineuse, que :

        Un responsable politique, qui s’incruste, n« as de pouvoir que TANT qu’il est aidé par ses »souteneurs « , en intérêts non partagés.

        La vie peut paraître belle, en reniflant le pouvoir, par les deux narines sponsorisées par des or-donnateurs planqués derrière un paravent branlant, de gesticulation et de vents des bras...

        Mais quand cela s’arrête, il vaut mieux que le marquage » Helico,« soit bien visible dans les jardins Elyséens. En priant que les vents soient favorables, et que les gaz lacrymos, ne viennent s’en prendre à des paires d’yeux, qui avaient pour le pouvoir, ceux de Chimène.

        Pensez à lui en faire part, lors de votre prochaine visite de vidange du pot.... Au  »oses"


        • agent ananas agent ananas 9 décembre 2024 21:19

          Je ne savais pas que Ragototo était aussi le porte parole de alqaeda, ISIS, al nusrah, Hayat Tahrir El-Sham, etc ...

          Les djihadistes ont beau changer de noms ; un serpent après sa mue reste un serpent ...


          • Fergus Fergus 10 décembre 2024 09:26

            Bonjour, agent ananas

            « Les djihadistes ont beau changer de noms ; un serpent après sa mue reste un serpent »

            Exemple : les talibans lors de leur retour au pouvoir en août 2021. Ils prétendaient avoir changé !


            • Eric F Eric F 10 décembre 2024 10:03

              @Fergus
              Il se peut que dans le cas présent le sponsor turc enjoigne aux nouveaux dirigeants syriens de rester ’’attractifs’’ pour que les réfugiés puissent revenir, car tel est son agenda.

              Comme les USA et Israël ont dans le collimateur l’"axe chiite’’, la nouvelle situation leur est plus sympathique, bien que le régime Assad n’était plus actif à l’extérieur de ses frontières, et que nul n’hésitait à survoler son territoire (en prévenant quand même la DCA russe préalablement). On se souvient qu’à l’époque de l’Etat Islamique, ceux-ci n’avaient pas eu d’actions hostiles à l’encontre d’Israël, qui avait du reste soutenu des ’’rebelles’’ à proximité du Golan.


            • Fergus Fergus 10 décembre 2024 11:57

              @ Eric F

              Exact. A suivre...


            • Juancarlos 10 décembre 2024 10:09

              Cette chute n’a rien d’ « historique ». Tout a été programmé par l’Occident et la Turquie, et s’est déroulé comme à la parade d’opérette.


              • Fergus Fergus 10 décembre 2024 11:55

                Bonjour, Juancarlos

                « programmé » ou pas, la chute d’un régime dictatorial de 50 ans est quand même un évènement historique.
                Cela dit, je ne crois pas que la Turquie ait envisagé la chute de Damas tant il était improbable que l’armée d’Al Assad n’oppose quasiment pas de résistance.
                Autre sujet d’étonnement : le fait que les Russes n’aient rien vu venir.


              • Juancarlos 10 décembre 2024 12:06

                @Fergus
                Je ne suis pas sûr qu’ils n’aient rien vu venir. Mais le problème ukrainien est bien plus important pour Poutine ; de plus Assad n’a rien fait diplomatiquement pour obtenir une aide quelconque. Aucune aide au Hezbollah par exemple.
                Une intervention de Moscou, dans le contexte géopolitique n’aurait pas été « bien vu » alors même que Trump et Poutine s’étaient déjà parlés pour le règlement ukrainien.
                Israël se frotte les mains et n’a pas manqué l’occasion d’intervenir, mais lui non plus ne voit pas venir ce qui l’attend en embuscade.


              • Parrhesia Parrhesia 10 décembre 2024 13:09

                @Fergus
                Bonjour Fergus,
                C’est plus qu’un sujet d’étonnement lorsque l’on remarque que cela tombe pile-poil au moment où m. Zelenski arrive à Notre Dame de Paris pour s’entendre dire par Donald Trump et Macron qu’il lui va falloir envisager de se calmer.


              • Fergus Fergus 10 décembre 2024 13:12

                @ Juancarlos

                En ne faisant rien pour soutenir le régime, les Russes mettaient gravement en péril la pérennité de la base navale de Tartous, la seule qu’ils possèdent en Méditerranée et qui revêt une importance stratégique et géopolitique majeure !

                Leur totale passivité accrédite le fait qu’ils n’aient « rien vu venir ». Ou du moins qu’ils aient très largement surestimé la capacité de l’armée d’Assad à résister aux combattants islamistes.


              • Parrhesia Parrhesia 10 décembre 2024 12:39

                >>> Après la chute de Ben Ali, la chute de Moubarak, la chute de Kadhafi...<<<

                Intéressante approche...

                A ceci près que l’on ne puisse pas dire que la disparition de ces gentlemen ait beaucoup contribué à l’amélioration de la situation mondiale.

                A ce propos ! L’auteur pourrait-il nous dire , exactement :

                 Qui a donné des sous pour armer, vêtir et nourrir les vainqueurs de Bachar,

                 pourquoi ?

                Et à qui profite finalement la situation nouvelle ?



                • ETTORE ETTORE 10 décembre 2024 13:27

                  Surtout que , « l’auteur » était un de ceux, qui ne se privait pas de bien appuyait, sur la coalition, entre le méchant poupou, qui prêtait main forte au méchant ASSAD, tous deux frère de sang, puisque piqués des vers, aux même forfaitures, de la même dictature.

                  J’avoue, ne pas trop saisir les affres actuels de Rakoto....

                  Je ne sais si il se réjouit de la chute de ASSAD (et très prochainement à paraître un article bien identitaire, sur poupou qui lui a accordé un asile....Politique ) ou si....

                  Faut il comprendre qu’il se réjouit de la venue au pouvoir, de ceux qui était détestables, jusqu’à ce jour, mais qui une fois mis à mal la coalition Moscou/Bagdad, semblent s’être relookés d’une virginité toute cora-nique. ?

                  Que dire, si ce n’est de souhaiter, de nouveaux voisins, au sieur Rakoto...

                  Histoire que ses histoires lui restent en travers de la gorge, ce qui est en soi, une petite souffrance, si on la compare à d’autres éx-sang-ues du trottoir.

                  Une triste révélation éditoriale, qui colle parfaitement au modus vivendi, du « tout en même temps, car c’est dans le bordel que je vis le mieux » !


                  • anaphore anaphore 10 décembre 2024 18:23

                    Moi, je suis content enfin un homme à poigne, en définitive Bachar était une tapette. Après c’est chiants pour les kurdes femelles, connaissant les mœurs des barbus !

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