Il n’est jamais bien bon de vouloir vivre sur des terres et d’en profiter lorsqu’elles représentent une quelconque source de richesse. Les habitants du Nord-Kivu, en République Démocratique du Congo, en sont de longs témoins. Sur le continent africain ils ne sont malheureusement pas isolés. Du Libéria au Sierra Léone, Charles Taylor, actuellement jugé à La Haie, ne s’est jamais encombré de populations qui ont le souci de vivre dans des régions convoitées.
Si en République Démocratique du Congo, c’est le Coltan
[1], ce minerai indispensable à la fabrication de nos gadgets électroniques, qui est la malédiction principale, les massacres de l’ancien président libérien ont été stimulés, pour partie, par les diamants. Mais tout cela parait bien lointain pour les consommateurs de ce Coltan et de ces diamants que nous sommes. Les médias, dans un même mouvement, ne s’intéressent à ces hécatombes que si l’audience est assurée. Comme par exemple lorsque le mannequin Naomi Campbell sera appelé à témoigner le 5 août prochain au procès de dictateur libérien...
Les habitants du Zimbabwe et du Botswana vivent aussi ces malédictions.
La brute épaisse qu’est devenue au fil des embargos Robert Mugabe, ne fait pas dans la dentelle, et pour les mêmes raisons que son ex-alter ego libérien. En juin 2006, des diamants sont extraits d’une mine à l’est du Zimbabwe, tout près de la frontière mozambicaine. Le site d’extraction de Marange, dans le district de Mutare, est devenu le lieu d’une prédation violente, opérée principalement par l’armée et la police zimbabwéennes
[2].
Lorsque le site de Marange s’est révélé rentable, en juin 2006 donc, Mugabe a interdit à la compagnie britannique ACR, qui venait d’en obtenir l’exploitation, tout accès au lieu. Et a invité ses compatriotes à s’improviser "chercheurs de diamants". Sa proposition a évidemment été prise au sérieux chez des populations très pauvres. Femmes et enfants participèrent à cette ruée, tandis que les trafiquants affluèrent de tous les coins du continent, voire de plus loin.
Immanquablement l’avidité de tous a transformé la région en un sinistre "Far West" et le gouvernement s’est montré résolu à arrêter tout cela. Non pas pour protéger ses compatriotes, mais parce qu’il y avait là un manque à gagner pour les caisses de l’Etat. Et comme la trésorerie nationale du Zimbabwe se confond avec celle des ministres proches du président et bien sûr avec celle du président lui-même, c’était une affaire d’importance pour le pouvoir. La suite de l’histoire était écrite d’avance.
En novembre 2006, une première opération de police fut lancée contre les "chercheurs de pépites" et uniquement contre eux. Le nombre de morts, de blessés par balle, de viols et violences en tous genres ne sera sans doute jamais connu. En tout cas cela permis au gouvernement de reprendre peu à peu la main sur les diamants : Les mineurs furent obligés dorénavant de se regrouper en coopératives, sous la "protection" de policiers, à récompenser naturellement. Et inévitablement les trafics redoublèrent. Que le gouvernement ne trouva pas encore assez avantageux. Alors en octobre 2008, une seconde opération de police, cette fois conjointe avec l’armée, fut engagée, qui laissa des centaines de morts derrière elle. Le résultat fut concluant cette fois : les champs de diamants sont désormais supervisés par l’armée et la police et les creuseurs soumis au travail forcé. Des enfants d’à peine dix ans sont contraints de fouiller la terre à mains nues, onze heures par jour. La manne s’est transformée en malédiction et quelques pépites ont projeté cette région dans un sombre esclavage.
Robert Mugabe a-t-il voulu cela ? En tout cas une partie des revenus des mines provisionnent maintenant directement l’élite de la ZANU-PF, son parti politique, et il est peu probable que cet argent vienne au secours d’une économie en crise chronique depuis des années.
La faillite de la gestion de ces revenus miniers n’empêche pas au Zimbabwe de croire désormais en sa bonne étoile et de revendiquer une place à la hauteur de son voisin occidental. Le Botswana tient en effet une partie de sa richesse de l’exploitation de ses mines de diamants.
Justement, à l’instar du despote d’Harare, le président botswanais, Ian Khama
[3], qui tient d’une main de fer son pays, n’est pas très tendre avec ceux qui gênent ses "business plan". A moins que la justice de son pays soit responsable des décisions qu’elle prend. Elle vient en effet de rendre un jugement étonnant et malheureux.
Depuis 1997, les Bushmen du Kalahari sont expulsés de leurs terres ancestrales par les autorités du pays. Ces dernières justifient ces déplacements forcés par la nécessité de sortir ces pauvres arriérés du sous-développement. L’arrêt que vient de rendre la haute cour de justice contrarie cette volonté d’Etat, tout en interdisant à ceux qui retourneront vivre dans le Kalahari de creuser des puits. Puits que les autorités avaient fait sceller en 2002 pour pousser les Bushmen à l’exil. Cette victoire judiciaire parait dès lors bien aventureuse : Le Kalahari est une des régions les plus arides du globe et l’accès facile à l’eau est vital.
Pourquoi tant de haines envers une population d’à peine 1000 individus
[4] ? Malheureusement la raison est encore la même : Les diamants, encore les diamants. Dans les années 1990 des gisements ont été découverts précisément sur les territoires convoités, et le Botswana a besoin de toujours plus de devises pour garder son titre de miracle économique africain. Ce qui suppose, pour ce pays un peu moins corrompu que son voisin, tout autant de réalisme ou de cynisme, c’est selon.
Trente milles ans de vie et d’histoire Bushmen dans le Kalahari mérite sans doute quelques considérations. Mais qui peut aujourd’hui jeter la pierre aux autorités du Botswana ? La jouissance immédiate n’a besoin d’aucune maturité et les Bushmen ne sont décidemment plus de ce monde. La seule vie sauvage qui est rentable n’est plus la leur depuis longtemps, mais celle des antilopes et autres guépards. Qu’ils laissent donc la place aux touristes agités
[5] et au commerce. Car comme l’a déclaré le vice-président du Botswana, Festus Mogae : "
Comment pouvons-nous continuer à avoir des créatures vivant à l’âge de pierre à l’époque des ordinateurs ?".
La violence infligée aux Bushmen est certainement plus douce que celle subie par les creuseurs de Marange mais l’issue, encore une fois, est prévisible : misère et alcoolisme auront le dernier mot d’un peuple trop vieux sans doute pour comprendre le progrès.
SylvainD.
Dernière minute : Une plainte vient d’être déposée contre le gouvernement du Royaume-Uni au motif que ce dernier ferme les yeux sur le commerce de minerais en République Démocratique du Congo que des sociétés britanniques feraient avec des mouvements de rebelles armés. Surprenant, non ?