Thaïlande : l’intervention de la communauté internationale se fait attendre

Pour Barthélémy Courmont, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), "il convient dès à présent de poser la question de sanctions internationales frappant la junte thaïlandaise". Selon le chercheur, attendre davantage risquerait de "créer une situation ingérable et de voir les dites sanctions ne pas avoir pour effet que de rendre un peu plus difficiles les conditions d'existence de la population". La chose est dite.
Le tournant dictatorial que prend le pays d'Asie du Sud-Est est désormais connu de tous, même si les réponses de la communauté internationale restent extrêmement prudentes. Or, comme l'ont tragiquement montré les exemples de la Corée du Nord et la Birmanie, une réponse tardive face à des régimes autoritaires ne fait que consolider le pouvoir de ces derniers. Comme le rappelle M. Courmont, le régime de Pyongyang, mis en place en 1945, a bénéficié du soutien du bloc de l'Est pendant plusieurs décennies. Les sanctions internationales, intervenues trop tard, n'ont eu qu'un impact limité sur un régime qui avait eu le temps de s'installer durablement au pouvoir. Le cas de la Birmanie est similaire. Les premières sanctions sont tombées trente ans après la prise du pouvoir par la junte en 1962. Un laps de temps largement suffisant pour développer une économie parallèle pouvant résister aux sanctions des pays occidentaux.
Parfois, cependant, les sanctions fonctionnent. C'est notamment le cas en Iran, un pays que les sanctions très rapides, imposées d'abord par les Etats-Unis puis par l'Union européenne, ont réussi à ramener à la table des négociations. En Afrique du Sud, avant cela, un consensus très large avait permis à la communauté internationale d'imposer des sanctions contre l'apartheid dès les années 1980. Aujourd’hui, la Russie connaît des difficultés économiques importantes dues en partie aux sanctions qui ont suivi la crise en Crimée.
Ces quelques exemples montrent que les sanctions peuvent avoir un réel impact, à condition qu'elles interviennent avant que les régimes visés ne puissent développer des stratégies pour les contourner. Pour l'Institut de recherche sur la résolution non-violente des conflits (IRNC), les sanctions économiques doivent être sélectives et viser un objectif précis afin d’être efficaces. Ainsi, "il peut être réaliste de viser une modification partielle mais significative de la politique d'un Etat en décidant telle ou telle sanction commerciale ou financière qui l'embarrasse particulièrement". L'IRNC note également que "les sanctions économiques sont particulièrement appropriées lorsqu'il s'agit de faire pression sur un Etat afin qu'il mette un terme à des violations flagrantes des droits de l'Homme".
Ces mêmes violations que connaît actuellement la Thaïlande depuis le coup d'Etat militaire de 2014. Les libertés individuelles sont restreintes, les opposants arrêtés, les condamnations pour crime de lèse-majesté multipliées, la presse de plus en plus contrôlée... Le régime s'en prend depuis peu aux journalistes étrangers, confrontés à des procédures de plus en plus strictes pour l’obtention d’un visa leur permettant de travailler dans le royaume.
Une intervention de la communauté internationale visant à faire respecter la démocratie en Thaïlande est aujourd’hui nécessaire. Des sanctions diplomatiques ou économiques doivent être prises au plus vite, d'autant que le régime est en train de se doter des outils nécessaires pour redorer son image et se donner une apparence démocratique. Un référendum sur une modification de la Constitution doit avoir lieu le 7 août prochain, seulement, l'armée a jusqu'ici interdit tout rassemblement et débat public sur le sujet, et ceux qui s'aventurent à donner leur avis risquent jusqu'à dix ans de prison. Il y a pourtant de quoi s'alarmer lorsque l'on connaît le projet de loi suprême en question. La dernière version proposée permettrait au Conseil national pour la paix et l’ordre (CNPO), le parti de la junte militaire, de garder le contrôle du pays en étendant le pouvoir des sénateurs nommés par ses soins, limitant ainsi celui du gouvernement élu.
La communauté internationale ne peut pas rester les bras croisés face à de violations flagrants des droits les plus élémentaires de la population thaïlandaise. Une intervention forte et multilatérale peut affaiblir la junte et encourager une transition véritablement démocratique dans ce pays qui n'a que trop subi les abus de pouvoir des régimes militaires.
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