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Togo : Quelle médiation électorale pour 2010 ?

En Afrique, l’année 2010 tout comme 2009 sera très riche en élections présidentielles dont celles du Togo qui doivent être organisées entre le 18 février et le 5 mars 2010 selon un communiqué de la Cour constitutionnelle, rendu public à Lomé, le 13 mai dernier.

A l’approche de ces échéances, la tension monte au sein de la classe politique togolaise et l’inquiétude gagne la population, traumatisée par les présidentielles de 2005 émaillées de violences qui ont fait entre 400 et 500 morts selon un rapport des Nations Unies, à telle enseigne que la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), lors de sa 36ème session ordinaire (tenue à Abuja , le 22 juin 2009), a mandaté le président du Burkina Faso de reprendre sa mission de facilitation en vue d’un consensus sur les divers sujets d’achoppement, notamment le code électoral, la composition de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI)…
 
Mais cette mission de facilitation qui a abouti à un mémorandum d’accord signé le 8 août dernier, pourra-t-elle conduire à des élections libres et sans violences en 2010 ?
 
Malgré la présence des observateurs internationaux aux différentes élections depuis 1993, ce pays a toujours connu des « cuvées électorales calamiteuses » en 1993, 1998, 2003 et 2005 marquées de « holp up électoraux  » et de violences. Violences qui ont atteint leur paroxysme, lors des présidentielles anticipées organisées en vue de la succession du Président Eyadema Gnassingbé décédé en février 2005.
 
Préalablement à la facilitation recommandée par la CEDEAO en vue des prochaines présidentielles, le Secrétaire Général de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) a effectué du 20 au 22 juin 2009, une visite officielle au cours de laquelle il a eu des séances de travail avec les membres du gouvernement et des entretiens avec le chef de l’Etat ainsi qu’avec les responsables des principaux partis politiques d’opposition. Ces discussions lui ont permis de faire le point sur la situation politique global et en particulier, le processus électoral en cours. Il a réaffirmé la disponibilité de l’OIF à accompagner le Togo dans ses réformes institutionnelles de façon à aboutir à des élections crédibles. « J’ai rencontré des interlocuteurs sincères et patriotes. Je suis allé jusqu’au bout de mes possibilités de questions. Je tâcherai de proposer des solutions. Ceci, en attache avec Mr Compaoré [facilitateur] » avait-il déclaré à l’issue de son voyage[1].
 
Le 28 juillet 2009, le Président Compaoré a donc effectué une visite au Togo pour rencontrer les acteurs politiques et les inviter à Ouaga où les discussions ont débouché sur un mémorandum d’accord ayant laissé en suspend plusieurs points de blocage, notamment le choix du mode de scrutin …
 
Le défi majeur de la classe politique et de la communauté internationale reste l’organisation d’élections présidentielles consensuelles en 2010.
 
Les discussions de Ouaga entre le pouvoir et l’opposition parlementaire sous les auspices du facilitateur burkinabè ont permis aux parties de s’entendre sur la composition de la CENI, les conditions d’éligibilité et le déploiement des missions d’observation électorale internationale.
 
Mais, plutôt que de déployer ces missions qui ont toujours failli dans leur fonction de prévention des fraudes et violences, ne faudrait-il pas renforcer les capacités de médiation des acteurs locaux qui, dans le cadre de leur mission d’observation électorale locale sont à même de prévenir ces fraudes et violences ?
 
La présence en permanence de ces derniers sur le terrain devrait permettre de couvrir toute la durée du processus électoral (de la révision les listes électorales à la proclamation des résultats) à moindre frais. Ceux-ci sont à même de mieux maîtriser la législation électorale nationale, les enjeux du scrutin et de mieux connaître le fonctionnement du système politique. Ils peuvent pallier les difficultés de moyens de communications rencontrées par les observateurs internationaux (compréhension des langues locales lors des meetings politiques…). En plus, ils sont mieux outillés pour être plus vigilants par rapport à la corruption des électeurs, aux pressions dont ces derniers peuvent faire l’objet de la part des autorités locales (chefs de village, préfets, maires…)
 
En effet, la corruption électorale reste très récurrente, malgré sa pénalisation (article 157 du code électoral). La loi semble inefficace pour l’endiguer. Compte tenu de l’attachement des populations surtout rurales à leurs traditions, au respect des coutumes et des personnes qui les représentent (les notables, les chefs traditionnels et les aînés), cette corruption se fait indirectement en misant sur ces « grands électeurs » qui par pression peuvent influencer les votes de ces populations. Pour ce faire, il convient de promouvoir le rôle de médiateur de ces notables, chefs traditionnels pour qu’ils soient au-dessus des partis politiques, et à l’abri des pressions politiques et intimidations.
 
Ces derniers pourront préserver le vote des femmes (qui constituent plus de 52% de l’électorat) dont les droits ont tendance à être bafoués. La pauvreté et l’analphabétisme font d’elles un « bétail électoral ». On signale déjà la distribution des sommes d’argent aux femmes dans le cadre de projet de microcrédit, assortie d’une condition : si le président sortant gagne en 2010, elles n’auront rien à rembourser mais dans le cas contraire, elles paieront jusqu’au dernier centime[2]. Une telle pratique est susceptible d’orienter le vote de ces femmes.
 
La médiation électorale locale peut renforcer la confiance des populations dans les élections paisibles au Togo. En effet, par peur de représailles, certaines populations s’abstiennent de voter ou expriment un autre choix que celui de leur conscience, surtout dans le nord du pays, craignant qu’un certain résultat n’entraîne des répressions. Ainsi ces populations sont résignées à voter contre leur volonté, cédant aux intimidations.
 
La médiation pré-élection et durant les élections doivent être privilégiées pour que le processus électoral se déroule dans de bonnes conditions, quitte à user de la médiation post électorale internationale pour faire pression sur les parties afin que les résultats sortis des urnes, reflètent les réalités du vote et non un « holp up électoral ».
 
Mais tout porte à croire que la nouvelle médiation du Président du Faso ne soit appropriée à la situation actuelle du Togo. Ce dernier doit aussi « affronter » des élections dans son pays en 2010. Comme bien d’autres Présidents africains, il est aussi tenté de faire supprimer la limitation du nombre de mandat présidentiel pour s’éterniser au pouvoir.
 
 La communauté internationale (l’Union Européenne, l’OIF, la France…) aura à gagner en soutenant une médiation électorale internationale crédible et une médiation électorale locale au Togo au lieu d’envoyer des missions d’observation électorale couteuses, divergentes voire dévoyées. A défaut, elle doit s’attendre à gérer une énième crise post-électorale. Car les élections présidentielles en Afrique sauf quelques rares exceptions sont souvent sources de contestations, de crises, de violences…
 
 Me Komi TSAKADI
 
 


[1] Abdou Yêkini Radji, « Abdou Diouf veut dénouer la crise », Golfe Info n° 553 du mercredi 24 juin 2009, p.3.
[2] Pablo E., « Microfinances version Faure Gnassingbé. Le chef de l’Etat exploite la pauvreté des femmes à des fins électoralistes », Liberté n° 535 du 27 juillet 2009, p. 4

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3 réactions à cet article    


  • bernard29 bernard29 24 août 2009 16:07

    J’"ai lu dans Ouest france et le télégramme de Brest que Kofi Yamgmage qui a été successivement conseiller municipal, maire, secrétaire d’Etat et député en france, son pays d’adoption, avait décidé de se porter candidat à la présidentielle togolaise en 2010.

    Avez vous des nouvelles. ?

    Il a je crois la double nationalité mais la Constitution amendée en 2002 stipule aussi qu’il faut résider au moins depuis douze mois au Togo pour être candidat .






    • TSAKADI Komi TSAKADI 24 août 2009 16:41

      Effectivement il avait cette condition de nationalité imposée pour éliminer certains candidats. Mais lors des dernières négociations de Ouaga, cette condition a été enlévée. Donc Kofi peut être candidat.(Il avait dit que ce n’était pas un problème pour lui puisqu’il est pret à renoncer à la nationalité française).
      La condition de domiciliation effective au Togo d’une année au moins au moment du dépôt de candidature est toujours imposée.


    • Paul Cosquer 24 août 2009 19:41

      Joli Togo !
      On compte sur Kofi...

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