Troy Davis, symbole d’erreur et de discrimination judiciaire

Comme prévu, Troy Davis a été exécuté ce mercredi soir en Géorgie, aux Etats Unis. Il a écopé de la peine de mort après 22 ans de prison, pour meurtre d’un Policier. Cette affaire n’est qu’une pierre dans le rocher qu’est la peine de mort. En effet, hormis Davis, Mumia Abu Jamal, Hank Skinner ou encore Kevin Cooper sont aussi des prisonniers qui doivent être exécutés, mais qui se trouvent encore dans le couloir de la mort.
L’Affaire Troy Davis, si elle paraît d’après les médias assez exceptionnelle, n’est pourtant ni la première, ni la dernière et elle est la parfaite illustration de la défaillance de la justice état unienne. Pour en revenir aux faits, le 18Aout 1989, Mark Mc Phail, un policier de couleur blanche a été assassiné par balles suite à une altercation en pleine rue avec deux hommes. Ces deux hommes, d’après les faits rapportés par le ‘Press Advisory’ publié le 3 novembre 2008, seraient Sylvester Cole et Troy Davis. Plus tôt la même nuit à Cloverdale, un homme a aussi été blessé par balle et on apprendra lors de l’enquête que c’est la même arme qui a fait feu aux deux reprises et que Coles aurait été en possession d’une arme à feu ce soir- là. Le lendemain des faits, c’est Sylvester Cole lui-même qui dénonce Troy Davis aux autorités qui est condamné à mort en 1991.
S’il a été condamné à mort en 1991 et n’est finalement exécuté qu’en 2011 soit 20 ans après sa condamnation, c’est parce que cette affaire n’a pas été de tout repos et aussi simple qu’il n’y paraît.
« DES DEMANDES DE REVISION INNEFICACES »
Avant le 21 Septembre 2011, date de l’exécution, pas moins de trois dates étaient initialement prévues en 2007, 2008 et en 2009. L’exécution par injection létale étant à 3 reprises évitée grâce à une nouvelle demande de procès par Troy Davis, d’un nouveau recours par ses avocats, et d’un recours devant la Cour Suprême fédérale. Le 17 août 2009, la cour suprême accepte l’appel de Troy Davis, mais le 24 août 2010, le juge fédéral rejette la demande. Davis interjette un appel, que la Cour Suprême rejette début 2011. C’est donc le désespoir total pour Troy Davis et sa défense qui malgré les multiples demandes de révision du procès se voient refusés toute nouvelle procédure.
L’Opération de la dernière chance a lieu le 19 septembre 2011 quand un ultime recours de grâce est effectué afin d’annuler ou de repousser la date de l’exécution, mais le comité refuse. Troy Davis est donc exécuté le 21 Septembre 2011 à 22h53 aux Etats Unis après qu’un ultime recours devant la cour suprême demandé 30 minutes avant, soit refusé.
« Que Dieu ait pitié de vous. » Voilà, à priori, la dernière phrase prononcée par Troy Davis et adressé aux médecins qui allaient l’exécuter. Avant l’exécution, il convient de souligner que Davis a attendu 4 heures avec une intraveineuse dans le bras. Cette pratique non habituelle lors des exécutions illustre bien à quel point la justice américaine se sera acharnée sur le présumé coupable.
« UNE ENQUETE BACLEE »
Ce que l’on sait de cette affaire, c’est que Davis a été condamné à mort sur la base des neuf témoignages contre lui. Sans preuves matérielles ni scientifiques ! Sans arme du crime, qui ne sera jamais retrouvée ! Rappelons que sept des neuf témoins dans cette affaire reviendront sur leurs déclarations et avoueront avoir menti, certains sous la pression des enquêteurs. Et cet élément est une partie intéressante afin de comprendre le fond de cette affaire.
Parce que si on peut la qualifier d’erreur judiciaire, à cause du manque de preuve matérielle prouvant la culpabilité de Troy Davis, on peut aussi évoquer une ‘Discrimination Judiciaire’ dans la mesure où l’accusé semble être le Coupable Idéal.
Troy Anthony Davis est un Afro- Américain né en 1968. Il plaide coupable en 1988 pour port d’arme illégale, il a alors 20 ans. Dans l’affaire en question, on comprend que Davis est alors le coupable idéal de par sa couleur, mais aussi son passé à cause d’un port d’arme à 20 ans. Mumia Abu Jamal, un journaliste militant afro américain condamné à mort en 1982 pour meurtre d’un policier blanc. Ces deux affaires sont très similaires dans la mesure où les deux présumés coupables sont Noirs, alors que les deux Victimes sont blanches. Deux coupables fabriqués de toute pièce alors qu’il n’existe pas de preuves matérielles contre eux. De plus, dans l’affaire Davis, des pressions policières ont été effectuées sur les témoins, en plus de la rédaction par la police de la déclaration d’un témoin analphabète. Les deux témoins à ne pas être revenus sur leurs accusations sont Sylvester Coles lui-même accusé de meurtre, et aussi Steven Sanders qui avait affirmé que le tireur était gaucher, alors que Davis est droitier. Tous ces éléments démontrent à quel point la culpabilité de Davis reposait sur des déclarations fragiles et parfois fausses venant de témoins ayant pour certains subis des pressions. Ce qui était visé était de « faire tomber ce Noir pour le Meurtre d’un policier blanc », comme il a été le cas dans l’affaire Abu Jamal au cours de laquelle il aurait entendu de la part d’un Juge : « Je vais les aider à faire tomber ce nègre ».
En plus d’être qualifiée d’erreur judiciaire, c’est aussi l’expression de discrimination judiciaire que l’on pourrait associer à l’Affaire Troy Davis, qui paie les frais de sa couleur. Le fait que la justice l’ait finalement fait exécuter 22 années après son arrestation nous incite à nous questionner sur le fait que sa couleur y soit ou non pour quelque chose, à propos de l’acharnement effectué.
Quoi qu’il en soit, Troy Davis demeure le symbole de la discrimination aux Etats Unis au même titre que Rosa Parks qui, une fois de plus illustre et témoigne des multiples failles de procédure et de fond de la Justice Américaine.
Au final, s’il n’ existe aucune preuve matérielle contre Troy Davis, il existe des éléments dans la procédure et dans le fond de l’affaire qui illustrent le fait que Troy Davis paie le fait d’être Noir, et d’avoir été au mauvais moment, au mauvais endroit.
Alors, Troy Davis Coupable de Meurtre ou Victime de sa couleur ?
Par J.Moreau
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