Tunisie, faillite d’un système
Sans décrire, dans l’immédiat, le moindre impact des derniers événements survenus en Tunisie, il nous est déjà permis de stigmatiser la désastreuse gestion de l’information dans ce pays claquemuré.
Kalachnikovs et RPG. On n’est pas en Afghanistan, ni en Irak. On est dans la petite Tunisie sereine. Echange de coups de feu entre les forces de sécurité et les membres d’un groupe « criminel » pendant plusieurs jours, du côté de la banlieue Sud de Tunis. Comme à son accoutumée, le régime tunisien a bloqué toutes les voies vers l’information et a imposé aux médias du monde entier les dépêches laconiques de la très officielle agence Tunis-Afrique Presse.
Pour cet accrochage, le premier depuis 1980, les autorités tunisiennes ont accrédité la thèse d’une affaire de drogue ou de trafic d’armes, bien que toutes les données aient renforcé la piste salafiste.
Peu importe, puisque la Tunisie, devenue au fil des années une véritable caserne, vient d’être frappée de plein fouet par des « criminels ». L’affaire a mobilisé, en effet, tous les appareils de sécurité, y compris l’armée. Des barrages ont été établis à l’entrée de plusieurs villes. Et, pis encore, la population a froid au dos, surtout en l’absence d’informations fiables.
Devant une telle désinformation, les rumeurs ont abondé : coup d’Etat, des dizaines de morts... autant de bruits qui circulent dans un pays épargné, jusque-là, par les violences.
Le pays n’a, d’ailleurs, pas connu de banditisme, au sens propre du mot. Avec trois hold-up en deux décennies et un nombre très limité de meurtres par balles, la Tunisie demeure une exception dans toute la région.
Cependant, le régime tunisien refuse de comprendre qu’il n’existe pas de paradis sur Terre, d’où sa gestion « soviétique » de l’actuelle crise.
Ce n’est d’ailleurs pas surprenant. En 2002, lorsqu’une voiture piégée explose devant la synagogue de Djerba, tuant plusieurs touristes allemands, Tunis essaie d’accréditer la thèse de l’accident, avant une intervention farouche des diplomaties allemande et israélienne obligeant les autorités tunisiennes à parler d’attentat.
L’Organisation mondiale du tourisme imputa, alors, à la mauvaise gestion de l’information les piètres résultats du tourisme tunisien, au cours de l’exercice 2002, expliquant que tous les pays du monde étaient des cibles potentielles et que seule la transparence et la clarté des informations fournies aux tours opérateurs et aux agences de voyages pourraient atténuer les craintes des touristes.
Le Maghreb connaît actuellement un retour en force des réseaux salafistes, dont certains, tels que le GSPC algérien, sont directement liés à Al Qaïda. La Tunisie ne sera, donc, pas épargnée par cette « ferveur » qui compte, d’ailleurs, des adeptes dans les jeunes générations tunisiennes. On parle de plus de cinq cents prétendants « malheureux » au « Djihad » en Irak croupissant, en ce moment même, dans les geôles tunisiennes. Un chiffre alarmant pour un régime qui se targue d’avoir « extirpé les racines du terrorisme » et qui s’est voulu un donneur de leçons au lendemain des attentats du 11 septembre, puisqu’ayant « averti ses alliés occidentaux depuis les années 1990 du danger que représentaient les barbus ».
La Tunisie de M. Ben Ali peut-elle encore se vanter de ses « acquis » sécuritaires après les derniers événements ? On impute cette dérive à l’absence aussi totale que frappante des libertés publiques. La chasse aux opposants - toutes sensibilités confondues - et la pacification de la rue n’ont pas empêché l’apparition de poches de tensions, parfois de nature terroriste.
Le souci sécuritaire étant fort précieux pour les Tunisiens, qui y voient la seule consolation en l’absence de vraies et solides pratiques démocratiques, l’opinion publique réclamera des comptes à un régime en fin de règne, si on en croit plusieurs indices.
En tout cas, il serait légitime, dans l’état actuel des choses, de parler d’une faillite totale du système, ne serait-ce que du système d’information. Et cela constitue en soi un grand problème.
32 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON