Ukraine : référendum et conséquences
La République de Donetsk est née. Pour combien de temps ?
L’armée des putschistes tire sur les résistants et la population. Les milices au service du pouvoir tuent ou sèment la terreur. Le premier ministre, oligarque millionnaire, n’a fait qu’humilier la partie est et les russophones. A aucun moment les membres du nouveau pouvoir n’ont agit pour le bien de l’ensemble du pays. A aucun moment ils n’ont tenté de dialoguer en vue d’une solution nationale.
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En Ukraine, aux Etats-Unis, et en Europe par suivisme atlantiste, les dirigeants n’ont fait que jeter de l’huile sur le feu. Quoi qu’il se passe ou non, ils continuent à punir la Russie. Cela en devient caricatural. C’est une stratégie évidente d’isolement et d’encerclement en vue de l’affaiblir. Avec l’espoir de mettre la main sur ses ressources naturelles d’ici au milieu du siècle.
Punir, sanctionner, humilier, provoquer Moscou à la faute pour justifier leur stratégie après-coup. Tout semble permis aux nouveaux maîtres de Kiev. Ils semblent ne pas avoir de comptes à rendre, ou alors peut-être aux envoyés de la CIA et du FBI qui prêtent main forte au commandement putschiste, selon Le Bild. Russia Today, la chaîne qui diffuse des informations qui se vérifient très souvent, l’a confirmé. C’est d’ailleurs évident puisque le parti-pris américain s’est exprimé dès le mois de décembre, avec l’ingérence du sénateur McCain soutenant les manifestants sur la place Maïdan.
A propos de comptes à rendre : une commission d’enquête sur le massacre d’Odessa est-elle créée ? Si oui, qui la compose ?
Le référendum de dimanche est logiquement refusé par le pouvoir de Kiev et par ses souteneurs. Sa forme est d’ailleurs discutable : un tel référendum ne devrait pas être organisé sans une discussion ministérielle et sans l’aval du pouvoir central, afin de lui donner une plus forte légitimité. De plus il est souhaitable que des observateurs y soient délégués, dans une situation aussi conflictuelle où l’on peut soupçonner les organisateurs de vouloir faire pencher la balance.
Mais le pouvoir central n’a en l’état que la légitimité d’un coup de force qui s’est déroulé dans des conditions obscures, et d’un soutien immédiat de l'occident, un occident qui a montré son implication partiale dans la crise par la rapidité même de ce soutien. Il n’a par ailleurs aucune philosophie politique claire sur ce qu’il propose pour l’avenir du pays.
... mais significatif
Les conséquences de ce référendum sont assez simples à imaginer :
- Le fossé entre l’est et l’ouest de l’Ukraine, déjà marqué par l’Histoire du pays, s’est creusé davantage. Les habitants ont osé faire un pas dans une direction qui semble irrémédiablement contraire à l’unité du pays.
- Une des conséquences rapides sera probablement une aggravation des opérations militaires menées par Kiev, et le glissement plus marqué vers la guerre civile. La volonté et la solidité armée de la résistance peut tenir l’armée en échec. Mais cela pourrait changer soit sur la durée à cause de l’épuisement de la résistance, soit si l’Amérique envoie du matériel et possiblement des milices privées comme celles vues à l’oeuvre en Irak, et dont on dit qu’elles étaient à Kiev ces derniers mois.
- Malgré les réserves émises sur la forme du référendum, le fond ne peut être ignoré. La rupture est consommée avec les putschistes de Kiev et les milices fascistes, mais aussi avec l’ouest historique et avec l’Union Européenne. Quelle que soit la suite des événements, cela ne peut être ignoré.
- Seul un coup de force militaire très violent et une soumission armée totale de l’est pourrait contraindre la résistance au silence. On ne peut imaginer que l’ouest, candidat à l’UE, se résolve à montrer aussi ouvertement un visage de violence et de répression. Et surtout, toute demande d’adhésion à l’Union Européenne devant être accompagnée d’une mise à jour de la démocratie, on ne saurait imaginer une adhésion alors que la moitié est du pays serait colonisée, dominée et réduite au silence.
- La Russie prendra acte des résultats. Il y a peu de chance qu’elle intervienne militairement, sauf bain de sang, et je serais étonné qu’elle accepte, comme les nouvelles autorités locales le demandent, de rattacher la République de Donetsk sans prendre le temps d’un apaisement diplomatique préalable. Réitérer ce qui s’est passé en Crimée est difficile car le rattachement y correspondait à une réalité historique plus explicite, ce qui n’est pas le cas ici.
Trente ans d’enlisement à venir ?
La situation pourrait au mieux rester bloquée pendant des années, avec des négociations interminables vers l’indépendance de l’est et la partition du pays. En attendant l’est ne votera certainement pas le 25 mai pour l’élection d’un président. D’ailleurs les candidats pro-russes, s’ils ne sont pas exclus du scrutin, y subissent des pressions ou des agressions qui les mettent hors-jeu. Kiev a préparé sa stratégie pour légitimer le putsch.
Mais qu’adviendra-t-il des territoires entrés en résistance ? Leur administration et leur approvisionnement dépend aussi des régions environnantes. Un pont humanitaire pourrait être organisé depuis la Russie, mais c’est de la politique-fiction, car Kiev ne supportera pas de voir cette région riche et industrieuse lui échapper.
Etant donné la tension durable qui va s’installer dans la région, des troupes russes resteront à proximité de la frontière. L’Otan ne pourra pas faire de l’Ukraine sa nouvelle colonie sans se trouver nez-à-nez avec l’armée russe.
Ce qui à long terme ne saurait servir l’Europe, perçue comme incapable de régler un problème explosif à ses frontières. A moins que la démonstration de force russe n’aboutisse à ce que l’Europe et l’Otan acceptent de ne plus empiéter sur la zone d’influence russe. Et donc abandonnent, en apparence au moins et pour deux ou trois décennies, l’objectif de s’emparer des ressources naturelles russes. (En apparence seulement, car on a vu avec cette crise que l’Otan et les Etats-Unis n’ont jamais vraiment cessé de considérer la Russie comme l’ennemie). Ou à moins que les européens ne rééquilibrent leurs alliances au profit de leurs intérêts continentaux. Pour le moment on n’y est pas.
Le XXIe siècle ne sera pas celui de la paix mondiale.
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