Un démocrate tout simplement : Barack Obama
Barack Obama a été généralement considéré en France comme :
- Un candidat un peu apolitique, qui veut réunir les Américains
- Un candidat sans projet, élu sur sa seule personnalité
- Un candidat sans projet précis, élu sur le rejet de G. W. Bush ("change")
- Un candidat de-gauche-mais-pas-vraiment, pro-armes à feu et peine de mort.
Ces quatre clichés me semblent tous infondés… Je vous propose deux perspectives autres :
- Les propositions de sortie de crise que Barack Obama vient de faire, lors de sa première allocution hebdomadaire de président élu,
- La philosophie politique de Barack Obama selon ses déclarations d’avant la campagne.
1. Propositions de sortie de crise
Résumé de sa vidéo sur youtube (3 minutes) .
En introduction, Barack Obama approuve d’un mot la réunion du G20 car il faut une réponse coordonnée à la crise - mais il ne dit pas que le G20 l’ait trouvée ou en soit capable.
Puis il propose son plan de sortie de crise, à l’échelle des Etats-Unis : non une relance, mais un effort à long terme. "The road ahead will be long ... to ... steer ourselves out of this crisis".
L’urgence est sociale - "des millions de nos concitoyens n’en dorment plus, eux qui se demandent comment payer leurs factures" - mais le président élu annonce une seule nouvelle dépense sociale : "une aide aux Américains, plus d’un million, qui arrivent en fin de droits d’allocations chômage".
Il parle d’étendre la couverture santé, mais ses termes n’impliquent pas une nouvelle dépense publique - pourquoi les professionnels de santé seraient-ils globalement payés plus demain ? Il s’agit sans doute plutôt d’une redistribution voire d’une réduction du coût de la santé.
En revanche, Obama annonce deux grands domaines d’investissement public à moyen-long terme :
- reconstruire routes et (surtout, apparemment) écoles pour "donner à chaque enfant l’éducation de niveau mondial, dont il aura besoin dans la compétition avec tous les autres travailleurs du monde" ;
- "investir 150 milliards de dollars pour construire une économie américaine de l’énergie verte, qui créera 5 millions de nouveaux emplois, libérera notre nation de la tyrannie du pétrole étranger, et sauvera la planète pour nos enfants".
Sur l’échiquier politique, cette approche peut rappeler Roosevelt (qu’il a d’ailleurs cité le lendemain en interview), Bill Clinton ou Jacques Delors.
2. Philosophie politique de Barack Obama
Citations de 2004 à début 2007, reprises du livre de Lisa Rogak "Barack Obama in his own words" (traduction libre sous ma seule responsabilité !)
Il n’a jamais été aussi important pour l’Amérique de jouer avec sagesse son rôle de leader, de projeter ses forces de façon habile, d’exercer son influence dans le sens de la liberté et la sécurité. Malheureusement, je crains que notre influence, hier si grande, ne soit en train de s’effacer, victime de politiques mal dirigées et d’actions impétueuses. Les États-Unis n’ont jamais disposé d’une telle puissance, et jamais ils n’ont été aussi peu capables d’influencer. 12 juillet 2004
Actuellement, nous n’inspectons que 3% de tous les cargos qui entrent chez nous. Des terroristes peuvent embarquer un container et l’amener au milieu du Loop [quartier des affaires de Chicago] sans grand risque d’être inspectés. Nos usines chimiques et nucléaires ne sont pas protégées, malgré leur vulnérabilité. 26 octobre 2004
Intervenir pour le Darfour : C’est pour notre sécurité nationale. Si nous avons de plus en plus d’États en lambeaux, de plus en plus de personnes déplacées, de plus en plus de réfugiés, c’est ce qui devient le terreau du terrorisme, [des épidémies et de] la pression à nos frontières. Dans un monde interconnecté, nous ne pouvons pas nous isoler de ces tragédies. Nous allons avoir besoin d’une stratégie pour traiter ces situations, parce que nous sommes la seule super-puissance qui reste, et le Darfour est l’épreuve de vérité. Nous avons raté un test au Rwanda, nous ne devrions pas en rater un autre. 15 février 2006
Nous dépendons, pour alimenter nos besoins en énergie, de quelques-uns des pays les plus fragiles politiquement du Moyen-Orient. Que ce soit des démocraties boiteuses, des régimes despotiques aux intentions nucléaires, des ports d’attache pour les madrasas qui sèment le terrorisme dans l’esprit des jeunes, ça ne compte pas. Ils ont notre argent parce que nous avons besoin de leur pétrole. 4 septembre 2006
Pour l’éducation, j’insiste : on a un budget décent, on a assez d’enseignants et d’ordinateurs dans les classes … mais tant qu’on n’éteindra pas la télévision, tant qu’on ne dépassera pas cet "anti-intellectualisme" qui, je crois, se répand dans certaines classes populaires … nos enfants ne réussiront pas. 25 juillet 2004.
[Le programme fédéral] "No Child Left Behind" ne traitait pas ce que je considère être l’enjeu essentiel pour l’éducation : comment encourager les meilleurs enseignants à rester enseignants, comment améliorer considérablement rémunérations et performances des enseignants ? 2 juillet 2005
C’est vraiment important que nous remontions (revamp) notre système de prêts universitaires, pour que plus d’argent aille aux étudiants. Les prêts directs marchent tout à fait bien, et on ne voit pas la nécessité que ces prêts soient gérés par l’intermédiaire de banques et autres offreurs privés. Si nous pouvions regrouper les fonds dans le seul système de prêts directs [publics], nous économiserions 4,5 milliards de dollars. 7 octobre 2004
La formation [pour un nouvel emploi], nous en parlons beaucoup. Nous ne la faisons pas très bien, en partie parce que les Démocrates se méfient parfois trop de ce que peut apporter le marché. Et à l’inverse, les conservateurs ont parfois tendance à dire que ça résoudra le problème, que les gens s’y retrouveront. Or les gens ont besoin - particulièrement dans les villages et les petites villes de toute l’Amérique - ils ont besoin de quelqu’un pour les brancher sur les emplois qui ont de l’avenir, sur les opportunités qui se présentent. (…) Ne comptez pas sur nous pour dire à une personne de 55 ans qui a travaillé toute sa vie dans une aciérie, de commencer une formation pour devenir informaticien. Ce que nous pouvons faire et lui dire, c’est qu’il garde son assurance maladie, même s’il perd son emploi. C’est garantir les droits à la retraite qu’il a acquis jusque là. 19 octobre 2006
Si ça marche en passant par le marché, passons par le marché. Si pour que ça marche, il faut une intervention de l’État, faisons comme ça. Mais regardons [à chaque fois] ce que ça donne en pratique. 22 octobre 2006
Je crois qu’il faut bannir les armes à feu de nos villes, et que nos dirigeants doivent l’affirmer face au lobby des fabricants d’armes. The Audacity of Hope
Le meilleur de la politique, ça passe par le fait de nous reconnaître les uns dans les autres. Et le pire de la politique, c’est de considérer les immigrants, ou les femmes, ou les noirs, ou les homosexuels, ou les Mexicains, comme quelque chose de séparé, en-dehors de nous. 26 octobre 2006
Avortement : À mon avis, les Démocrates ont fait une erreur … quand ils ont prétendu qu’il n’y avait pas d’élément moral [dans la question de l’avortement]. Il y en a un. 12 mars 2006
[Il faut assurer] que les membres du Parlement et du gouvernement nous disent s’ils sont en train de négocier des postes dans les sociétés qu’ils sont chargés de réguler. Pour que nous n’ayons pas des gens qui le jour écrivent un projet de loi sur les médicaments, et la nuit discutent de leur futur salaire avec des compagnies pharmaceutiques. 22 novembre 2005
Le plus grand atout des grandes fortunes à Washington, [ce sont leurs] lobbyistes, en mesure de repérer la proposition de loi qui signifie pour leur client un milliard de dollars d’impôts en moins, et dont personne d’autre ne connaît l’existence. 30 octobre 2006
Si le débat politique est négatif, les gens deviennent cyniques et n’y font plus attention. Ce qui ouvre la place aux intérêts particuliers pour mener à bien leurs affaires, et en fin de compte les laboratoires pharmaceutiques définissent la politique du médicament, les vendeurs d’énergies définissent la politique énergétique, et les multinationales définissent la politique commerciale. 31 mai 2004
Si les gens veillent, nous avons une bonne administration et le pays est bien dirigé. Si notre démocratie devient paresseuse, si notre civisme se contente de raccourcis, ça donne de mauvaises politiques, une mauvaise administration. 25 septembre 2006
Je crois qu’il y a dans le pays une grande soif de changement, et pas seulement d’un changement dans les politiques. Je crois que les gens voudraient aussi un changement de ton, un retour à quelque chose comme l’intérêt général, un sens de la coopération, du pragmatisme au-delà des idéologies. 8 janvier 2007
Hillary Clinton : Plus je la connais, plus je l’admire. Je pense que c’est une des personnes qui ont le plus de discipline, de toutes celles que j’aie rencontrées. C’est l’une des plus fermes. Elle a une intelligence extraordinaire. Et c’est quelqu’un qui a les meilleures raisons d’être en politique. 30 octobre 2006
Les enjeux (issues) ne sont jamais simples. Je suis fier d’une chose, c’est que vous me verrez très rarement simplifier les enjeux. 25 septembre 2006
J’essaye de retracer les deux côtés de chaque question, parce qu’un des sujets de [mon livre The Audacity of Hope], c’est d’essayer de montrer comment on peut trouver des terrains d’entente. Et curieusement, quand on me critique, généralement ce sont des gens qui trouvent que j’attache trop d’importance à regarder les différents points de vue. 19 octobre 2006
Je ne suis pas un propagandiste. Ce n’est pas mon boulot. Mon boulot, ce que je cherche à faire quand je prononce un discours, c’est de parler de façon aussi vraie que possible de ce que je perçois. 16 janvier 2007
Ce qu’on dit de moi dans les journaux, ma femme, ça ne lui dit pas grand chose. Ce qui lui parle, c’est de savoir si j’ai sorti les poubelles et amené les enfants au parc. Octobre 2006
Pour regagner la confiance [du public], pour montrer aux gens que nous travaillons pour eux et dans leur intérêt… c’est ce que nous devons faire. 22 novembre 2005
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