Un maître censeur à l’UNESCO
C’est ce mois-ci qu’ont lieu les élections pour la direction générale de l’UNESCO. Un enjeu important au vu de l’action de cette institution en faveur de la culture et de l’environnement, mais également car des centaines d’ONG travaillent avec elle, et que maintenir des financement « charitables » en période de crise nécessite une personnalité hors-norme. Le risque de cette élection, c’est bel et bien la candidature incroyablement déplacée de Farouk Hosni.
Ce ministre de la Culture égyptien depuis plus de 20 ans, outre ses prises de positions racistes, est passé maître dans l’art de la censure. Sait-on jamais ce qu’il peut se dire de révoltant dans un livre, une salle de cinéma ou un journal ! Morceaux choisis pour reconstituer le CV officieux d’un sinistre personnage.
En fait, il ne s’agit pas d’aller très loin pour chercher des noises à Farouk Hosni : lui-même avouait bien volontiers en 2004 à Al-Jazeera que la pratique de la censure est un impératif né de la mondialisation : « la protection de la société face à la mondialisation culturelle est à la charge de l’autocensure pratiquée par les maisons d’édition égyptiennes, et par son ministère ». Et, si jamais cette mondialisation venait à être trop irritante, comme c’est le cas lorsque des livres israéliens sont suspectés d’être traduits, il faut alors passer à l’action et, dans une expression qui fleure bon le IIIe Reich, inciter les éditeurs du pays à “développer des anticorps” (Al-Arab Al-Youm). Allons, allons, ne nous étouffons pas en pensant à l’UNESCO, voyons plutôt comment cette pression s’exerce concrètement à domicile
Car en fait nombreux sont les secteurs qui participent à cette censure. Les religieux, par exemple, aiment à traquer le blogueur (surtout si universitaire à ses heures perdues), comme en témoignent les motifs de l’arrestation de Karim Ameer repris par le Guardian “L’Egypte a recommencé à museler la liberté d’expression dans le cyberespace, en arrêtant un étudiant en droit de 22 ans, Abdul KArim, pour avoir critiqué dans ses posts l’Islam. M. Karim, plus connu dans la blogosphère sous le nom de Karim Amer, est détenu depuis le 6 novembre 2006 dans sa ville natale, Alexandrie. Un site Internet a été mis en place pour le soutenir et exiger sa libération".
Pour le reste, Farouk Hosni n’est pas sectaire : ses méthodes de censure sont multiples. Soit indirectes, en passant par exemple par le puissant comité des recherches islamique de l’Université Al-Azhar, déjà dénoncé en 2007 par Al-Akhbar, organe du Hezbollah, qui titrait « le comité des recherches islamique encercle la culture » alors que quatre ouvrages étaient visés pour « atteinte aux valeurs sacrées ou à la paix sociale, ou qui nuisent aux relations entre l’Egypte et des pays frères ou amis ». Vaste programme, comme qui dirait. Sinon, la censure directe est aussi au programme de l’ancien artiste peintre reconverti en chape de plomb. C’est ainsi le best-seller Da Vinci Code, oeuvre (de fiction !) explosive, qui a pâti du bon vouloir du ministre, en juin 2006, comme le rapporte Al Arabiya : interdiction d’adapter le livre au cinéma, le tout édicté personnellement par Farouk Hosni devant le Parlement. Et l’on vous épargne le quasi-exil du prix Nobel de littérature Naguib Mahfouz ou les appels à la censure de "l’Immeuble Yacoubian" pour "déviationnisme" et "appel au vice".
Si Farouk Hosni semble prendre la fiction pour une dangereuse réalité, pour l’UNESCO, c’est un risque bien réel que de voir un tel personnage la diriger un jour. Les élections du mois de septembre sont importantes, les 58 Etats votants ne doivent pas élire à l’organisme de l’inter-culturalité un béotien qui ne doit son poste qu’à ses accointances politiques.
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