Un pas de plus pour Evo ?
L'heure était a la fête le week-end dernier à la Paz. L’étendard bleu azure, symbole national de la revendication bolivienne d'un accès souverain au Pacifique flottait haut, aux cotés du drapeau multicolore Aymara, peuple indigène dont est issu Evo Morales et de celui, plus sobre, du MAS, le parti politique du président, majoritaire dans les deux chambres législatives. Ce dernier se félicitait, ce jeudi 24 septembre, d'une première victoire contre le Chili et de la reconnaissance officielle de l'injustice faite à la Bolivie, quand au sortir de la guerre du Pacifique en 1904, celle-ci se voyait amputée de son unique sortie vers la mer. En votant à 14 voix contre 2 la compétence de la Cour Internationale de Justice pour traiter la requête Bolivienne d'une négociation avec le Chili pour un accès souverain au Pacifique, les juges ont en effet donné au peuple Bolivien l'impression d'un succès retentissant tel qu il n'en avait pas connu depuis 1963, année de leur victoire de la Copa America. Depuis son arrivée au pouvoir en 2006, le discours populiste d'Evo morales de spoliation du pays par des puissances étrangères même si il s'est traduit par des mesures internes fortes, telle que la vague de nationalisations des premières années de son mandat ou le bannissement, en 2013, de l'agence des Etats Unis pour le Développement International, n'a trouvé que peu d'écho à l’extérieur. Ses plaidoyers pour la légalisation de la feuille de coca ou pour le droit fondamental des peuples à l'eau et à l'assainissement, même si fortement médiatisés, n'ont eu que peu d'effet sur les institutions internationales. La Bolivie s'est même vu a plusieurs reprises désavouée dans ses relations extérieures. Comme lorsque la diplomatie Brésilienne organisait en 2013 la fuite et la protection d'un opposant Bolivien au régime de Morales ou lorsque, la même année, la France interdisait au président Bolivien le survol de son territoire. L'annonce récente de la CIJ semble donc être une victoire sans précédent pour le président Bolivien mais à y regarder de plus prêt il semblerait que cet enthousiasme doive être tempéré.
Il faut tout d'abord rappeler que le verdict de la cour porte aujourd’hui simplement sur sa compétence à juger la requête que lui a présentée la Bolivie le 24 avril 2013. L'opposition faite par le Chili sur la base que ce différend avait été réglé avec le traité de paix de 1904, date antérieur à la création de la cours, a été écartée au motif que la Bolivie s'appuie sur des actes et déclarations du Chili qui sont postérieurs à la fin de la guerre et surtout que l'obligation visée n'est pas directement traitée dans le document. Il s'agit ici non d'une demande de rétrocession de territoire mais d'une obligation de négocier. Même si la Bolivie a subtilement, dans sa requête, liée cette obligation de moyen au résultat qu'elle escompte (« le Chili a l’obligation de négocier avec la Bolivie en vue de parvenir à un accord octroyant à celle-ci un accès pleinement souverain à l’océan Pacifique »), un jugement en sa faveur ne priverait sans doute pas le Chili de moyens de faire durer indéfiniment les discussions. Pour défendre sa requête, la Bolivie dit s'appuyer sur des déclarations d'ouverture que de hauts représentants Chiliens ont put faire à plusieurs reprises avant de refermer les discussions sous la présidence de Sebastián Piñera. Lors d'une intervention à la télévision publique Chilienne le 30/09, le porte-parole Bolivien et ancien président Carlos Mesa cite à titre d'exemple une lettre de 1975 du ministre des affaires étrangères Chilien Patrico Carvajal à son homologue Bolivien dans laquelle le Chili se dit prêt à négocier un accès souverain au pacifique pour la Bolivie. Carlos Mesa rappelle également, qu'en droit international, des actes ou déclarations unilatérales d'un état peuvent avoir un effet obligatoire du point de vue d'autres états comme le jugea la CIJ lors du différent qui opposa le Danemark à la Norvège sur la souveraineté du Groenland oriental. Ce pari n'est pas non plus gagné d'avance. Le Chili ne manquera sûrement pas de mettre en avant que beaucoup de ses propositions parlaient de travailler dans le cadre du traité de 1904, que des officiels Boliviens ont également pu, par le passé, faire des déclarations reconnaissant la souveraineté Chilienne sur leurs anciens territoires ou plus simplement que si il est possible d'établir une cohérence ou une continuité sur plus d'un siècle de politique extérieur ils seraient les plus à même de le faire. Enfin, en dernier recours, le Chili pourrait choisir de ne pas respecter une décision défavorable de la CIJ. En agissant ainsi ce dernier s'exposerait plus probablement à un ternissement de son image auprès de la communauté internationale qu'à la possibilité de sanctions réelles.
Il y a 3 jours, depuis le siège de l'ONU le président Bolivien déclarait : « tôt ou tard, par la justice et avec le soutient du monde entier, nous reviendrons au Pacifique avec souveraineté. » Peut être plutôt tard que tôt donc. Fort de cette première victoire symbolique et face à la bataille qui s'annonce, le président Bolivien sera il tenté de préparer dors et déjà la possibilité de briguer un 4eme mandat a partir de 2019 ? Evo Morales avait déjà entrouvert la porte à une modification de la constitution en juillet dernier seulement 6 mois après le début de son mandat. Avec l'approbation du parlement 2 jours après la décision de la CIJ il a maintenant le pied dedans !
3 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON