Une Afrique indépendante, mythe ou réalité ?
Depuis le démantèlement de la structure bicéphale régissant l’ordre politique mondial, la situation de l’Afrique, pourtant libérée de certaines contraintes du monopartisme, n’est pas rose. Le paysage politique actuel n’a pu relever les défis économiques : la pauvreté est grandissante. Nombre d’Africains, en quête d’une meilleure vie par l’émigration, s’obstinent à croire que le chemin vers l’Europe leur permettrait de récupérer... Chimère ! dans la mesure où ils courent le risque d’intégrer l’inconnu Quart-Monde, une situation défavorable qui pourrait compromettre leur marge de sécurité, nécessaire à une disposition à donner un coup de pouce au développement économique de leur pays d’origine.
L’effondrement de 1989, non seulement du régime communiste, mais de toute une représentation des affrontements, du poids des idéologies, des phénomènes de violence, liée hier à la décolonisation et aujourd’hui à la fin de l’empire russo-soviétique, nous oblige à reconsidérer certains aspects de la politique coloniale. Car, l’obsession d’une Europe paradisiaque a soudain envahi la plupart des Africains, soucieux de quitter le spectre de la misère. Ainsi, l’évidence qui saute aux yeux est que le véritable ennemi du peuple africain n’est pas le colonialisme ni le néocolonialisme, mais plutôt la misère qui détruit le tissu social. Le peuple souverain a donc intérêt à sortir définitivement de la torpeur causée par certains credos politiques, qui ne suscitent pas un véritable engouement pour le progrès de l’humanité insufflé par le modernisme.
Historiquement, la sacralisation du pouvoir politique permettait à l’homme de faire ce qui se fait sans raison, mais cette liberté d’action s’inscrivait dans une logique de système de pouvoir non différencié, si bien que celui-ci était perçu comme une source d’enrichissement pour celui qui l’incarne, afin de jouir d’un grand prestige. Or, de nos jours, la politique est presque un sacerdoce au service de la population, de sorte que la promotion de l’intérêt général en soit la règle de conduite. La politique coloniale, abstraction faite de sa connotation paternaliste, admettait la conjugaison de l’Eglise et de l’Etat, en vue de féconder une justice sociale dépendante de la raison d’Etat, une fois que le cordon est coupé.
Depuis l’accession à l’indépendance, la politique de la nation est conduite par un Etat qui se veut laïc en proclamant son autonomie. L’Etat, sous cette perspective, n’a pas pourtant perdu son autoritarisme. En se montrant hostile à toute initiative de réforme institutionnelle, l’Etat a bel et bien hérité la philosophie du pouvoir colonial. La gloire des dirigeants politiques prime alors la souveraineté du peuple, avec le délabrement du tissu économique au bout du compte.
Le plus paradoxal, dans la plupart des pays d’Afrique, est de voir se constituer une classe dominante qui se confond avec la classe politique ; cette dernière est dépourvue de moyens de production, ce qui n’est pas le propre d’une bourgeoisie dans une société de type capitaliste. Voilà le produit de la conviction selon laquelle le royaume politique, une fois qu’il est conquis, fera venir le reste par surcroît. Vision de rêve ! Et pourtant l’Afrique des merveilles n’est pas un mirage, d’autant plus qu’il a été pris en considération par l’Occident dans sa conquête de l’espace terrestre. Mais où donc se trouve ce paradis inconnu, cet inespéré bonheur, ce désert enchanté où chacun voudrait vivre, rêver, aimer ?
Certes, il faut honorer dans les pauvres les préférés de Jésus-Christ, parole de l’Evangile. Toutefois, c’est de la pauvreté découlant de l’ordre naturel des choses qu’il s’agit. Par contre, la pauvreté qui résulte d’une action politique déloyale est inacceptable, car elle fait penser à un type de gouvernement qui admet la perversité pour maintenir l’homme dans l’unité cosmique. Là-bas, les responsables politiques ont tellement une passion frénétique du mode de vie occidental qu’ils tentent de devenir riches en coup de vent. Ils créent le genre de paupérisme qui a tendance à être exporté vers l’Europe par ceux-là qui en sont victimes, alors que de nombreux finissent par faire partie de l’inconnu Quart-Monde.
S’il faut interpréter les faits, voici le voeu et le but de la congrégation des frères politiciens : "Obtenir, à force de se fondre et de se confondre aux Occidentaux, que les bienfaits de la civilisation occidentale soient loués." Voeu ambitieux ! mais combien noble et émouvant puisque c’est substituer, sous prétexte de l’amour de la patrie, une humanité à une autre en s’incorporant à elle, presque un dédoublement ou une incarnation.
11 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON