• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Actualités > International > Une « alliance navale » entre les pays du CCG et l’Iran

Une « alliance navale » entre les pays du CCG et l’Iran

L’annonce faite par l’amiral Shahram Irani, commandant de la marine iranienne, a suscité un débat important sur la formation d’une nouvelle alliance navale entre les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et l’Iran. Cette alliance impliquerait l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar, Bahreïn et l’Irak, en plus de l’Iran. L’amiral Irani a souligné le consensus croissant entre les nations de la région sur le fait que la sécurité dans la zone ne peut être assurée que par des efforts de collaboration et une coopération mutuelle. Un aspect crucial de ses déclarations a été l’affirmation que la région serait bientôt témoin du retrait des forces étrangères inutiles, ce qui permettrait à la population locale de prendre en charge sa propre sécurité en utilisant son propre personnel militaire.

Dans la réponse initiale des États-Unis, le Tim Hawkins, porte-parole de l’US Fifth Fleet and Combined Maritime Forces, a critiqué le projet de l’Iran d’établir une alliance navale avec l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe, le jugeant irrationnel et dépourvu de raisonnement logique. Il a souligné que l’Iran est le principal responsable de l’instabilité régionale et qu’il cherche à former une alliance de sécurité pour protéger les eaux qu’il menace.

Par ailleurs, certains médias israéliens ont exprimé leur inquiétude quant à l’évolution des relations entre l’Iran et les pays du CCG, en particulier l’Arabie saoudite. Cette inquiétude survient à un moment où Israël cherche activement à conclure un accord pour normaliser ses relations avec Riyad.

Il ne fait aucun doute que la déclaration iranienne a pris les observateurs et les experts au dépourvu, car la mise en œuvre potentielle de cette mesure marque un changement majeur dans la dynamique de la sécurité régionale. Elle aura sans aucun doute des conséquences et des implications sur le rôle et l’influence des États-Unis dans la région du Golfe. Toutefois, avant de se lancer dans l’analyse d’une mesure qui n’a pas encore été prise officiellement, il est important de souligner plusieurs facteurs clés qui régissent et façonnent la dynamique régionale et internationale dans le Golfe.

Tout d’abord, les pays du CCG adhèrent à une politique étrangère qui évite de s’enliser dans des alliances visant d’autres entités régionales ou internationales. C’est pourquoi, à mon avis, il est difficile pour toute forme de coopération en matière de sécurité maritime dans les eaux du Golfe de se transformer en une véritable alliance navale. Le scénario le plus proche que l’on puisse envisager dans ce contexte est la possibilité de parvenir à un accord ou à une entente qui définisse précisément les règles et les rôles des forces navales des parties participantes dans le cadre d’un arrangement spécifique.

L’objectif premier est d’éviter que ne se reproduisent les incidents au cours desquels les forces navales iraniennes immobilisent fréquemment des navires et des bateaux dans les eaux du Golfe, souvent dans l’intention manifeste de transmettre des messages spécifiques, dont certains remettent en cause la présence des forces navales américaines dans la région.

Par conséquent, le résultat le plus probable à anticiper est l’établissement d’arrangements procéduraux centrés sur des accords et des ententes réglementaires, plutôt qu’une alliance formelle telle que déclarée par l’Iran.

Le deuxième point à prendre en considération est que les pays du CCG sont pleinement conscients du fait que la conclusion d’une «  alliance  » de sécurité avec l’Iran comporte le risque d’une tension dans leurs relations avec les États-Unis. Cette tension peut survenir soit en raison de leur implication directe dans une telle alliance, soit parce qu’il est universellement reconnu que toute force navale associée à cette «  alliance  » pourrait finir par s’engager dans des affrontements ou des confrontations maritimes avec les forces américaines stationnées dans la région. Cela aurait un impact négatif sur les relations entre les pays du CCG et leur allié américain.

Le troisième aspect à prendre en considération est que les pays du CCG sont bien conscients que l’objectif stratégique de l’Iran, depuis le début de la révolution khomeyniste en 1979, a été de retirer ou d’«  expulser  » les forces étrangères (en particulier les forces américaines) des eaux du Golfe. Ils reconnaissent également que l’Iran cherche à atteindre cet objectif en établissant une alliance de sécurité régionale qui sape les principales justifications de la présence américaine dans la région.

Compte tenu des orientations actuelles de la politique étrangère des pays du CCG, il est difficile d’affirmer que les capitales de ces nations partagent le même objectif que Téhéran, même à la lumière des défis actuels auxquels sont confrontées les alliances entre ces capitales et Washington.

En outre, cela contredit la tendance de ces pays à éviter d’adhérer à des alliances qui porteraient atteinte à leurs intérêts stratégiques, y compris les intérêts de certains pays à l’égard d’Israël. Ces intérêts ne doivent pas être négligés, en particulier en cas d’avancée politique significative dans le traitement de la question palestinienne et dans l’obtention d’une résolution politique.

Le sixième aspect à prendre en compte est que l’Iran cherche avant tout à empêcher la signature de tout accord de coopération en matière de sécurité entre Israël et certains pays du CCG, en particulier dans des formulations qui pourraient potentiellement conduire à une présence israélienne dans les eaux du Golfe. Ces déclarations soulignent donc les efforts de l’Iran pour créer une distance entre les pays du CCG et Israël, et pour contrecarrer toute discussion préventive concernant la collaboration en matière de sécurité entre les deux parties.

Depuis quelque temps, des spéculations et des articles de presse font état de la formation d’une alliance israélo-golfique visant à contrer les ambitions nucléaires de l’Iran. Toutefois, au fil des jours, ces informations n’ont pas encore été confirmées, ce qui renforce la détermination des pays du CCG à s’abstenir de participer à toute alliance qui viserait une autre partie de la région.

Je pense que cette situation n’est pas différente. Les politiques des pays du CCG restent inchangées et le comportement iranien ne s’est pas transformé d’une manière qui justifie l’acceptation et l’adhésion aux déclarations faites par le responsable iranien.

Cela soulève la question suivante  : pourquoi les pays du CCG n’ont-ils pas réagi  ? Pourquoi les pays du CCG n’ont-ils pas réfuté les déclarations iraniennes si elles sont fausses ou inexactes  ? La réponse est simple  : ces déclarations servent en fait les intérêts des pays du CCG. Elles envoient un message à leur allié américain hésitant, qui n’a pas rempli son rôle et ses engagements dans le Golfe, que la poursuite de cette politique nécessite la recherche d’options alternatives.

Enfin, compte tenu de l’intention et de l’engagement des États-Unis d’éviter une escalade militaire avec les forces navales iraniennes dans le Golfe, il semble probable que les pays du CCG chercheront à conclure des accords et des ententes pour protéger leurs navires et leurs actifs navals contre les incidents occasionnels de ciblage et de détention perpétrés par l’Iran.

Des mesures et des procédures spécifiques peuvent être convenues en guise de coopération conjointe. Certains prévoient que cela pourrait aller jusqu’à l’organisation d’exercices navals conjoints, bien qu’à mon avis, cela soit hautement improbable dans un avenir prévisible. Toutefois, aucun de ces accords n’est susceptible d’évoluer vers la déclaration d’une alliance globale de sécurité maritime dans le Golfe.


Moyenne des avis sur cet article :  1.38/5   (16 votes)




Réagissez à l'article

1 réactions à cet article    


  • Parrhesia Parrhesia 29 juin 2023 10:04

    Bonjour à l’auteur, merci.

    Mais à part cela ? Quelqu’un peut-il confirmer  :

     Que l’Etat d’Israël a vraiment l’intention de donner officiellement son feu vert ?

     Que John Kerry a l’intention de se faire à nouveau photographier avec les membres du C.C.G. lors de leurs prochaines réunions ?

    Deux réponses qui pourraient éclairer d’un jour particulier la dernière phrase de cet article par ailleurs intéressant, et que je cite :

    >>> Toutefois, aucun de ces accords n’est susceptible d’évoluer vers la déclaration d’une alliance globale de sécurité maritime dans le Golfe. <<<

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité