Une leçon pour Chávez, une leçon pour l’opposition
Le référendum sur la réforme de la constitution s’est finalement soldé, après une longue soirée d’attente, par la première défaite électorale pour Hugo Chávez depuis son arrivée au pouvoir en 1999.
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Avec 51 % pour le non, 49 % pour le oui (un peu plus de 100 000 voix de différence), la défaite n’est pas vraiment humiliante, mais elle est significative et surtout symbolique. Quelles leçons les adversaires du jour peuvent-ils en tirer ?
Humilité
Hugo Chávez doit incontestablement en tirer une leçon d’humilité. Il sait maintenant qu’il ne peut pas faire tout et n’importe quoi. Qu’il doit mesurer ses élans et ses impulsions. En clair, avec cette réforme, il voulait aller trop vite : en quelques mois seulement, il voulait mener le Venezuela à un changement aussi considérable que le passage au socialisme. C’était faire fi des inévitables pesanteurs sociologiques : une société ne se change pas par décret, elle obéit à des règles lourdes qu’il faut savoir évaluer correctement avant de se lancer dans l’arène politique. Dans son volontarisme extrême, Hugo Chávez ne l’a pas fait. Il a foncé, croyant que tous ses partisans le suivraient. Ils ne l’ont pas tous suivi.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : trois millions de personnes qui avaient voté pour Chávez lors des élections présidentielles de décembre 2006 ont disparu dans la nature... Des 7 millions de voix recueillies en 2006, il n’en reste plus que 4 en 2007. C’est là la marque exacte du phénomène, nouveau dans cette campagne, du chaviste qui dit non. Parmi ces partisans de Chávez, une minorité a effectivement voté NON, aux côtés de l’opposition (lui donnant son faible avantage), mais la plupart n’ont pas voulu de cette promiscuité avec une opposition souvent peu ragoûtante. Ils ont préféré s’abstenir, entraînant la défaite.
Jouer le jeu
Pour l’opposition, la leçon à retirer est tout simplement celle de l’existence de la démocratie au Venezuela. Paradoxalement, en reconnaissant sans ambages sa défaite, c’est Hugo Chávez qui la lui a donnée avec superbe, cette leçon : oui, il est maintenant prouvé qu’une opposition qui joue le jeu peut gagner démocratiquement une élection au Venezuela. Du coup, les voilà démolies ces suspicions de fraude, annulées ces accusations de dictature, ridiculisées ces attaques à la partialité du Conseil national électoral.
Encore faut-il que l’opposition accepte majoritairement et massivement ces règles démocratiques, étouffant en elle ses tendances extrémistes et ses éléments putschistes. Rien n’est moins sûr lorsqu’on l’entend tirer certaines conclusions triomphalistes des résultats pourtant serrés du référendum. À l’en croire, on serait devant le début de la fin pour Chávez. Elle aussi devrait faire preuve de plus d’humilité et « savoir gérer sa victoire », comme le lui a conseillé, non sans une certaine ironie, Hugo Chávez.
Et maintenant ?
À quoi faut-il s’attendre maintenant ? Sans doute pas à un changement substantiel dans la conduite du pays. Hugo Chávez l’a clairement dit : il ne renonce pas à son projet à long terme, qui est d’instaurer le socialisme au Venezuela. Mais il tentera d’y parvenir sans l’outil juridique qu’allait lui fournir la réforme constitutionnelle. Pas de recul sur les principes, donc, mais, peut-être, une nouvelle stratégie qui tiendra mieux compte, cette fois, des réalités sociologiques du pays. Beaucoup souhaitent un Chávez moins virulent, moins impulsif, moins imbu de sa personne, mais plus réfléchi et plus attentif aux critiques de ses amis. Est-ce rêver ?
Quant à l’opposition, acceptera-t-elle de jouer sur le terrain de la démocratie ou bien se laissera-t-elle à nouveau emporter par ses démons ? Grande question. Mais l’espoir d’un changement profond d’attitude reste faible. Il n’est pas indifférent que, dans cette bataille, l’opposition ait hérité d’un nouveau leader, et non des moindres : le général Raúl Isaias Baduel, ancien ministre de la Défense de Chávez, et proche de ce dernier. Il s’était ouvertement prononcé pour le non, collaborant ainsi à la victoire de l’opposition. Le voici qui se maintient au cœur de l’échiquier politique. Ce candidat fort, qui pourrait devenir le parfait cheval de bataille pour l’opposition dure et pour Washington, ne laisse pas d’inquiéter, étant donné les liens qu’il continue à entretenir avec une partie non négligeable de l’armée.
Et là, un triste précédent revient à l’esprit : un certain Augusto Pinochet, lui aussi, avait été chef d’état-major et « proche » de Salvador Allende...
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