Une polémique autour de Human Rights Watch
L’organisation américaine Human Rights Watch accuse l’Etat d’Israël et ses supporters d’une campagne organisée, à base d’allégations mensongères et d’informations truquées, comportant notamment des attaques personnelles envers ses dirigeants. Le but serait de discréditer HRW afin de jeter le doute sur les rapports publiés par cette organisation au sujet des crimes de guerre à Gaza.
La critique a commencé sous la pression de blogs israéliens de droite, mais au cours de ces dernières semaines elle a obtenu l’appui de personnages influents tels qu’Elie Wiesel, survivant de l’Holocauste et lauréat du prix Nobel de la Paix, et Robert Bernstein, fondateur de HRW, passé ensuite dans l’opposition. Ce dernier a déclaré que les rapports de l’organisation « aident ceux qui souhaitent transformer Israël en Etat paria ». Il a invité HRW à se concentrer davantage sur les abus commis par des gouvernements arabes.
Iain Levine, le directeur des programmes de HRW, a déclaré que l’organisation attire des critiques depuis longtemps, c’est certain, mais que ces derniers mois il y a eu manifestement des tentatives pour l’intimider. « J’hésite vraiment à employer des mots comme "conspiration", mais j’ai le sentiment qu’il y a une campagne organisée, et l’on voit en différents endroits ce qui semble être une attaque coordonnée… D’après le langage et les arguments utilisés, il semble bien que tout ceci a été discuté » a-t-il dit. « Nous devons dépenser beaucoup de temps pour réfuter les mensonges et la désinformation ».
En tête de la critique de HRW se trouve le NGO Monitor, un groupe israélien de Jérusalem financé par de riches donateurs américains, dont Elie Wiesel fait partie au niveau du comité consultatif. Il accuse les membres de HRW d’avoir un « agenda politique » pour attaquer Israël. La critique s’est concentrée particulièrement sur le directeur de la division de HRW pour le Moyen-Orient, Sarah Leah Whitson, qui a fait récemment un voyage en Arabie Saoudite.
Le Monitor accuse Whitson d’essayer d’obtenir de l’argent des fonctionnaires saoudiens en mettant l’accent sur la critique d’Israël par HRW. Une charge a été faite également dans un article du Wall Street Journal. Elle a été largement distribuée ensuite par le plus puissant lobby pro-Israël aux USA, l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee). C’est peu de temps plus tard que le directeur de la planification politique au bureau du Premier ministre israélien, Ron Dermer, a dénoncé HRW. « Nous allons consacrer le temps et de la main-d’oeuvre à combattre ces groupes ; nous n’allons pas être des canards immobiles dans un étang pour que des organisations des droits de l’homme tirent sur nous en toute impunité » a-t-il dit.
Levine a dit que la visite de Whitson en Arabie Saoudite était semblable aux voyages d’autres fonctionnaires de HRW à Tokyo, Johannesburg et Tel-Aviv pour gagner l’appui des personnages intéressés par la défense des droits de l’homme dans leurs propres pays et à l’étranger. « Cette idée que le gouvernement saoudien va pouvoir nous influencer d’une façon ou d’une autre est idiote. Notre organisation a pour principe de ne pas prendre l’argent d’un gouvernement », a-t-il dit. Il a ajouté que la menace de Dermer marque une escalade dans la campagne contre HRW. « Il était clair que le gouvernement de Benjamin Netanyahou aurait une approche de droite plus dure. Netanyahou a compris que les critiques de l’offensive israélienne à Gaza sont extrêmement dangereuses politiquement pour Israël », a-t-il dit.
Levine croit que plusieurs de ces attaques ont pour but de détourner l’attention du rapport Goldstone à l’ONU, très critique à l’égard d’Israël. De nombreux civils ont été massacrés à Gaza pendant l’offensive israélienne en décembre dernier. Goldstone est un ancien membre du conseil de HRW et le groupe a fermement soutenu son rapport.
« Nous sommes soumis à d’énormes pressions et de terribles attaques, dont certaines sont très personnelles, comme celles qui sont dirigées contre Richard Goldstone, avec des termes injurieux pour le décrire : "juif obséquieux, individu se détestant lui-même en tant que juif", tel est leur langage » a dit Levine.
Bernstein a renouvelé ses critiques de HRW dans un article d’opinion du New York Times. Il l’accuse de critiquer Israël plus que des gouvernements anti-démocratiques du Moyen-Orient. « HRW a perdu la perspective critique sur un conflit dans lequel Israël a été plusieurs fois attaqué par le Hamas et le Hezbollah, qui s’attaquent à des citoyens israéliens et utilisent leurs membres comme boucliers humains », a-t-il écrit. Il accuse aussi HRW de fonder ses accusations contre Israël sur des témoignages de Palestiniens, « des témoins dont les histoires ne peuvent pas être vérifiées et qui peuvent témoigner pour des raisons politiques ou parce qu’ils craignent d’être punis par leurs dirigeants ».
Levine a indiqué que Bernstein s’est manifesté seulement après que le conseil de HRW eut rejeté son appel pour un changement de direction. Quelques jours plus tard, Wiesel et d’autres ont publié une lettre dans le Guardian pour attirer l’attention sur un article de Bernstein qui accusait HRW de jouer un « rôle destructeur » et réclamait une mise à plat de l’organisation.
En septembre, HRW a été secoué par une attaque contre Marc Garlasco, son expert chargé de collecter les témoignages sur les faits de guerre. On l’a accusé d’être un sympathisant nazi sous prétexte que sur un blog on le voyait présenter une veste de SS. Il a rejeté énergiquement l’accusation, mais HRW l’a suspendu de ses fonctions en attendant le résultat d’une enquête. Levine a dit que l’attaque contre Garlasco est la dernière salve de la campagne du gouvernement israélien « pour éliminer toute critique légitime » de l’armée israélienne.
Source : www.guardian.co.uk/world/2009/nov/13/israel-human-rights-watch-gaza
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