Une « règle d’or » pour le déficit démocratique international
Maintenir ou plonger un peuple dans un imaginaire ne saurait fonder un mode de gouvernance viable. Le retour des peuples (souvent « indignés ») que nous observons notamment depuis le Printemps Arabe, en Israël et Syrie, en Europe, tout cela peut être une chance pour la démocratie réelle. S’y opposer pourrait mener au gouffre de la barbarie. Le rôle de l’Information a rarement été aussi déterminant. Toute une oligarchie internationale gagnerait à se saisir de ce nouveau principe de réalité du Vivre Ensemble. Tenter de prolonger une fiction dans bien des domaines pourrait transformer ce retour opportun des peuples en un "choc de civilisation citoyen". Toute l’actualité récente illustre tous ces paramètres sociologiques en mutation.
Suite à la grande manifestation du 13 Août dernier en Israël, un sondage rendu public indiquait qu’une très grande majorité de la population (88 %) soutiendrait durablement ce mouvement. Un tel score reste sans précédent en Israël, étant entendu que 58 % de la population se dit prêt à participer prochainement à des manifestations. La crise naissante n’est donc pas que sociale. Gardons que personne ne s’étonne encore que ce pays se soulève aussi, sans insister sur sa place particulière dans notre civilisation, sa situation autant que sa genèse (sans jeu de mot) tellement signifiantes.
L’étonnante épidémie de « révolutions » dans le Grand Maghreb n’en finit pas de voir les anciens microbes persister. Les peuples (de Libye, d’Egypte…) ressentent de façon diffuse que derrière la mise à l’écart de leaders longtemps soutenus ou mis en place par l’Occident, la même « Histoire » se prolonge. Le chantage à l’Islamisme radical est sensé atténuer les exigences légitimes des peuples. La Syrie n’est pas sans laisser courir le danger d’autres clivages raciaux ou religieux. Le Christianisme, et à travers lui l’Occident, se retrouveraient au centre même du déchirement Syrien.
Si la fiction n’est pas sans parasiter le traitement de l’information (notamment Financière) dans nos pays occidentaux, des Temps différents viennent se superposer dans le déroulement de tous les événements du grand Maghreb, et de façon plus essentielle encore pour Israël et la Syrie. Alors que l’Europe colmate provisoirement ses comptes et frontières pour maintenir la fiction de son existence même, la réalité historique et civilisationnelle la plus fondamentale remonte au coeur du Moyen Orient. La crise occidentale initialement définie comme économique plonge les pays concernés dans une survie « au jour le jour » du fait du monde parallèle de la spéculation. Le monde global traverse donc une phase assez irrationnelle, voire, irréelle dans le ressenti. Le berceau de notre civilisation vient à contrario nous rappeler à notre essentiel, notamment celui d'une démocratie réelle. Hélas, tout ceci s’exprime de toute part dans le rapport de force. Nous y reviendrons.
Face à la pression des peuples, tous les dirigeants semblent, ou répondre à un niveau inapproprié en subissant totalement les événements, ou tenter de prolonger un monde qui n’existe plus. Ainsi, un peu tard, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou se montre ouvert à reconsidérer son ultra-libéralisme au travers d’une énième commission. La mobilisation de son peuple, d’un niveau historique, notamment à Tel Aviv (300 000 personnes rassemblées) le 6 août, traduit un ancrage national aux motivations diverses, outre le niveau social. L’affaiblissement actuel des Etats Unis.(se punissant eux même d’une très mauvaise notation), les « révolutions » du Grand Maghreb, le soulèvement Syrien si périlleux, tout cela ne peut que provoquer une multi crise israélienne.
Pou trouver la même disjonction historique entre un dirigeant et son peuple, la Grande Bretagne recouvre un profil bien indiqué. Oubliant que la jeunesse précède souvent l’ensemble du peuple dans le soulèvent, le premier ministre David Cameron déclare ainsi en réaction aux révoltes récentes « Nous allons restaurer la société morale ».Surtout, il dénonce « la part malade de l'Angleterre ». Alors que l'Angleterre compte ses classes pauvres croissantes et plongées dans la misère a perpétuité, détenant le chiffre record des familles où personne n'ayant jamais travaillé, où l'on est chômeur de père en fils, 7 % de la population active étant mise en longue maladie, 25 % des jeunes se trouvant au chômage dans les quartiers déshérités de Londres, la moitié des familles y vivant sous le seuil de pauvreté…il est clair que tout cela n’est plus très moral. En effet la société internationale est « malade », suite à une fracture confrontant une minorité ultra privilégiée et une ultra majorité plus ou moins misérable.
Inversant les termes de son diagnostic autant que la réponse adéquate, David Cameron dit ne pas exclure de recourir à l'armée, dans l’hypothèse de soulèvements plus conséquents, autant dire, celui de toute la population plus ou moins pauvre. Il précisa même que « certains enfants grandissent en ignorant la différence entre le bien et le mal ». Ce jugement ne concernerait-il pas plus largement nos sociétés ? Demander à des peuples toujours plus de privation pendant qu’une minorité s’accorde tous les privilèges et plus encore ? Etre surpris de voir la jeunesse réclamer un peu du luxe ou confort qu’une minorité déconnectée de toute réalité affiche sans la moindre gène ? Nous touchons ici à la disjonction de réalité évoquée précédemment. Une minorité évolue dans ce qui ne peut être qu’une fiction pour les trois quarts du peuple. Nos démocraties devront-elles recourir à l’armée pour maintenir une sorte de caste vivant une fiction idéale dont le peuple serait exclu ? Ici, le maintien d’une fiction. Ailleurs, vers le Grand Maghreb ou la Syrie, utiliser aussi l’armée, pour maintenir le peuple dans une sorte de moyen âge social et légal. Partout, la menace de la force contre le peuple. Partout une société non viable dans sa dualité outrancière.
Hélas, certains dirigeants savent cliver leur peuple pour régner quelques temps encore. En Grande Bretagne, une pétition électronique fût ainsi lancée pour déchoir cette jeunesse en manque de luxe ou du minimum vital, de ses droits sociaux, voire, civiques. Bientôt, seuls les plus riches pourront disposer du droit de vote. Démocratie ou régression ? La pétition "populiste" recueillait plus de 160 000 signatures en quelques heures. La guerre entre plus ou moins pauvres va-t-elle commencer ? Il n’est pas dit qu’elle assure durablement la paix à la minorité plus que privilégiée représentée par son oligarchie. Quand la pauvreté devient majoritaire, le système faussement "représentatif" ne saurait perdurer. Toujours est-il que l’argent roi érigé en seul modèle de « réussite » par une caste minoritaire, voyait celle-ci rejoindre cette jeunesse dans un même culte matérialiste et financier. Outre la dualité entre fiction et réalité, l’Histoire indique souvent la direction à suivre ou le stade d’évolution d’une société.
Le récent cinquantenaire de l’édification du Mur de Berlin semble avoir parlé fort, trop pour que nous choisissions de ne pas l’entendre. Chacun commence à ressentir la nécessité de faire tomber d’autres murs, d’abord celui de la folie financière, et peut être celui d’une Europe à marche forcée. Celui de Berlin tombait en 1989 voyant l’essentiel de cette muraille de béton disparaître. Sur ses 155 kilomètres initiaux on laissa en place 1200 mètres le long d’une rivière. Telle est l'East Side Gallery, recouverte d’œuvres d'artistes du monde entier. L’Art aurait une fonction trop ignorée de nos jours. Ce bout du Mur serait-il le reflet de tous les autres murs, ceux qui enferment tant de millions d’être humains dans la misère matérielle, morale et spirituelle ? Les « murs » de Facebook en disent long aussi sur l’isolement de la société numérique, voire, de la société moderne globale. Mais revenons à notre réflexion, de la fiction à la réalité, jusqu’au « récit » de l’information.
La conjoncture internationale évoquée ne peut perdurer quelques temps encore que par l’émergence d’une nouvelle « information », de la rumeur à la scénaristique croissante des faits. De façon exemplaire, la rumeur faillit ainsi faire basculer récemment le sort d’une banque française, la Société Générale. Le nom même de cet établissement parle par lui même. Cela traduisait l’imprégnation croissante de la fiction dans le monde réel. Un article du tabloïd britannique Mail on Sunday a été à l'origine d'une fausse information faisant dévisser l'action boursière de la Banque. Souvenons nous, on affirma d’abord fin juillet que cela provenait des pages du quotidien Le Monde voyant « Philae » décrire un jeu de rôle entre deux traders menant à un complot contre Angela Merkel et l'euro. Ce récit imaginaire se situait dans un futur hypothétique, en veille des élections législatives françaises de Mai 2012. Même si le directeur délégué des rédactions du Monde Serge Michel affirma rapidement qu’il n’existait « aucun lien entre cette fiction estivale et la cotation en Bourse de la Société Générale », l’enchaînement irrationnel de la rumeur persistait. Au niveau de la spéculation boursière, des économistes sérieux parlent de « prophéties auto réalisatrices » tendant à faire d’une rumeur une vérité induisant des placements et comportement. La "Main invisible" porterait des gants blancs pour écrire sa fiction.
Ainsi, l'Agence France presse prétendît qu'un bruit avait couru dans les salles de marchés affirmant que cette série estivale fictive inspira les journalistes du Mail on Sunday, l'édition dominicale du Daily Mail, pour un article catastrophiste paru le dimanche suivant. Dans ce papier Simon Watkins et Dan Atkins présentaient la Société Générale comme « au bord de la faillite après de terribles pertes dues à son exposition sur la dette grecque ». Puisque Le Monde démentit rapidement avoir été l'inspirateur des journalistes britanniques, le lien fait entre deux articles serait du à un canular répandu par une journaliste, puis projeté sur les réseaux sociaux. La société générale du spectacle et de l'audimat rentable. Le Mail on Sunday affirma qu'il n'était pas au courant de l'existence de l'article du quotidien français. Le Daily Mail retira le fameux article reconnaissant que tout était basé « sur de fausses informations ». Gardons que ce récit vît le sort de la Société Générale céder sa place à l’enquête sur l’origine des publications. L’information, ses sources et ses personnalités, tout cela devient de plus en plus le thème favori d’une certaine presse. Une sorte de prolongement de la fiction croissante de « l’actualité ».
Comme un clin d’œil bien tragique du sort François-Xavier Leuridan, autoproclamé « FX » depuis sa participation dans Secret Story 3, l'émission de télé-réalité de TF1, semble s’être suicidé à 22 ans sur une route de Loire-Atlantique, Après audition des quatre témoins de l'accident, le substitut du procureur de Saint-Nazaire, Sylvie Morin, a indiqué que le jeune homme de 22 ans s'était en effet jeté sous les roues d'un véhicule, quelques minutes après qu'une première voiture parvînt à l'éviter de justesse. Il sortait tout juste d’une dépression. Ce tout jeune homme ex jouet de l’audimat aura peut être confondu le monde de l’image et le monde bien réel. Veillons à ne pas sombrer dans la même confusion alors que la Téléréalité semble gagner le compte rendu du monde bien réel.
Alors que la notion de « règle d’or » venant contraindre constitutionnellement tout gouvernement à une certaine rigueur budgétaire est sans cesse évoquée, il n’est pas exclu qu’il nous faille étendre le respect de certaines limites dans bien d’autres domaines, dans une recherche d’éthique. Qu’il s’agisse du devoir de partage assurant seul la permanence civilisée d’une vie communautaire, de l’accès requis à la démocratie réelle ou de la lutte désormais nécessaire contre l’accroissement de la fiction et du virtuel en lieu et place de la réalité. Alors qu’une caste dirigeante oligarchique « dort » dans sa dissociation aveugle de la société réelle, que partout le peuple semble de retour, souhaitons que cette notion de règle d’or soit florissante.
Imposons nous donc sans attendre une « règle d’or » pour le déficit démocratique, afin que rien ne dissuade le retour opportun des peuples.
Guillaume Boucard
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