Une victoire pour les démocrates, une victoire pour la démocratie !
Deux électeurs sur trois ont voté lors de cette élection présidentielle américaine. Autant que l’élection d’une personne de couleur à la tête du plus puissant pays du monde, ce chiffre est le symbole d’un renouveau démocratique.

Les Américains vivant à Paris n’ont que ce mot pour décrire leur sentiment à l’issue de ce scrutin historique : Fierté. Pour la première fois depuis de si nombreuses années, une immense majorité d’Américains, dans ce pays si nationaliste, sont de nouveaux fiers d’être Américains. Fiers d’avoir votés, fiers d’avoir votés pour un candidat Noir, chose impensable il y a un an, fiers de pouvoir de nouveau se dire Américains sans susciter méfiance ou honte, fiers de réintégrer « le clan des bons ».
Cette élection, pour une grande majorité d’Américains, et finalement bien au-delà, c’est une immense bouffée d’oxygène. Pour ceux d’entre-nous qui côtoyons journellement des Américains, cette élection c’est d’abord cela, cette lumière rallumée dans leurs yeux, au-delà du soulagement, de l’espoir, la fierté.
Peu de Français ont pu imaginer la blessure que les années Bush ont infligée à tant d’Américains. Cette honte permanente. Pour un peuple qui se voulait exemplaire en matière de démocratie, cette marque infamante était devenue insupportable. En votant aussi massivement (il faut se souvenir qu’une élection présidentielle américaine ne mobilise jamais plus de 50 % de l’électorat en temps normal), une majorité d’Américains ont voulu effacer ces pages sombres. Et avouons-le, ils ont réussi au-delà de toute espérance.
Les relations entre la France et les États-Unis sont faites d’amour et de haine. D’amour et de reconnaissance pour leur aide pendant les guerres, d’amour pour leurs artistes, leur combat pour la liberté. De haine pour ces pages sombres de leur histoire, leur arrogance, leur moralisme. Ce 5 novembre 2008, en un vote, les Américains ont renoué avec ce que nous admirons chez eux, leur incroyable capacité à rebondir, à dépasser leurs limites, à franchir les tabous. Ce 5 novembre, beaucoup de Français sont aussi fiers des Américains, et ont un peu honte de ne pas avoir su, nous qui sommes aussi donneurs de leçon en matière de démocratie, écrire une telle page d’histoire.
L’importance de cette victoire de Barack Obama a été largement analysée.
Importance pour les États-Unis eux-mêmes bien sûr. Mais aussi importance symbolique, importance psychologique, importance internationale.
Pour les États-Unis, cette élection aura sans doute pour conséquence la plus durable le renouveau de la cour suprême. Celle-ci était devenue, à la faveur des mandats de George Bush, un instrument pour imposer une morale. Elle va redevenir le garant de la démocratie, rôle qu’elle n’aurait jamais dû perdre.
A court terme, cette élection va redonner le moral et l’espoir à de nombreux Américains, et pourrait avoir des conséquences favorables sur la crise économique. Car cette crise a des facteurs psychologiques importants, bien au-delà de ses aspects financiers. Et une reprise précoce aux États-Unis aura bien sûr des répercussions internationales majeures.
A moyen terme, cette victoire d’Obama aura bien sûr des conséquences diplomatiques importantes. Et ouvre des perspectives de détente encourageantes, même si la complexité des problèmes, notamment au Moyen-Orient, ne permet pas d’envisager des solutions rapides.
Mais d’une certaine façon, en tournant la page, les Américains font entrer le monde dans le XXIe siècle, redistribuent les cartes, ouvrent de nouvelles perspectives. Et c’est bien cela qui est le plus important, et laissera des traces.
Pour la France, et pour notre classe politique, cette élection est aussi une leçon. La victoire d’Obama est due à trois facteurs essentiels :
· la personnalité d’Obama, un charisme exceptionnel et surtout sa capacité à incarner le rêve américain. Cet élément n’est pas transposable, il est propre aux États-Unis, mais constitue un élément-clé de sa victoire ;
· une organisation de campagne sans faille. Levée de fonds sans précédent, quadrillage du terrain extraordinaire, maîtrise d’internet, réunion des meilleurs experts du moment pour définir un programme convaincant, cette campagne fut un modèle du genre. Beaucoup de nos politiques ne s’y sont pas trompés, qui ont envoyé de nombreux représentants analyser ces méthodes. Mais, pour réussir, cette organisation reposait sur un élément dont ni le PS ni l’UMP ne disposent : un enthousiasme populaire extraordinaire ;
· enfin, et surtout, l’espoir. Obama a su redonner un espoir à une population désespérée. Il l’a fait en martelant un message : ensemble, nous sommes forts, ensemble nous pouvons. Un message de réunion et non de division. Obama n’était pas le candidat des Noirs, des démocrates, des pauvres, des intellectuels : il était le candidat des Américains. Un message que ne renierait pas un certain François Bayrou, mais porté avec une incroyable force.
Les mois qui viennent présentent un formidable défi au futur président américain : il ne peut décevoir, alors qu’il héritera d’une situation économique, sociale et diplomatique terriblement dégradée. Mais l’aspect symbolique de la victoire d’Obama et la mobilisation exemplaire des Américains dans cette élection ont fait au moins un gagnant : la démocratie.
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