Etats-Unis d’Europe et Union Transatlantique
Depuis les Grandes Découvertes du « Nouveau Monde » de la fin du 15ème siècle, des liens ténus existent entre l’Amérique et l’Europe. La Révolution Française et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ont été influencées par la Révolution Américaine et ses guerres d’indépendance de la fin du 18ème siècle. Au 19ème siècle, à plusieurs Congrès de la Paix, Victor Hugo exprime l’idée d’Etats-Unis d’Europe modernes, sans frontières intérieures (
http://pagesperso-orange.fr/lesartistes/Victor_Hugo.html : Victor Hugo - "Un jour viendra", discours prononcé le 21 août 1849 lors du Congrès de la paix ; "L’avenir de l’Europe"Lettre aux membres du Congrès de la Paix, à Lugano, 20 septembre 1872). Cette idée d’Etats-Unis européens date du 16ème siècle (
http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l%27Union_europ%C3%A9enne ).
Nous aurons ces grands Etats-Unis d’Europe, qui couronneront le vieux monde comme les Etats-Unis d’Amérique couronnent le nouveau. Nous aurons l’esprit de conquête transfiguré en esprit de découverte ; nous aurons la généreuse fraternité des nations au lieu de la fraternité féroce des empereurs ; nous aurons la patrie sans la frontière, le budget sans le parasitisme, le commerce sans la douane, la circulation sans la barrière, l’éducation sans l’abrutissement, la jeunesse sans la caserne, le courage sans le combat, la justice sans l’échafaud, la vie sans le meurtre, la forêt sans le tigre, la charrue sans le glaive, la parole sans le bâillon, la conscience sans le joug, la vérité sans le dogme, Dieu sans le prêtre, le ciel sans l’enfer, l’amour sans la haine. L’effroyable ligature de la civilisation sera défaite ; l’isthme affreux qui sépare ces deux mers : Humanité et Félicité, sera coupé. Il y aura sur le monde un flot de lumière. Et qu’est-ce que c’est que toute cette lumière ? C’est la liberté. Et qu’est-ce que c’est que toute cette liberté ? C’est la paix.
Victor Hugo "L’avenir de l’Europe"Lettre aux membres du Congrès de la Paix, à Lugano, 20 septembre 1872
Dans les années 1940, au cours de la Seconde Guerre Mondiale, les Etats-Unis font le Projet d’une « Grande Zone » qu’ils dirigeraient. George Orwell a décrit de telles Zones (Oceania et Eurasia) dans son Roman 1984 qui devait s’appeler initialement 1948. Dans cette perspective et avec le contexte géopolitique de Guerre Froide, l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) est créée le 4 avril 1949 (texte du Traité :
http://mjp.univ-perp.fr/defense/otan1949.htm ). L’article 2 du Traité élargit l’OTAN aux question économiques : « Elles [les Parties] s’efforceront d’éliminer toute opposition dans leurs politiques économiques internationales et encourageront la collaboration économique entre chacune d’entre elles ou entre toutes ». Eliminer toute opposition, toute barrière économique, absence de protectionnisme déjà.
Dès son arrivée au pouvoir en 1958, Charles de Gaulle entame, avec les présidents américains Johnson puis Kennedy, un processus de retrait de la France de l’OTAN, mais pas un retrait de l’Alliance Atlantique. Ce retrait a lieu le 28 octobre 1966 après son annonce le 7 mars 1966 (
http://www.charles-de-gaulle.org/article.php3?id_article=1070 ). De Gaulle percevait l’OTAN déjà comme une Institution d’intégration économique mais aussi politique qui faisait de ses membres plus des « vassaux » des Etats-Unis que ses « alliés » souverains. C’est pourquoi il était réticent à l’entrée de la Grande-Bretagne, trop Atlantiste, dans le Marché Commun.
Années 1990
Année 1995
En 1995, Bill Clinton et le président de la Commission européenne Jacques Santer signent, à Madrid, un « Nouvel Agenda Transatlantique » avec un projet de Grand Marché Transatlantique à l’horizon 2015.
Année 1998
Le 18 mai 1998 à Londres, lors d’une rencontre UE-US, un « Partenariat Economique Transatlantique » est proposé en faveur de l’ouverture des Marchés et la suppression des entraves dans le commerce et les investissements. La France dit non (Chirac, Jospin et Védrine) à ces velléités d’intégration économique, à une Europe Atlantiste, sous influence, et dont la finalité n’est plus continentale. Le Royaume-Uni relance le processus : un « Agenda Economique Positif » sera signé en 2002. Des accords de reconnaissance mutuelle (ARM) sont signés en novembre 2005 par les ministres de l’Economie UE-US. Une harmonisation des réglementations est initiée (vin, sécurité alimentaire). En juin 2006, accords sur l’enseignement supérieur et l’enseignement professionnel.
Années 2004 et 2005
Parallèlement à ces efforts Atlantistes, l’Union Européenne s’élargit et doit adapter ses institutions. Elle se dote d’une Constitution (Traité de Rome de 2004) que l’on rend, sans le dire alors aux citoyens européens, compatible avec l’idée (non exprimée) d’un Marché Commun Transatlantique UE-US qui préfigure peut-être une Union Transatlantique Politique. Cette Constitution doit être adoptée à l’unanimité par les Etats membres. Trois pays disent « non », dont la France. Cette Constitution étant historique et avec de grands enjeux pas toujours exprimés, Chirac choisit un vote par Référendum : 55% des Français, souverains, disent non à la Constitution qui continue de leur enlever de la souveraineté. Le processus européen est bloqué et le projet d’un Marché Transatlantique sans aucunes barrières.
Arrivé au pouvoir en mai 2007, le Président français Sarkozy veut débloquer le processus européen et le Grand Marché Transatlantique : il propose, en décembre 2007, une Constitution Européenne simplifiée et modifiée, appelée « Traité de Lisbonne », pour éviter ces blocages. Soulignons un possible symbole : les découvreurs du Nouveau Monde Américain sont partis de Lisbonne. Trois pays ont dit « non » à ces projets ? Une minorité de blocage de 4 pays est introduite, ainsi qu’un vote non plus à l’unanimité mais à la majorité qualifiée. Ce nouveau mode de gouvernement s’appliquera en 2014 si le Traité de Lisbonne est adopté en 2009 par tous les Etats membres. Les parlements nationaux français ont autorisé le 14 février 2008 la ratification de ce Traité par le Président Sarkozy (qu’il a signé le 13 décembre 2007), après avoir révisé certains articles inadaptés de sa Constitution (article XV au sujet de la primauté du droit interne). La Constitution de l’Irlande l’oblige à un référendum, suffrage universel et direct. Les citoyens irlandais ont dit « non » en 2008. L’Europe leur demande de revoter le même texte avant novembre 2009. Rien n’est donc fait. Un nouveau « non » bloquerait le processus. Le vote sera-t-il régulier ?
Années 2007 et 2008
Le 30 avril 2007, dans l’ombre des élections présidentielles françaises, l’allemande Angela Merkel, le président de la Commission Européenne Barroso et le Président américain George Bush signent à la Maison-Blanche un accord-cadre sur un Grand Marché Transatlantique à l’horizon 2015 ou 2017 (cf
http://ec.europa.eu/external_relations/us/sum04_07/framework_transatlantic_economic_integration.pdf ). Une nouvelle institution UE-US consultative est créée : le Conseil Economique Transatlantique. Divers membres permanents se rassemblent deux fois par an avec un forum des groupes d’intérêts, et divers groupes de dialogues : Dialogue transatlantique des législateurs (DTL), Dialogue transatlantique des consommateurs, etc (
http://www.pourlarepubliquesociale.org/prs/images/stories/AdL/p6_ta_2008_0192_fr.pdf , article 45). Ce Conseil économique compte parmi ses membres permanents le Haut Représentant de la Commission Européenne ou son vice-président. Selon le Canard Enchaîné (n°4615 du 8 avril 2009, page 7), Sarkozy ne s’opposerait pas à la réélection de Barroso à la présidence de la Commission Européenne si celui-ci acceptait de prendre Michel Barnier comme Vice-Président. Un français pourrait donc être présent au Conseil Economique Transatlantique et suivre la préparation discrète, voire furtive pour les citoyens européens (et américains ?), de ce grand Marché Transatlantique. Pourtant ce Conseil Economique Transatlantique est en lien avec le Parlement Européen (et le Congrès Américain), lui-même en lien avec les Parlements nationaux des Etats membres.
L’Assemblée Nationale possède une Assemblée Parlementaire AP-OTAN avec une Commission politique comprenant une « sous-commission sur les relations transatalantiques ». L’Assemblée nationale a aussi une Commission des Affaires Etrangères. Ont-ils communiqué sur la préparation d’un Grand Marché Transatlantique, sur la création d’un Conseil Economique Transatlantique ?
Années 2008-2009
Plus de soixante dix députés européens français de tous les partis ont été élus en 2004 pour la période 2004-2009 du Parlement européen. Ils sont censés représenter les citoyens. Certains, devenus porte-parole de partis, ont même participé aux débats et votes sur ces projets Transatalantiques sans éveiller l’opinion publique, citoyenne.
Nos Partis français, nos parlementaires français et européens ont-ils communiqué sur ce qui suit ?
Pourtant, Benoît Hamon, devenu Porte-Parole du PS français et qui se dit très à gauche, a pris part aux débats la veille sur ces projets libéraux. Les articles intéressants sont : 17, 43, 44 et suivants. Même les députés communistes n’alertent pas assez les citoyens. Serait-ce la faute aux Médias ?
- la Proposition des députés européens pour un Conseil Politique Transatlantique (article 9) et une Assemblée Transatlantique (article 10) et justifiant économiquement la création d’un Grand Marché par un PIB UE-US égal à 50% du PIB mondial, ce qui ferait de ce Grand marché une sorte de premier actionnaire mondial (article M)
Pourquoi de tels silences, médias compris, une telle censure pour les citoyens européens depuis le « non » de 2005 à au Traité de Rome (Constitution Européenne) ? Pourquoi les citoyens sont-ils sanctionnés par une telle censure quand ils ont exprimé librement et souverainement leur opinion ? Pourquoi l’Union Européenne n’a-t-elle pas prévu de « plan B » et s’obstine dans un Projet européen intégré à un projet Atlantiste – refusé par les citoyens européens – qui dénature l’idéal Européen ? L’Europe, ni mûre ni unifiée politiquement donc vulnérable, intègrerait une Union Transatlantique où les américains seraient en position de force et « étoufferaient » tout développement européen. Le Traité de Lisbonne a été voté par les parlements et non plus par référendum, sauf l’Irlande qui a dit « non » et s’apprête à revoter. L’Union Européenne est devenue une démocratie indirecte, l’Europe des parlements primant sur l’Europe des citoyens, des peuples. Le « Manisfeste du PSE » affirme qu’avec l’application du Traité de Lisbonne, l’Europe sera « plus démocratique, plus transparente, plus efficace ». (introduction, cf
http://elections2009.pes.org/files/u1/ManifestoBook_FR_Online_0.pdf). Plus démocratique car plus indirecte ? Plus transparente pour les citoyens ? Plus efficace grâce à une minorité de blocage relevée et un Marché dérégulé ? Et dans ce faux relativisme, qu’est-ce qui prime ? L’efficacité sur la démocratie et la transparence. On retrouve ce faux relativisme sur les piliers de l’Europe cités par Jacques Delors en 2009 : compétition, coopération, solidarité. Pieuse déclaration. Mais qu’est-ce qui prime ? La compétition. Idem pour l’Union Transatlantique avec une reconnaissance mutuelle UE-US. Mais dans les faits, qui prime ? Les US…
Plus largement pourquoi voter pour des députés européens français, des députés français, des partis français et européens qui, tous, ne rendent plus compte de tous les (faux) débats ? L’Europe des parlements semble primer sur l’Europe des citoyens. Là est la rupture : le clivage et l’alternance ne sont plus droite-gauche puisqu’ils s’accordent à être silencieux. Le clivage devient citoyens/institutions. Un divorce existe entre le « pouvoir » (politiques, lobbies) et les citoyens, en Europe comme en France. Le « pouvoir » ne pense plus d’abord aux citoyens, il est aux mains « d’usurpateur » (terme de Marx dans le Capital). C’est pourquoi le peuple est sacrifié, sans défense : socialisation des pertes financières, privatisation des profits, etc.
En mars 2009, peu avant le 60
ème anniversaire de l’OTAN, le Président Sarkozy fait rentrer la France dans l’OTAN, sans pour autant avoir la possibilité de suivre officiellement les stratégies nucléaires (dissuasion). Les motivations qui poussent le néoconservateur français Sarkozy à réintégrer la France dans l’OTAN sont les mêmes raisons, les mêmes carintes qui ont fait que De Gaulle la quitte : collaborer à une couverture de l’impérialisme américain. « Certes, il est bon que ces institutions (ndlr : l’OTAN) existent, et nous avons souvent avantage à en faire partie. Mais si nous avions écouté leurs apôtres excessifs, ces organismes où prédominent, tout le monde le sait, la protection politique, la force militaire, la puissance économique, l’aide multiforme des États-Unis, ces organismes n’auraient été pour nous qu’une couverture pour notre soumission à l’hégémonie américaine. Ainsi, la France disparaîtrait, emportée par les chimères. » (extrait du discours de De Gaulle du 28 octobre 1966, cf
http://www.lepoint.fr/actualites-politique/2009-03-17/regardez-1966-quand-de-gaulle-prenait-ses-distances-avec-l-otan/917/0/234943)
Ainsi, la préparation d’une Europe Atlantiste et libérale continue, ainsi que le projet tenu secret d’Union Transatlantique où l’Union Européenne et les USA feraient tomber les derniers obstacles pour un Marché libre, dérégulé, sans protectionnisme. Au moment de la Crise… De fait, ce serait une vassalisation d’une Europe adolescente : malgré les accords de reconnaissance mutuelle, l’impérialisme américain dominerait, menaçant l’identité de l’Europe, nivelée et appauvrie culturellement par le libéralisme. Les mesures du G20 de Londres (avril 2009) sont un petit pas en arrière avant de nouveaux pas en avant plus nombreux. Le Silence général des politiques depuis 2004 sur la question est inquiétant : le clivage gauche droite n’existe plus. Un clivage citoyens/institutions-lobbies est développé et amène, avec la Crise, une possible alternance où les citoyens reprendraient la main. La Crise n’est pas seulement Financière et sociale, mais politique, éthique et morale où l’homme n’a plus sa place, ainsi que bientôt les « finalités sociales, sanitaires, culturelles ou environnementales » (Résolution du Parlement Européen du 8 mai 2008 sur le Conseil économique
Yann
Pour aller plus loin sur ce projet de "World Company" :
Historiques
discours de De Gaulle du 28 octobre 1966, motifs de sortie de l’OTAN, avec son texte :
objectifs de Merkel :