Venezuela : Ce malade qui nous gouverne
Nul ne doute, au Venezuela ou ailleurs, que la maladie de Hugo Chávez marque un tournant pour le pays. Quoi qu'il arrive, le cancer dont il souffre crée une nouvelle donne dans le jeu politique vénézuélien. Le temps des incertitudes est arrivé, il ouvre de nouvelles perspectives.
Jugez-en : d'ici quelques semaines, quelques mois (l'incertitude déjà...), Hugo Chávez pourrait reintégrer son poste plus fringant que jamais, en héros capable de tout vaincre, même le cancer. Ou bien pourrait être tout simplement éliminé de la scène politique nationale, laissant un vide immense autour de lui –et pas seulement du côté de ses partisans. Dans les deux cas, c'est une nouvelle dynamique qui s'instaurerait. Dans un cas, la lente dégénérescence du mouvement bolivarien que l'on pressent depuis quelque temps serait enrayée. Dans l'autre, les opposants reprendraient du poil de le bête. Tout s'accélèrerait, dans un sens ou dans l'autre.
Nouvelle dynamique
Déjà actuellement, les manifestations de soutien des partisans du président, soudés autour de leur chef, créent une nouvelle dynamique populaire du côté du chavisme : un nouvel élan dans un processus qui en manquait. Chávez théâtralise sa maladie pour remobiliser ses troupes, raille-t-on du côté de l'opposition. Parallèlement, au sommet du pouvoir, une dynamique nouvelle s'enclenche aussi : des mouvements tactiques se produisent, dit-on, au sein de Parti Socialiste Unifié du Venezuela, dans le but de bien se placer dans le cas où s'ouvrirait une ligne de succession.
Les opposants ne sont pas en reste, même si la maladie du président les gêne aux entournures. En effet, il serait pour eux de mauvais goût de se réjouir trop ouvertement de la situation difficile dans laquelle se trouve leur adversaire (tout en ne se privant pas de le faire en privé, toutefois). Pour utiliser un euphémisme, disons qu'ils restent aux aguets de la moindre information qui pourrait provenir de l'entourage politique et médical de Hugo Chávez. Et ils ne lésinent aucunement dès qu'il s'agit de diffuser de la désinformation à ce sujet.
Le vrai front est ailleurs
Car si la bataille de Chávez contre le cancer est bien réelle, le vrai front est ailleurs : autour de la bataille informative qui se joue à propos de la situation médicale du président. D'un côté, le président et ses proches adoptent une ligne résolument optimiste, symbolisée par le nouveau slogan Venceremos y viviremos [Nous vaincrons et nous vivrons] qu'utilise maintenant Hugo Chávez à la fin de ses interventions, en lieu et place de Patria, Socialismo o Muerte [Patrie, socialisme ou mort] –un changement révélateur. Quelle autre ligne pourraient-ils d'ailleurs adopter ? Il serait pour eux politiquement dangereux d'agrandir la brèche qu'a déjà ouverte l'annonce de la maladie du président.
En face, les adversaires tentent de décrypter les messages subliminaux qui permettraient de déceler le degré de gravité de la maladie, et donc d'établir une stratégie en fonction des faibles signaux reçus. Leurs mentors, faut-il le dire, se trouvent aux États-Unis, du côté de la droite dure. Et notamment autour de Roger Noriega, qui fut ambassadeur des États-Unis devant l'OEA et sous-secrétaire d'État aux affaires de l'hémisphère occidental sous George W. Bush.
Proche de ce dernier, le groupe Interamerican Security Watch affiche ouvertement sur son site web une page intitulée Chavez Health Watch. En bonne place y figure une vidéo dans laquelle Roger Noriega affirme que « les jours de Hugo Chávez sont comptés » et fait ses recommandations à l'opposition (en anglais et en espagnol). Ces informations-là, vraies ou fausses, sont amplement reprises dans la presse nationale d'opposition. Elles font partie du jeu politique actuel, qui voit deux adversaires s'affronter à coup d'informations et de désinformations sur la santé du président, sans trop savoir vers quoi ils se dirigent.
En suspens
Le maître-mot reste donc l'incertitude : subitement, le temps s'est mis en suspens dans le Venezuela bolivarien. Mais tout pourrait s'accélérer d'un moment à l'autre. Chavisme et opposition vont devoir désormais jouer avec cette nouvelle réalité.
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