Venezuela, entre aspirations démocratiques et ingérences
Les événements récents au Vénézuéla me laissent une impression désagréable de vassalisation de la France vis-à-vis des Etats-Unis...
Certes, depuis l'accession au pouvoir de Nicolas Maduro en 2013, son bilan est incroyablement mauvais.
L'économie du Vénézuéla s'est littéralement désintégrée (récession à 2 chiffres, et inflation hallucinante de 1 000 000 % en 2018).
Certains argueront qu'on ne peut pas imputer à Maduro la dépendance chronique du pays vis-à-vis du pétrole, ni la baisse des cours depuis 2014.
Il reste néanmoins en partie responsable de certains choix économiques désastreux (« planche à billets » fonctionnant à plein régime ; effondrement de la production de pétrole depuis 2015).
En outre, à plusieurs reprises, Maduro a modifié à son avantage la constitution du pays ; au point que sa réélection en 2018 est au minimum contestable, de sorte qu'il a perdu tout ou partie de sa légitimité.
L'organisation d'élections réellement transparentes serait assurément le meilleur moyen de sortir de cette crise.
Pour autant, faut-il se réjouir du soutien inconditionnel apporté par les occidentaux au président autoproclamé Juan Guaido ?
En particulier, l'activisme des Etats-Unis (et leur promptitude à reconnaître Guaido comme président – à peine 24 h !) laisse entrevoir l'ombre d'une énième opération de « regime change » orchestrée ou très fortement appuyée à Washington.
Le mécanisme est toujours peu ou prou le même :
1/ renversement d'un chef d'Etat contesté ;
2/ désignation d'un remplaçant « provisoire » (!) souvent inconnu mais « ami » de Washington ;
3/ puis organisation d'élections où ce remplaçant profite à plein de l'effet de dégagisme (et si cela risque de ne pas suffire, l'opposition liée à l'« ancien régime » est muselée, comme en Ukraine en 2014).
A mon sens, si intérim il doit y avoir, celui-ci devrait être assuré par une personnalité ou une instance neutre, c'est-à-dire réellement provisoire, et qui ne se présente donc pas aux élections.
Notons au passage que si la légitimité de Nicolas Maduro est très fortement entamée (doux euphémisme...), Juan Guaido n'en a pas plus.
Juan Guaido (ainsi que le Département d'Etat américain) s'appuient sur l'article 233 de la constitution du pays pour tenter de justifier son auto-proclamation. Or, cet article prévoit bien que Juan Guaido, en qualité de président de l'assemblée nationale, peut se voir confier la présidence du pays par intérim... mais seulement pour 30 jours, et seulement dans certains cas précis (décès, incapacité physique ou mentale, démission, ou destitution du président en exercice par le Tribunal suprême). La contestation de l'élection ne fait tout simplement pas partie des cas listés.
Juan Guaido n'est pas plus habilité que n'importe quelle autre citoyen à contester l'élection de 2018 ; de même qu'il n'est pas plus légitime à se proclamer président que n'importe quel Vénézuélien.
Je dirais même qu'il s'agit là d'une dérive dangereuse... Dans n'importe quel pays, n'importe qui pourrait donc considérer que le président en place est médiocre ou « mal élu », détesté, et se proclamer vizir à sa place.
En France, par exemple... nous avons eu Hollande (pour le médiocre) et maintenant Macron (pour le mal élu... PS dynamité, Fillon HS) ; tous deux très critiqués... fallait-il autoriser n'importe quel citoyen à se proclamer président à leur place ???
Ironiquement, on remarquera que si Macron pratique volontiers l'ingérence au sujet du Vénézuéla, il goûte assez peu l'ingérence italienne dans ses affaires...
Pour revenir (et conclure) au sujet du Vénézuéla, si je soutiens volontiers l'idée d'élections anticipées et transparentes, en revanche je condamne fermement l'ingérence de certains gouvernements étrangers, dont le nôtre malheureusement.
Chavez va se retourner dans sa tombe...
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