Vers un coming out de l’armée américaine
La loi Don’t ask, don’t tell interdit aux soldats américains homosexuels de dévoiler leur orientation sexuelle. Un consensus vieux de 17 ans qui est de plus en plus dénoncé comme une infraction à la liberté d’expression. Une cour de justice californienne vient effectivement de reconnaître le caractère discriminant de ce texte. Les politiques et les militaires peinent cependant à saisir les enjeux d’une mesure de plus en plus marginale.
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L’armée cherche des idées pour améliorer la situation. Une hypothèse : demander aux Marines des volontaires pour partager les chambres des homosexuels.
« La loi Don’t ask, don’t tell viole manifestement les droits constitutionnels. » C’est cette conclusion de la juge fédérale californienne Virginia Philips qui relance depuis hier les débats sur cette loi. Ce compromis que Bill Clinton avait passé en 1993 devait permettre aux homosexuels d’intégrer les forces armées américaines. Pour des raisons de sécurité, pour éviter des altercations dans les rangs mais aussi pour éviter que l’armée n’ait une image profondément intolérante, le Président américain avait accepté que gays et lesbiennes ne puissent pas dévoiler en public leur orientation.
De nombreux milieux conservateurs américains refusent en effet de voir les homosexuels s’afficher ouvertement au sein des armées. Plus pragmatiques, des officiers craignent les réactions des soldats et s’inquiètent de l’effet que pourrait avoir sur le moral des troupes des pratiques sexuelles différentes ouvertement affichées. Le secrétaire à la Défense, Robert Gates, a accepté de lancer les réflexions pour supprimer cette loi en admettant qu’il le faisait« à contrecœur ».
Le Président Barack Obama avait déclaré lors d’une conférence où des militants pour les droits des homosexuels l’avaient interpellé qu’il allait faire supprimer cette loi. « Nous savons que forcer les homosexuels et les lesbiennes à vivre une vie de mensonges ou quitter l’armée ne contribue pas à notre sécurité, elle y porte préjudice », estimait-il. L’association Log Cabin Republicans, plaignante devant le tribunal fédéral californien, a présenté des documents défendant cette thèse. Ils évaluent le nombre de militaires forcés de quitter l’armée à cause de leur orientation sexuelle à 13 500 personnes depuis 1994.
Les soldats partagés entre rejet et désintérêt.
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Le général Conway s’inquiète de la réaction des soldats s’ils apprennent la présence d’homosexuels parmi eux.
« Je peux vous dire qu’une vaste majorité des Marines ne voudraient pas partager la chambre d’une personne ouvertement homosexuelle. » Le général James Conway, commandant du corps des Marines, déclarait fin août à la presse son scepticisme sur l’abrogation de cette loi. Il fait partie de ces officiers qui s’inquiètent de l’impact sur les militaires du rang d’une telle réforme. Les soldats accepteront-ils des gays parmi eux ? Pas sur apparemment et les militaires cherchent comment bidouiller un compromis pour remplacer le compromis. Le général Conway évoque un principe de volontariat. Une démarche qui resterait profondément discriminante pour les soldats homosexuels et qui contribuerait à les maintenir à l’écart. Reste que de nombreux soldats américains sont issus de milieux au sein desquels le culte de la virilité rejette souvent ces pratiques considérées comme déviantes.
Les militaires américains inquiets de voir des homos dans leurs rangs ? Peut-être pas tant que ça : une enquête lancée par le département de la Défense n’a obtenu que de maigres résultats. A peine 27,5% du personnel s’est exprimé. Le soldats ne s’inquiètent peut-être pas tant que ça de cette démarche. En 2006, dans une autre étude de Zogby international, 37% des soldats interrogés se prononçaient contre une telle réforme. sur ceux qui ont une expérience avec des homosexuels au sein de leurs unités, 66% n’avaient pas constaté d’impact sur le travail. La méfiance vis- à-vis de l’homosexualité peut cependant rester un non-dit que les militaires craignent d’exprimer. Le général Conway estime que ses marines, tout « religieux » qu’ils soient, se conformeront à la loi. A l’échelle nationale, 78% des Américains seraient pour l’abrogation de cette loi selon un sondage CNN/Opinion research poll du mois d’août. Et si la polémique n’était que politique ?
La route à faire reste longue. Le débat est systématiquement reporté au sein du Sénat américain. Les responsables du département de la Défense savent qu’une telle réforme ne doit pas se faire trop rapidement. L’acceptation des femmes au sein de l’armée américaine avait été parfois source de problèmes et il avait fallu changer les opinions d’un milieu parfois conservateur. La pleine intégration des homosexuels va également devoir se faire en douceur. De son côté, la chambre des Représentants avait voté pour l’annulation de cette loi le 28 mai dernier. Le chef d’Etat Major des armées, l’amiral Mike Mullen, s’est également prononcé en faveur de son abrogation.
Photos : US Air Force / Staff sgt. Ali E. Flisek & DoD / R. D. Ward
Un article tiré de www.actudefense.com
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