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Accueil du site > Actualités > International > Vers une autonomie administrative du Masisi en RD Congo ?

Vers une autonomie administrative du Masisi en RD Congo ?

La République Démocratique du Congo a qualifié le vendredi 11 octobre 2013 à New York, lors de la 5ème séance de la 4ème Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies, « d’opportunité historique » le plan marocain d’autonomie au Sahara occidental. Elle a donc salué la « dynamique créée » par cette initiative susceptible de « mener à l’aboutissement d’une solution politique, juste et acceptable par tous ». À cette occasion, Jackson Bumba Vangu a affirmé que l’initiative marocaine[1] pourrait « mettre fin à la situation humanitaire extrêmement pénible des populations vivant dans les camps de Tindouf ». Sans vouloir s’immiscer dans les affaires marocaines, on ne peut que s’interroger sur les véritables motifs ayant poussé la République Démocratique du Congo à soutenir une telle initiative alors qu’elle est confrontée au même problème dans la région du Kivu.

Le Masisi dans la région du Kivu

Le Masisi, territoire du Nord-Kivu en République Démocratique du Congo, est actuellement sous le contrôle des éléments du M23 soutenus par le régime rwandais. La déstabilisation de ce territoire a pour finalité de faire fuir les autochtones et les remplacer ensuite par des populations non congolaises. D’ailleurs, le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, n’a-t-il pas récemment annoncé l’arrivée de 200 familles qu’on dit être des Congolais et qui ont illégalement traversé la frontière rwandaise pour se retrouver à Bunagana, dans la zone rebelle ? Doit-on faire un dessin pour expliquer à l’opinion qu’il s’agit purement et simplement de l’infiltration de quelques éléments de l’armée rwandaise dans le but de renforcer le M23 ? Du dépeuplement pour un repeuplement ultérieur ?

De toute évidence, ce n’est pas pour amuser la galerie que les Nations Unis se sont inquiétées mercredi 9 octobre 2013 d’informations faisant état d’un renforcement militaire de la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23). En effet, selon le chef militaire de la Monusco, le général Carlos Alberto Dos Santos Cruz, la mission onusienne dispose de « beaucoup d’informations relatives au renforcement du M23 », même si, pour des raisons que personne n’ignore, elle fait semblant d’ignorer « l’origine de ce renforcement ».

Une probable autonomie du Masisi ?

En tout cas, le représentant de la République Démocratique du Congo aux Nations Unies, Jackson Bumba Vangu, a affirmé que l’initiative du Royaume du Maroc « constitue une base de négociation pour aboutir à une solution politique et juste, d’autant plus qu’aux termes de la résolution 2099 le Conseil de sécurité s’est félicité des efforts réalisés par le Maroc »[2]. S’agit-il de créer un précédent pouvant permettre de répondre favorablement, le moment venu, aux revendications des populations rwandophones de la région du Kivu ? Cette déclaration préfigure-t-elle, en réalité, une annoncée anticipée de l’autonomie du territoire du Masisi ? Rappelons que, aux pourparlers de Kampala, le M23 revendique l’administration par ces éléments des territoires qu’il occupe. Comment peut-on ne pas appliquer chez soi ce qu’on approuve ailleurs ? Faut-il conclure que Kinshasa s’apprête à céder une portion de son territoire national ? Paul Kagamé est-il en passe de gagner son pari, à savoir la participation de la République Démocratique du Congo en vue de l’annexion du Masisi au Rwanda ? That’s the questions !

Gaspard-Hubert Lonsi Koko



[1] L’initiative marocaine d’autonomie pour la région du Sahara occidental a été créée le 11 avril 2007.

[2] Adoptée le 25 avril 2013, la résolution 2099 du Conseil de sécurité des Nations Unies avait prorogé d’un an le mandat de la Minurso sans élargissement de ses prérogatives au contrôle des droits de l’Homme.

 


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13 réactions à cet article    


  • MUSAVULI MUSAVULI 12 octobre 2013 15:15

    Lonsi Koko,

    L’autonomie du territoire de Masisi me paraît peu probable pour au moins trois raisons :
    - La première est que le M23 n’occupe pas le territoire de Masisi. Les combattants rwandais opèrent seulement dans une partie du territoire de Rutshuru, frontalier avec le Rwanda. Ils sont, globalement, entre Rumangabo et Bunagana en passant par les villes de Rutshuru et Kiwanja. Le territoire de Masisi se situe plus à l’ouest, comme vous pouvez le voir en téléchargeant cette carte du Nord-Kivu).
    - Deuxième raison : les Congolais du Nord-Kivu ne réclament pas l’autonomie, contrairement aux populations du Sahara occidental, en lutte contre le Maroc depuis 1976. Au Kivu, on sait que la moindre autonomie ouvrirait la voie à la balkanisation et à l’annexion par le Rwanda et l’Ouganda. C’est pourquoi, c’est au Kivu que vous rencontrez les nationalistes congolais les plus déterminés, et qui se battent pour le Congo les armes à la main depuis les années 1990. Au Masisi, justement, opèrent au moins deux grands groupes des mai-mai parmi les plus nationalistes. Les fameux « Nyantura » et l’APCLS (l’Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain). Ils livrent fréquemment des batailles d’une violence extrême contre les combattants rwandais et même les unités des FARDC noyautées par d’anciens combattants du CNDP, l’ancêtre du M23, comme en février dernier.
    - La troisième raison, à mon avis, est qu’une autonomie administrative ne servirait à rien. Le Nord-Kivu est en guerre. Dans une région en guerre on envoie des militaires et des armes. On n’envoie pas des secrétaires et des stylos. Ça coule de l’évidence qu’il faut d’abord régler la crise militaire et sécuritaire avant d’envisager une organisation administrative.
    Pour ces trois raisons (il y en a d’autres), l’idée d’une autonomie du Masisi me parait peu probable.

    • Gaspard-Hubert B. Lonsi Koko Gaspard-Hubert B. Lonsi Koko 12 octobre 2013 15:36

      D’accord avec vous sur un point. En effet, il s’agit bien de la partie englobant les villes de Rutshuru et Kiwanja. Le titre devrait donc être « Vers une autonomie d’une portion de la RD Congo ? ». Pour le reste, il est plutôt question de rapport des forces. La non présence de l’Etat congolais sur l’ensemble du territoire peut induire beaucoup d’autres conséquences.


    • MUSAVULI MUSAVULI 12 octobre 2013 18:16

      Lonsi Koko,

      Je crois qu’il faut faire la part des choses entre l’Etat congolais et la « nation congolaise ». L’Etat congolais c’est Joseph Kabila et les institutions actuelles de la RDC (président, parlement, autorité juridictionnelle ; et leurs administrations respectives à travers le pays). La « nation congolaise » va au-delà de cette structure politico-juridico-administrative. La nation congolaise ce sont les Congolais du pays et de la diaspora, leurs enfants d’aujourd’hui et de demain, et même leurs ancêtres. C’est une vaste dimension d’hommes et de femmes se revendiquant, globalement de l’héritage des luttes de Patrice Lumumba. Ces « gens-la » sont totalement hostiles à l’idée d’une moindre remise en question de la souveraineté de « leur pays », même pas à l’initiative de l’Etat congolais. Le Congo, vu dans cet angle, ne permet pas d’envisager la moindre initiative allant dans le sens de l’autonomie d’une partie du territoire national. Ça ne passe pas.

    • Gaspard-Hubert B. Lonsi Koko Gaspard-Hubert B. Lonsi Koko 12 octobre 2013 18:26

      Je n’en disconviens pas, cher Musavuli. Vous prêchez un convaincu. Vous avez raison sur le fond. Mais, dans la pratique, ce n’est pas ce qui se passe. Les institutions ne jouent pas convenablement leur rôle : le Parlement et le gouvernement sont domestiqués, et l’opposion n’est pas à la heurteur de ce que l’on attend d’elle. La chaîne de commandement de l’armée ? N’en parlons même pas.
      Je ne confirme rien du tout, ni ne condamne qui se ce soit. Je pause seulement quelques questions sur la position de la RDC au regard de l’initiative marocaine. Libre aux Internautes de réagir, comme vous le faites d’ailleurs, en donnant leurs points de vue.


    • MUSAVULI MUSAVULI 12 octobre 2013 18:52

      L’Etat congolais d’aujourd’hui est mondialement reconnu comme étant un fiasco monumental (la plus grande mission de l’ONU au monde) sur tous les plans (militaire, sécuritaire, économique, social, diplomatique,...) bref, sur tous les plans. C’est pourquoi la réflexion doit être menée, non pas en fonction de « cet Etat congolais », mais bien à partir, et en s’appuyant, sur la « nation congolaise ». Comment régénérer le Congo à partir de sa nation, et non à partir de son Etat grabataire d’aujourd’hui. Vaste programme !


    • Gaspard-Hubert B. Lonsi Koko Gaspard-Hubert B. Lonsi Koko 12 octobre 2013 18:58

      Exactement. C’est d’ailleurs d’ailleurs la seule façon d’éviter à la RDC le sort que certains comptent lui réserver. Raison pour laquelle le peuple congolais doit avoir le courage d’assumer son rôle de souverain primaire.


    • cedricx cedricx 12 octobre 2013 15:27
       Le Sahara occidental ex colonie espagnole est le dernier territoire d’Afrique en voie de décolonisation. Les populations sahraouies dont une partie est réfugiée en Algérie ( Tindouf ) ne demande rien d’autre depuis plusieurs décennies qu’un simple référendum d’autodétermination. Le Maroc en tant qu’occupant illégal refuse ce dernier espérant que le temps, et toujours plus de répression finira par lui être favorable. 
      Ce conflit n’a absolument rien de comparable avec celui du Kivu ni de près, ni de liin ! 

      • cedricx cedricx 12 octobre 2013 15:29

        ...ni de loin !


      • Gaspard-Hubert B. Lonsi Koko Gaspard-Hubert B. Lonsi Koko 12 octobre 2013 15:38

        Exactement. Mais la finalité peut devenir la même, pour le Nord-Kivu en RDC.


      • El_Arabi_El_Acil El_Arabi_El_Acil 12 octobre 2013 17:01

        Je m’étonne que le Congo , patrie du grand Lumumba qui a sacrifié sa vie pour l’indépendance de son pays , que le Congo de ce jour , se réjouisse d’une colonisation d’un de ses pays frères en l’occurence le SAHARA OCCIDENTAL.
        Ce serait peut-être caresser dans le sens du poil le colonisateur qui se refuse obstinément de libérer ce peuple qui campe toujours et immanquablement dans la dignité jusqu’à ce que la LIBERTE et l’INDEPENDANCE soient au rendez-vous de ses efforts.
        Le royaume voulant entraîner dans sa folie colonisatrice un pays fort , riche , ayant fait ses preuves durant sa guerre de libération , il s’agit , bien sûr de l’Algérie , qui fut , est , et restera la fierté de l’Afrique.
        Il faut préciser que l’ex roi Hassan2 avait - en son temps - conclu un troc avec l’Espagne, entendant par ce faire ignoble et traître : offrir les 2 Iles de Celta et Mila à l’Espagne ( contrats jusqu’à ce jour secrets et ignoré par le peuple du Royaume) en échange de voir l’Espagne quitter le Sakiet el hamra et Oued Dahab (Rio de Oro) au profit du Maroc.

        Le Royaume est la honte de l’Afrique et du monde libre !!!
        Le peuple Marocain gagnerait à profiter des dépenses inutiles induites de la colonisation , puisque ce sont des sommes énormes qui sont dépensées par Momo6 pour entretenir son armée.

        L’Algérie , quant à elle , fidèle à elle même , se refuse de se soumettre à la politique du jeune et inexpérimenté roi, maintient le cap en disant : «  »Il faut consulter LIBREMENT et sous les auspices de l’ONU et de l’UA le peuple Sahraoui qui se refuse de vivre sous le joug de quiconque.«  »
        Vive l’Afrique , continent de fierté et de dignité ! 


        • Gaspard-Hubert B. Lonsi Koko Gaspard-Hubert B. Lonsi Koko 12 octobre 2013 17:59

          Il n’est pas question, dans cet article, de mettre en cause la décision du Maroc au regard su Sahara occidental, mais de s’interroger sur les éventuelles conséquences de la position de la RDC par rapport à la situation en cours dans le Nord-Kivu.


        • smilodon smilodon 13 octobre 2013 14:40

          Dire qu’on aura fait du « colonialisme » un épouvantail à moineaux, sur lequel repose notre « bien-pensance » actuelle !..... Qui osera dire ce qui se passe ACTUELLEMENT, MAINTENANT, SOUS NOS YEUX, tout ce qui se passe en AFRIQUE !!..... ???..... Tous ces bateaux-cercueils qui flottent joyeusement jusqu’à nos cotes européennes !!... POURQUOI ??!!... Ils fuient quoi tous ces pauvres gens ??... Ils espèrent quoi ??!!... Y’a encore des « colons » là-bas ????!!.... La FRANCE est encore responsable des malheurs de l’Afrique, en 2013 ??!!..... Quels odieux « colonisateurs » d’ici, envoient tous ces gens à la mort ???!!...Ben non !... Ils s’envoient à la mort tous seuls, entre eux, sans nous !!.... 60 ans après la fin de la guerre d’Algérie, reconnaissons au moins une chose : c’est terrible ce qui se passe sous nos yeux !.. Terrible !... Mais y sommes-nous encore pour quelque chose ???!!.... Libérés de tous leurs « tyrans », nos amis africains ne rêvent que d’une terre !.... La NOTRE !.... Terrible constat d’échec !.. Eh oui !.... On ne peut que CONSTATER !.... Avec nous il fallait l’indépendance !... Avec l’indépendance, il faut NOUS !..... Adishatz.


          • jaja jaja 13 octobre 2013 14:58

            Foutaises...

            "Face a l’intervention française en Afrique : Combattre notre propre impérialisme


            Lundi 7 octobre 2013

            L’impérialisme français est en net déclin mais, comme le montre son intervention militaire au Mali, il continue de jouer un rôle majeur – et ô combien néfaste – sur le continent africain. Malheureusement, la grande majorité de la «  gauche de gauche  » française ne s’y oppose pas, ou de façon tout sauf conséquente…1

            La politique militaire et africaine de l’Etat français est celle d’une puissance impérialiste qui a perdu beaucoup d’envergure, qui a dû abandonner bien des positions, et qui est aujourd’hui menacée dans la principale zone d’influence qui lui reste. Une menace qui provient de l’instabilité nourrie dans le cadre de son règne  : crises de nombreux Etats clients, décompositions sociales accélérées par les politiques néolibérales, montée des radicalismes religieux… Mais aussi des ambitions présentes d’autres impérialismes «  classiques  » (Etats-Unis, Canada…) et de nouvelles «  puissances émergentes  » (ou émergées)  : Chine, Inde, Afrique du Sud…

            Outre les liens tissés depuis des décennies avec les élites locales dans ses anciennes colonies d’Afrique, Paris peut encore user et abuser de trois atouts maîtres  :

            - Le franc CFA qui, bien qu’arrimé à l’euro, demeure sous la tutelle de la Banque de France.

            - Sa présence militaire permanente sur le continent africain. Aucune autre puissance n’a dans cette région le réseau de bases et la connaissance du terrain dont bénéficie Paris – aucune autre ne peut (pour l’heure) intervenir aussi rapidement et décisivement.

            - En France même, la marginalité des résistances à notre impérialisme. Cette marginalisation de l’opposition anti-impérialiste n’est pas nouvelle, facilitée qu’elle fut par le climat d’union nationale en matière de politique africaine. Nous en avons eu de nombreux exemples, parfois particulièrement terribles, comme en ce qui concerne les complicités de l’Etat français dans le génocide des Tutsi (et le massacre de Hutus progressistes) au Rwanda.

            Nous en avons une fois encore l’illustration. Le gouvernement accentue aujourd’hui son engagement militaire en Afrique, où il conduit une guerre sous direction française (chose rare  !). Il prend une série de mesures pour préparer les interventions de demain… et le tout passe comme un «  non événement  » – même semble-t-il pour une grande partie de la gauche de la gauche.

            .....

            Impérialisme «  humanitaire  »

            Cela fait maintenant longtemps – au moins depuis la crise de désintégration de la Yougoslavie et l’Afghanistan – que nos impérialismes occidentaux s’attaquent à des adversaires détestables – qui parfois ont été leurs créatures (talibans). C’est à nouveau le cas au Nord Mali vu l’influence et le pouvoir acquis par les fondamentalistes religieux.

            Nous ne nous sommes jamais rangés pour autant du côté des impérialismes «  démocratiques  » (ni d’ailleurs de leurs opposants dictatoriaux ou cléricaux fascisants). Parce que démocratiques, ils ne le sont pas  ; pas plus qu’ils ne sont efficaces sur le terrain du combat contre les nationalismes xénophobes et les courants politico-religieux d’extrême droite […] De l’Afghanistan à l’Irak, de la Libye au Mali, on en a sans fin l’illustration.

            Confrontés à de tels conflits, nous avons toujours essayé de construire une réponse indépendante, progressiste […] Dans la mesure où ils existent, les gains engrangés à l’occasion d’une intervention «  impérialiste humanitaire  » sont éphémères – comme la réduction de la pression fondamentaliste sur les femmes, véritable dictature quotidienne. Voir en Afghanistan, par exemple, à quel point les droits des Afghanes sont attaqués par le régime mis en place à Kaboul par les Occidentaux et s’avèrent aujourd’hui négociables lors des pourparlers avec les talibans. La realpolitik de puissance se préoccupe peu des droits, fussent-ils fondamentaux.

            Nous n’avons que fort peu de prise sur le présent […] Notre responsabilité présente est donc de reconstruire, dans la durée, une capacité de solidarité indépendante, progressiste. Cette solidarité ne doit pas être seulement un acte «  de principe  », mais un engagement concret. Par exemple, dans le cas de l’Afghanistan, le soutien à l’organisation féministe progressiste Rawa  : ou à la ville de Tuzla dans le conflit yougoslave (cette ville «  solidaire  » vers où partaient les «  convois ouvriers  »)  ; ou à la gauche laïque (et pour une part marxiste) de la résistance syrienne… […]

            Tout mouvement progressiste au Mali n’est donc pas seulement confronté à la question de la domination impérialiste et des rapports de classes au Mali même, mais aussi au droit d’autodétermination de peuples du nord qui ne sont pas présents au sud.

            Les manœuvres constantes de la France au Nord ne simplifient pas les choses et brouillent à plaisir les enjeux4. Ainsi, la représentativité du Mouvement national de libération de l’Azawad pour les Touaregs est en question – sans parler des autres peuples de la région. En traitant avec le MNLA de la façon dont Sarkozy puis Hollande l’ont fait, ils l’ont rendu suspect d’ouvrir la porte à l’ancienne puissance coloniale (en vue notamment de l’établissement d’une base militaire…). Cependant, en permettant à l’armée malienne de revenir dans une grande partie du Nord, grâce à l’opération Serval, Paris se voit aussi accusé de complicité pour les exactions qu’elle y commet, notamment à l’encontre de Touaregs5 […]

            Du côté de la solidarité internationale, les priorités de départ ne se recoupent pas automatiquement suivant les liens antérieurement tissés et le point de vue initialement privilégié  : le Mali ou le Sahel. De plus, la situation des populations touarègues et l’histoire de leurs mouvements diffèrent entre le Sahara occidental, le Mali, le Niger…

            Les deux «  angles de vue  » doivent être pris en compte, mais cela ne simplifie pas la réponse à la question  : qui soutenir et comment  ? Les peuples du Mali, certes, et du Sahel. Mais plus concrètement  ? Avons-nous une réponse à cette question  ?

            Nous avons – en revanche et malheureusement – beaucoup de réponses à la question  : qui combattre  ? Les courants politico-religieux d’extrême droite, le régime clientéliste malien, les politiques néolibérales si destructrices et leurs promoteurs (FMI, Union européenne…)… sans oublier, au grand jamais, notre propre impérialisme.

            Impérialisme tout court

            La politique du gouvernement français au Mali montre que l’impérialisme «  humanitaire  » reste un impérialisme tout court.

            La situation de crise au Mali – nord et sud – risquait d’avoir des effets déstabilisateurs pour Paris dans toute la région, avec des répercussions immédiates au Sahel – en particulier au Niger (avec ses mines d’uranium et l’implantation d’Areva) et en Algérie, mais aussi ailleurs. Dès l’origine, les objectifs de l’intervention française ne se limitaient donc pas à ce seul pays, comme l’ont confirmé les récents débats au parlement  : il fallait renforcer l’influence de la France en Afrique.

            Très classiquement, Paris n’a cessé de mentir, en affirmant d’abord que la France ne devait pas intervenir au Mali, simplement soutenir des forces africaines  ; puis qu’elle ne devait que les «  instruire  » sur le terrain et agir dans le cadre de l’Union européenne. Quand l’opération Serval a été déclenchée, elle ne devait être qu’aérienne et n’avait pour objectif avoué que de bloquer l’avancée supposée des troupes islamistes sur Bamako  ; puis de les repousser jusqu’à la frontière entre le Nord et le Sud du Mali  ; avant que la «  reconquête  » du Nord entier ne soit annoncée. Les forces françaises devaient céder la place aux Africains… mais le récent vote du parlement montre qu’elles sont bien là pour rester.

            Au moment de déclencher l’opération Serval, la manipulation grossière de l’information (Bamako allait tomber dans les deux jours) a permis de faire taire les interrogations. L’affirmation était particulièrement peu crédible  : des mouvements touaregs et arabes, peu nombreux et pas si bien armés que cela, auraient été à même d’imposer en quelques jours leur propre théocratie au Sud Mali  ! Elle n’en a pas moins été acceptée comme véridique par bon nombre d’organisations progressistes…

            Puis un blackout radical a été imposé sur les premières semaines de l’opération Serval, les chaînes de télévision en étant réduites à passer en boucle des images de propagande fournies par l’armée [...]

            Tout récemment, Paris a interdit que des visas Schengen soient accordés à des personnalités maliennes opposées à l’intervention française, dont Aminata Traoré – une ancienne ministre de la Culture qui a rappelé qu’elle défendait encore les idées qui lui avaient valu d’être invitée à une université du PS… quand ce dernier était l’opposition  !

            Dans le fond des objectifs poursuivis comme dans les méthodes utilisées, la Françafrique est toujours là6. Nous sortons d’une période durant laquelle Paris a réduit son dispositif militaire en Afrique  : il y a aujourd’hui beaucoup moins de bases qu’il y a vingt ans. Mais il est bien question maintenant d’un nouveau redéploiement. L’intervention malienne en est l’illustration. Le Livre blanc dernièrement remis à Hollande insiste sur l’importance de l’Afrique  ; or ce continent était négligé dans le précédent. Le rapport récent du groupe «  Sahel  » au Sénat enfonce le clou  : «  L’intervention au Mali a permis de prendre la pleine mesure de l’intérêt des forces françaises prépositionnées et de l’erreur d’appréciation qui consisterait à réduire notre dispositif en Afrique de l’Ouest  »7.

            L’une des raisons qui expliquent la profondeur de la crise économique de l’Union européenne, c’est son déclin international. Les bourgeoisies européennes ont perdu beaucoup de «  marchés  », de zones d’influence, et ne peuvent plus bénéficier comme auparavant des surprofits liés à l’exploitation du «  tiers-monde  ». Elles se retournent avec d’autant plus d’agressivité contre leurs propres salariats, mais cherchent aussi comment stabiliser et reconquérir leur accès aux surprofits postcoloniaux. La particularité de la bourgeoise française, c’est qu’à cette fin elle peut utiliser son armée.

            L’engagement français en Afrique de l’Ouest est assez unique  : quel autre impérialisme bénéficie-t-il en permanence d’une telle liberté de présence et d’action militaires dans un tel ensemble de pays étrangers  ? Malheureusement, en France, la dénonciation de cet état de fait n’a jamais été à la hauteur de l’enjeu solidaire, malgré le travail d’information remarquable d’une association comme Survie. Nous ne pouvons rester passifs à l’heure de l’intervention malienne et alors que le gouvernement affiche sa volonté de renforcer à nouveau son dispositif – en collaboration étroite avec les Etats-Unis qui, eux aussi, annoncent leur «  retour  ».

            Il faudrait de même s’attacher plus au rôle de l’Etat français dans la crise haïtienne (non sans analogie avec sa politique malienne, malgré des différences fondamentales) et les raisons pour lesquelles il se montre si violent à l’encontre des mouvements populaires en Guadeloupe et Martinique.

            Nous sommes à un moment charnière. Sans garantie de succès vu son affaiblissement, l’impérialisme français cherche à moderniser et rationaliser ses moyens et ses ambitions. Il en appelle pour ce faire à l’union nationale. C’est à nous de la briser et de faire entendre une autre voix… Une autre voix qui ne se contente pas de dire que l’avenir est incertain  ; que la solution militaire est insuffisante, comme le fait le PCF (tout le monde le sait, y compris l’Elysée)  ; ou qu’il ne faut en rien affaiblir notre armée nationale, comme le proclame Mélenchon  !

            Il faut nommer un chat un chat et la «  puissance  » française un impérialisme  ; pour assumer nos responsabilités anti-impérialistes.

            Pierre Rousset

            Texte complet ici :

            http://www.npa2009.org/node/39047

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