Visite du président chinois : la France est-elle bien placée pour donner des leçons ?
Le programme du président chinois, arrivé jeudi 4 novembre en France pour une visite d’Etat de trois jours, a été conçu sur mesure pour la seule concrétisation des accords commerciaux chiffrés en milliards d’euros. Hu Jintao ne tiendra pas de conférence de presse conjointe avec son homologue, comme c’est l’usage, et ne prendra donc pas le risque d’être confronté au thème de la situation des libertés dans son pays suite à la question d’un journaliste indélicat.
La Chine fait bondir ses taux de croissance, fait preuve d’un dynamisme commercial stupéfiant sur les marchés internationaux, réduit progressivement ses poches de pauvreté, élargit son marché intérieur, mais reste en effet très en retard dans le domaine des libertés individuelles. Cette économie prospère qui se positionne désormais au deuxième rang mondial après les Etats-Unis est comme maintenue sous une chape de plomb. Nul doute qu’un processus, par ailleurs inévitable, est en marche qui va probablement déboucher sur des avancées. La libération du Prix Nobel 2010 de la paix Liu Xiaobao, opposant au régime emprisonné depuis 2009, pourrait constituer un premier signe dans cette direction.
Cela étant, qui peut sérieusement croire, comme l’affirment les ONG, que Nicolas Sarkozy fait l’impasse sur la question des Droits de l’Homme pour ne pas prendre le risque de perdre des milliards d’euros de contrats ? En revanche on peut se demander si la France est aujourd’hui bien placée pour donner des leçons aux chinois.
Triste tableau en effet que celui de la « patrie des Droits de l’Homme » par les temps qui courent. La France s’est récemment distinguée sur la scène européenne en organisant des expulsions en masse de Roms, sa majorité parlementaire adopte sans arrêt des mesures de plus en plus répressives en matière d’entrée et de séjour des étrangers sur le territoire, la dernière en date annule la gratuité des soins pour les sans-papiers démunis. Le gouvernement est constamment en guerre avec les cités ghettos, produits de plusieurs décennies d’exclusion sociale, les bavures policières sont monnaie courante, la procédure de garde à vue vient d’être jugée non conforme au droit européen. Le droit au logement est resté lettre morte, tout juste valable pour les grands discours, tout autant que les belles paroles au sujet de la lutte contre les discriminations raciales, qui n’empêchent toujours pas l’érection de murs infranchissables aux portes des entreprises pour les jeunes d’origine étrangère. Cette France-là ne peut pas se permettre de donner des leçons, et qui plus est de façon publique.
Dès lors, on ne peut que comprendre la réserve dont semble vouloir faire preuve Nicolas Sarkozy, qui préfère sans doute la discrétion confortable des apartés diplomatiques sûrement mieux appréciée par l’Empire du Milieu.
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