Vocation agricole et pauvreté : cas du Rwanda et du Burundi
Le Rwanda et le Burundi sont deux pays enclavés d’Afrique centre-orientale qui présentent des caractéristiques communes, parmi lesquelles leur faible superficie, la croissance rapide de leur population et le faible revenu par habitant ; ce qui les classe au bas de l’échelle des pays les moins avancés.
La situation de l’agriculture
En donnant la primauté à l’agriculture, les physiocrates avaient soutenu la thèse selon laquelle la terre est source d’enrichissement à la différence des autres secteurs d’activité, considérés comme stériles. Bien qu’il y ait des pays qui soient pauvres pour avoir mis l’agriculture au centre de leur stratégie de développement, cette thèse reste d’actualité scientifique dans la mesure où le qualificatif "stérile" ne signifie en aucun cas "inutile". C’est dans ce contexte qu’il faudrait aborder la question relative à la pauvreté de ces pays.
Manifestement, l’agriculture de ces deux pays recèle un chômage structurel important. La preuve en est donnée à partir du moment où il est difficile d’établir une liaison fonctionnelle entre la population occupée dans le secteur agricole et la production qui en découle. Un tel chômage, qualifié de déguisé, est rendu possible par la pénurie de facteurs de production (terre, capital) ou par l’existence de structures archaïques (travail dans le cadre familial).
En outre, ces deux pays soumis à des pressions démographiques supportent un certain nombre de handicaps. D’une part, par ses activités, l’agriculture qui occupe une place prépondérante ne parvient pas, en termes de productivité, à suivre le rythme rapide de la population : ces deux pays n’ont pas échappé à la trappe malthusienne. D’autre part, la nécessité d’avoir une occupation conduit la population à créer des activités artificielles qui - en raison de l’hypotrophie du tissu industriel - ont peu de valeur économique ou qui pourraient être réalisées à moindres frais. Si la croissance démographique n’est pas freinée, ces deux pays ne pourront donc assurer leur développement qu’au détriment de la progression du niveau de vie des populations. Tel est le véritable dilemme imposé à ces deux pays s’ils veulent réellement rompre le cercle vicieux de la pauvreté.
Par ailleurs, il est important de souligner que la situation démographique d’un pays varie en fonction du niveau de vie, du degré d’industrialisation et d’évolution sociale (grâce à l’éducation). Ces paramètres modifient considérablement la condition de la femme et sa fécondité par ricochet ; celle-ci est plus élevée lorsque l’agriculture est de plus en plus paysanne. Un taux d’activité élevé des femmes dans le secteur agricole ne permet donc pas de freiner la reproduction élargie de la population, lorsque les structures socio-économiques demeurent archaïques et qu’il y a toujours une prolifération de ménages polynucléaires correspondant à la famille patriarcale, le plus souvent marquée par une aliénation de la femme. Aussi doit-on noter que le degré d’articulation extrêmement faible entre les secteurs productifs est, dans une certaine mesure, à l’origine de l’autoconsommation qui caractérise le monde paysan. Le manque d’extension du marché agricole ne peut donc qu’inhiber l’effet d’entraînement de l’agriculture sur le reste de l’économie.
Implication sociale du mode production paysan
Il faut accorder que le développement économique fait partie d’un processus qui détermine l’évolution de l’ensemble de la société. La vie économique revêt non seulement des aspects démographiques mais aussi des aspects socio-culturels.
Déséquilibré, le système social de ces pays est encore stratifié ; il est à proprement parler dépourvu de toute mobilité ascendante évidente. Là où prédomine la famille patriarcale, la société devient rigide au point que tout passage d’un statut à un autre n’est pas monnaie courante : le terme de référence devient la cellule communautaire. L’individu n’est pas pris en considération ; ses attributs résultent de son appartenance à un groupe social déterminé, indépendamment de ses qualités personnelles. Les résultats de l’effort individuel sont tellement négligés pour prétendre réaliser le progrès économique escompté.
Le système social des valeurs est respectueux des traditions ; il minimise l’importance des stimulants économiques. Les stimulants d’initiative individuelle, de recherche et d’innovation jouent difficilement dans ces pays, où l’on minimise le pouvoir de maîtriser les forces de la nature. Ainsi, à la conception rationnelle et matérialiste de l’Occident, s’oppose la conception fataliste et traditionnelle de ces pays. Ici une attitude active, là une attitude passive.Cette attitude passive de l’homme à l’égard du progrès économique pourrait expliquer le phénomène de la détérioration des termes de l’échange constaté par certains tiers-mondistes et qui maintiendrait la plupart des pays d’Afrique dans le cercle vicieux de la pauvreté.
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