« War on Africa » - exercice de décryptage géopolitique : menace sur la Côte d’Ivoire

Il y eut d'abord « war on terrorism », avec les résultats que l'on sait : une Amérique empêtrée en Irak comme en Afghanistan, une Amérique de plus en plus haïe à cause de ses cavalcades militaires à but lucratif recouvert des oripeaux d'une « démocratie » à l'occidentale de moins en moins crédible.
Il semble bien qu'au travers de la crise ivoirienne se dessine une stratégie parfaitement similaire : obligée d'abandonner ses fantasmes sur le Nouvel Ordre Mondial et le nouveau Moyen Orient, l'Amérique qui refuse de renoncer à son hégémonie se résout à s'attaquer à cette Afrique utile si prometteuse de croissance, pour autant qu'on la laisse faire.
Il s'agit d'abord de décrypter la réalité de la crise ivoirienne au-delà du sempiternel discours médiatique occidental et ensuite d'imaginer ce qu'il pourrait advenir s'il prenait envie à certains de vouloir régler cette affaire ivoirienne par la force. Nous y consacrerons trois articles dont celui-ci est le premier.
Si Obama n'est pas Bush, l'illusion n'est cependant plus de mise : le président américain est bien entre les mains de l'aile ultra-libérale de l'échiquier politique américain, une aile très minoritaire mais la plus puissante et la mieux structurée.
Depuis longtemps en politique, il n'est plus nécessaire de faire masse pour dominer. Au contraire, mieux vaut être très minoritaire mais fortement déterminé, supérieurement organisé et le mieux pourvu financièrement. Tout le reste s'achète ou se conquiert. Comment expliquer autrement le succès par exemple des bolcheviques de 1917, voire des nazis en 1933 ?
Le président Obama ne manque pas non plus d'alliés, certains étant encore suffisamment aveugles pour suivre l'Amérique dans ses aventures.
En Côte d'Ivoire, d'aucuns semblent assembler toutes les pièces du puzzle, éléments nécessaires au déclenchement d'un conflit qu'ils imaginent certainement « frais et joyeux », malgré les démentis de l'histoire même récente. Il ne manquera bientôt que le brandon et le boute-feu. Au-delà des apparences médiatisées et du discours dominant, qu'on en juge :
- l'Occident qui fut longtemps dominant est désormais dans une crise profonde, économiquement et déclinant sur un plan intellectuel (le déclin n'est pas une posture intellectuelle, c'est un constat démontré par l'histoire de la corruption et de l'incompétence des élites) ;
- l’Occident est constitué de deux pôles : le premier est hégémonique mais il ne lui reste au bilan que la puissance militaire, l'autre est géopolitiquement invertébré jusqu'à l'inexistence et totalement inféodé au premier dans les rets subtils d'un ultra-libéralisme déjà ancien ;
- aucun de ces deux pôles n'ont su anticiper, après la disparition de l'URSS, la vitesse de la montée en puissance du monde dit « émergeant », la Chine en particulier, ni ses conséquences immédiates, à savoir que les dirigeants occidentaux n'y dicteront plus leur lois comme ils étaient accoutumés à le faire ;
- partout dans le monde, l'Occident est en reflux à tout égard, excepté en Afrique et pour cause ;
- cette Afrique est, quant à elle à la veille d'une formidable croissance ;
- la tentation est évidente pour certains cercles d'intérêts puissants, désormais bloqués partout ailleurs, d'imaginer sortir de leur situation de déclin en captant cette croissance ;
- l'Afrique, par ses ressources formidables et le marché gigantesque qu’elle représente, risque bien de redevenir une zone d'affrontement entre bloc de puissances ;
- le Golfe de guinée avec sa forte odeur de pétrole et la faiblesse des Etats qui le constituent, est un objectif économique et stratégique vital pour les Etats-Unis d’Amérique et quelques miettes pour leurs séides.
C'est d'abord et avant tout dans ce contexte précis que se pose la question ivoirienne pour l'Occident. Son discours sur la démocratie et les droits de l'homme ne sont qu'un paravent pour pouvoir y intervenir. C'est un paravent à géométrie variable puisqu'on ne trouve rien à redire aux élections truquées qui viennent d'avoir lieu en Guinée, au Gabon et en Égypte et demain ailleurs (onze sont prévues en 2011).
L'acteur américain éprouve une difficulté certaine pour agir seul sur le continent africain. L'expérience du Liberia, une création typiquement américaine, celle de la formidable raclée qu'il a reçue à Mogadiscio, et d'autres l'amènent à devoir faire sous-traiter ses ambitions cachées par d'anciennes puissances colonisatrices, ce qui explique notamment le rôle pour le moins étonnant de la presse française dans la crise ivoirienne.
S'agissant de la crise ivoirienne elle-même, M. Ouattara y est bien le représentant des intérêts occidentaux et que M. Gbagbo, moins docile, est supposé d'une manière ou d'une autre vouloir s'y opposer quelque peu.
Vouloir choisir entre l'un ou l'autre en matière de vertu républicaine est une de ses billevesées dont la presse occidentale est friande. L'un comme l'autre ont fraudé sans retenue mais avec d'inégals succès. L'un comme l'autre disposent de financements d'origine douteuse. Les deux ont démontré un égale cynisme aux affaires. Le débat ne porte donc pas sur les personnes mais sur les intérêts dont ils sont porteurs et qu’ils représentent.
Le pays lui-même est divisé. On le doit à cette fausse habileté du vieux Houphouët qui attire l'émigration du nord croyant régler des questions internes. Avec le temps et les mauvais comportements, c'est une situation du type « nord pauvre » contre « sud riche » qui prévaut. La question est donc sans solution immédiate. Qu'il s'agisse de l'un ou de l'autre des deux présidents, la guerre civile est tôt ou tard assurée.
Croire l'inverse, reviendrait en quelque sorte à croire que Akim Taci, O. Ben Laden, A. Karzaï etc., tous un temps candidats promus de l'hégémonisme américains, sont des modèles de vertu démocratique.
Il reste maintenant aux occidentaux à imposer leur candidat. C'est à moitié fait : au terme d'une manœuvre pour le moins douteuse, on fait proclamer Ouattara élu dans son QG de campagne, un hôtel de luxe d'Abidjan, devant un panel trié de journalistes occidentaux, dans des conditions légalement contestables, par le président de la CEI, partisan de M. Ouattara et immédiatement exfiltré vers un grand hôtel de Neuilly.
On notera que s'il y a un « crétin » dans cet affaire, c'est bien « la ménagère occidentale de moins de cinquante ans », cet objet médiatique qui seul peut croire au lamento qu'on lui dessert dans la presse occidentale.
Les réactions consécutives à l'attitude de M. Gbagbo montrent que les états-majors occidentaux ne s'attendaient absolument pas à ce demi-échec. M. Obama y a perdu énormément sur le plan international en se ravalant maladroitement au rôle de marionnette de l’étranger et des milieux ultralibéraux. Mme Clinton confirme son rôle de représentante de la finance démocrate de Wall-street, les organisations africaines leur suivisme de la politique américaine, l'ONU qu'elle n'est qu'un « machin ».
Il faut s'attendre à énormément de maladresses, d'erreurs d'appréciation et de fautes politiques de la part des acteurs politiques occidentaux qui se révèlent assez « amateurs », ce qui préjuge mal de la suite des opérations. Là se trouve le véritable risque.
Toute la question pour les occidentaux se résume désormais à : « comment bouter Gbagbo hors du pouvoir » ? Ceci fera l'objet de notre prochain article.
Le temps et la propagande vont jouer un rôle déterminant mais symétriquement inverse.
La suite prochainement dans une seconde partie.
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