Yves Leterme a-t-il transgressé la séparation des pouvoirs ?
Le cabinet d’Yves Leterme a-t-il fait pression sur les juges afin de les influencer dans l’affaire Fortis ? C’est le lourd soupçon qui pèse sur le Premier ministre, que ses tentatives d’explications, mercredi après-midi à la Chambre, sont loin d’avoir dissipé. Dans la tourmente, le Premier ministre belge devra affronter une commission d’enquête.

C’est à la surprise générale que, lors de la séance à la Chambre consacrée au budget, Yves Leterme est sorti de l’ordre du jour pour lire une lettre adressée au ministre de la Justice. Il y explique de quelle manière son cabinet a eu des contacts avec le substitut du procureur du roi Paul Dhaeyer dans le cadre de l’affaire Fortis. Selon la presse flamande, un membre de son équipe, magistrat du parquet de Bruxelles, aurait tenté de faire pression sur son collègue, juste avant que Paul Dhaeyer rende son avis et explique que la vente de Fortis à BNP Paribas ne s’est pas passée de manière régulière. Pression sans effet, donc. Ledit membre du cabinet aurait alors rappelé Dhayer : « On est très préoccupé par votre avis. Etes-vous réellement conscient de votre responsabilité ? » Après que son avis a été rendu, Paul Dhayer a appelé un collègue du cabinet du ministre de la Justice Jo Vandeurzen (CD&V), pour lui parler des faits. Le chef de cabinet du premier ministre a alors reconnu avoir commandité ce coup de téléphone.
Rupture de la séparation des pouvoirs
La lettre lue par le Premier ministre n’a pas convaincu, que du contraire. Les travaux de la Chambre ont été suspendus, et l’on évoquait la gravité de cette rupture de la séparation des pouvoirs. A tel point qu’il a été immédiatement décidé de nommer une commission parlementaire d’enquête . L’Open VLD (libéraux flamands, dans la majorité) a dit attendre le débat pour se prononcer sur « la confiance au Premier ministre ». Quant à l’opposition, elle a demandé derechef la démission d’Yves Leterme. Il semblerait que le rapport du procureur Dhayer soit accablant, ce qui a rendu plus piteuses encore les tentatives d’explications fournies par M. Leterme. Celui-ci affirme n’avoir appris que mercredi midi (17/12) que son chef de cabinet avait eu des contacts avec des magistrats dans le cadre de l’affaire Fortis. Se disant « particulièrement étonné » des « insinuations » parues dans la presse , il a dit être particulièrement attaché aux droits fondamentaux - dont la séparation des pouvoirs. Un peu court, ont estimé les observateurs, qui font observer que le cabinet d’un ministre est, en général, l’exécutant des ordres du titulaire du portefeuille... Voilà qui ne va pas renforcer, ni l’image de M. Leterme dans l’opinion, ni la position du gouvernement dans son bras de fer judiciaire avec les actionnaires de Fortis, qui ont gagné vendredi le droit de remettre en cause le démantèlement et la vente du groupe de bancassurance. Les mâles ripostes du gouvernement, annoncées lundi soir, viennent de prendre une sérieuse volée de plombs dans l’aile...
(Avec Belga)
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