A la place du juge Burgaud, la France dit : pardon.
Le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe vient ajouter des lacets au fouet qui nous permet de nous auto- flageller. Les Français sont encore émus par les images de la Commission parlementaire qui a auditionné le jeune juge Burgaud. Les citoyens ont un sentiment mêlé de satisfaction et d’inquiétude dans la quête de transparence de l’organisation de la justice. Ce malaise est encore diffus, car il n’identifie pas les médias comme le nouveau procureur de la démocratie qui place la société toute entière au banc des accusés, dans une responsabilité collective, et jamais individuelle.
Le plaisir est nourri par cette flamme républicaine qui met sous le feu des projecteurs tout citoyen au-dessus des lois. L’audition médiatisée du jeune juge lève l’opacité sur les limites du contrôle des pouvoirs des juges d’instruction. On découvre un arbitre qui est juge et partie, puisqu’il instruit à charge et à décharge le dossier de la personne qui est accusée par le procureur de la république. Ce dernier est lui-même saisi par une première instruction des services de police ou de gendarmerie.
Les failles de la Justice française sont comme les ailes du Concorde. De nombreuses anomalies ont été constatées à huis clos, à la suite d’éclatement des pneus depuis des dizaines d’années, jusqu’au jour où une explosion fatale siffle la fin d’une pratique irresponsable. L’affaire Outreau provoque la même onde de choc. Les accusés sont devenus des victimes innocentées en appel. Celles-ci réclament à la presse - dans sa robe de procureur - les vrais responsables.
Cette justice des médias émerge depuis quelques années et ne respecte aucune déontologie comparable aux fondements du droit à la justice pour tous, coulés depuis Napoléon. L’audition du juge se transforme en procès, avec la présence de ses avocats. Pourtant, un procès n’est jamais filmé, et les vices de procédures dans les reportages, montés à la hâte, n’existent pas pour les journalistes. Ces mêmes reporters n’avaient-ils pas déjà oublié la présomption d’innocence des accusés d’Outreau ? Voilà bien une autre institution dont les membres bénéficient encore d’une immunité collective.
Mais les conclusions de ce procès sont déjà perceptibles. Si le juge d’application des peines n’a pas les moyens de contredire l’instruction qui, elle-même, n’a pas les budgets pour financer des expertises de qualité ; si la chambre d’accusation, formée de trois juges du Siège, saisie par les avocats, n’a pas les ressources nécessaires pour contredire le juge d’instruction ; si des magistrats de la Cour de cassation, saisis par les avocats, n’identifient pas un vice de forme au droit pénal ; et si les avocats ne savent pas trouver des faits substantiels pour convaincre cette chaîne de magistrats, alors des innocents continueront d’attendre leur procès dans une geôle durant plusieurs années.
La solution à tous nos maux est toujours la même : les pouvoirs publics doivent augmenter les budgets pour financer la qualité et la vitesse des instructions. Mais combien de Français seraient disposés à payer plus d’impôts pour financer cette justice plus équitable que celle des Anglo-Saxons, qui demandent aux accusés une participation au frais de l’instruction ?
Rappelons que le gouvernement souhaite réduire notre dette, évaluée à plus de €1100 milliards. Les premières économies réalisées avec l’arrêt des remboursements de certains frais de santé pourraient-elles financer une partie des besoins de la Justice ?
Avec ce réquisitoire rédigé par les médias, qui n’ont pas de visage, mais une voix, comme les psychanalystes assis derrière le dossier du divan, la France croit soigner sa déprime dans la repentance. Pardon pour avoir participé à l’esclavage. Pardon pour avoir livré des juifs aux Allemands. Pardon pour nos exactions sur les Français d’Algérie. Pardon pour avoir reproduit les caricatures de Mahomet. Les protestants devraient demander réparation pour les bûchers de la St Barthélemy...
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