À VSD le Carnaval devient « le Carla-val » !
« VSD » remet le couvert cette semaine en couverture. « Paris Match » avait déjà passé le plat en décembre dernier (1). Le même leurre de diversion n’en finit pas de plaire. Il peut paraître éculé, mais pas aux yeux de l’hebdomadaire qui, connaissant son public, le ressert sans sourciller. Par temps de crise économique et sociale, particulièrement en Guadeloupe, il ne trouve rien de plus urgent ni de plus emblématique pour la semaine qu’ une énième campagne de promotion en faveur de Mme Bruni-Sarkozy déguisée en militante : « Reportage avec une première dame à part, lit-on. Carla s’engage « MES COMBATS » ». Il est vrai qu’on est en pleine période de Carnaval.

La métonymie paradoxale de la modestie vaniteuse
N’est-ce pas d’ailleurs le propre du métier de mannequin que de se prêter à tous les travestissements au gré du couturier qui l’emploie ? Le réflexe d’attirance sexuelle qu’il déclenche comme leurre d’appel sexuel, a le don de transfigurer les nippes dont on l’affuble, fussent-elles les moins seyantes. Même glissée dans un treillis trop grand pour elle, une jolie fille l’enjolive. Pourquoi donc ne pas grimer Mme Bruni-Sarkozy en militante, même s’il n’y a pas maquillage plus éloigné de l’image qu’elle n’a cessé de donner d’elle-même depuis toujours ?
Seulement, on ne passe pas facilement des podiums de mode et des studios de photos érotiques à la boue des tranchées sans susciter l’incrédulité. Il faut donc changer de pose. L’heure, manifestement, n’est plus au clinquant, aux étreintes enamourées de deux tourtereaux, ni à l’étalage insolent des signes extérieurs de richesse et de misère morale intérieure, quand la Guadeloupe soulevée demande une fortune, une augmentation des salaires de… 200 Euros.
Il importe que l’épouse du chef de l’État monte au front. Une photo en plan américain la montre donc debout toute droite, mains dans les poches d’un sobre ensemble noir. La couleur noire est ici délestée de sa charge érotique qui serait déplacée, comme le confirment l’effacement des formes sexualisées féminines, le pull très sage ras du cou et la longue chevelure libre tombant sur les épaules, tout juste brossée pour un parfait apprêté-négligé. Le noir serait plutôt choisi pour la charge de séparation qu’il signale. Ainsi, la femme méditerranéenne était-elle en noir comme l’ancienne soutane du prêtre catholique ou toute personne en deuil dans la culture occidentale. Mme Sarkozy-Bruni aurait donc revêtu un uniforme noir qui proclamerait au monde son retrait du monde frivole du luxe auquel elle s’identifiait tant jusqu’ici. Le noir, en outre, permet de la faire ressortir dans un violent contraste sur un fond marron uni qui assure une mise hors-contexte pour ne concentrer le regard que sur elle.
Prise de trois-quarts et ignorant l’objectif, elle joue à celle qui est photographiée à son insu et/ou contre son gré, selon le leurre bien connu de l’information donnée déguisée en information extorquée pour faire croire à une plus grande fiabilité de l’information mise en scène. Cette station debout, le regard détourné méditatif qui feint de fuir par timidité celui du spectateur, se veut la métonymie paradoxale d’un volontarisme modeste, comme peut l’être toute modestie qui s’affiche avec éclat vaniteusement à la couverture d’un hebdomadaire.
Une sinistre intericonicité ?
Mais pour convaincre, la pose ne suffit pas. Encore faut-il s’inventer une histoire de militante. VSD feint d’instaurer d’office entre Mme Bruni-Sarkozy et ses lecteurs naïfs les conditions d’intimité susceptibles de déclencher chez eux un réflexe d’identification : l’héroïne est dépouillée de son patronyme et n’est nommée que par son prénom, comme c’est l’usage entre proches : « Carla s’engage : « MES COMBATS » », dit la légende, qu’il faut entendre ici dans les deux sens du terme. On l’a souligné d’entrée : voilà rien de bien nouveau ! La formule est usée jusqu’à la corde. Paris-Match a fait de même en décembre 2008 : « Le combat de Carla », titrait-il. Il s’agissait de la lutte contre le Sida. Il semble qu’il en soit encore question dans VSD : on croit en deviner le logo sur le pull de la combattante.
L’ennui est que le mot « combat » dans la bouche des stars est devenu un stéréotype insipide pour avoir trop servi. Quelle est celle qui ne cherche pas à doper sa promotion en exhibant sa générosité ? Y en a-t-il une qui n’ait pas son ouvroir de dame patronnesse ? La faim, les maladies, les enfants malheureux, l’Afrique, il y a tant de fléaux qui ravagent l’humanité. Les stars n’ont que l’embarras du choix pour s’investir dans une cause. Du moins le font-elles croire à grand renfort de publicité complaisante comme celle-ci dans VSD. Le marché de l’humanitaire n’a pas son pareil pour déguiser les pires égoïstes de la planète cousus d’or par la loi du marché en bon samaritain au grand coeur et se donnant en exemple par-dessus le marché.
Mais ici, le mot « combat » a beau être mis au pluriel, l’intericonicité dérange : elle fait reconnaître et résonner une fâcheuse proximité avec un usage passé resté dans les mémoires. Il semble que l’expression au singulier ait déjà été prise comme titre d’un certain ouvrage-programme qui n’a pas laissé de bons souvenirs. Mme Bruni-Sarkozy ou VSD peuvent-ils ne pas s’en être aperçus ? C’est la seule excuse honorable qu’on peut leur reconnaître. L’inculture, on le voit, peut jouer de très vilains tours. Mais même par temps de Carnaval, on n’avale pas tout. S’il a voulu innover, VSD n’a pas eu la main heureuse avec son « Carla-Val ». Paul Villach
(1) Paul Villach, « Mme Bruni-Sarkozy encore sur Paris-Match ? Non ! « Carla », la militante au grand cœur ! », AGORAVOX, 8 décembre 2008.
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