Antisémitisme : après l’orage
La semaine précédente, nous évoquions le traitement médiatique des incidents qui ont conduit le jeune Rudy H. à être hospitalisé. Profitons du retour au calme pour faire le point sur les interventions politiques et les réactions de la presse consécutives à ce drame.
Alors qu’en premier lieu, le président de la République, la ministre de l’Intérieur, le grand rabbin de France et les représentants des partis politiques de diverses tendances hurlaient à l’antisémitisme, la justice et la police, elles, ont quelques peu nuancé leurs allégations. La victime de cette rixe aurait elle-même participé activement à des affrontements de groupes au point d’être mis en examen pour « violence avec arme par destination ». Les premières versions le présentaient comme un adolescent sage, se rendant à la synagogue et attaqué par une bande de « sauvages ». En résumé, il faisait figure de martyr sacrifié sur l’autel de la haine.
Mais passons sur ces différentes suppositions, puisqu’il convient avant tout à la justice de démêler ce nœud gordien. Intéressons-nous plutôt à l’attitude de nos politiques. Ont-ils exprimé le moindre regret pour leurs déclarations précipitées ? De quel droit Nicolas Sarkozy promet-il une lourde sanction pour les agresseurs, faisant fi de l’indépendance de la justice ? On n’a nullement entendu qui que ce soit déclarer : « je me suis peut-être trompé » ou « j’aurais dû attendre avant de me prononcer ». Non, car quand un politique lâche une sentence sur une affaire en cours, il a le même statut qu’un arbitre. Chacun sait qu’en football on ne refait pas le match, même si a posteriori l’arbitre s’est lourdement trompé, sa décision première ne se discute pas. Sauf bien évidemment que la politique ne se joue pas en 90’ et que l’électeur peut se montrer compréhensif si son élu daigne faire son mea culpa.
Alors que le politicien dénigre volontiers ses mentors ou les membres de sa classe politique, il ne porte guère la responsabilité de ses déclarations, même si elles attisent des tensions. Un dirigeant un tant soit peu pragmatique devrait avoir à cœur de préserver la paix sociale. Malheureusement, il semble plutôt qu’on ait affaire à une classe de forts en thème levant le bras, tout en trépignant pour que Mme Presse daigne leur laisser la parole. L’immaturité du corps politique, prêt à tous les excès pour tirer la couverture médiatique à soi, est littéralement sidérant.
Alors qu’un adolescent en Gironde vient de mourir durant une séance de bizutage barbare, on n’entend guère nos gouvernants exprimer leur « indignation ». Un jeune dit en difficulté, massacré sauvagement, ne mérite sans doute pas la sollicitude des personnages publics. Certains profils génèrent plus facilement leur compassion, en fonction des activités diplomatiques ou des projets de lois à faire voter. Pourquoi Rudy H. a-t-il droit à cette mobilisation, alors que la victime anonyme se contente d’un communiqué laconique ? Il était plus que judicieux pour Sarkozy de s’indigner de l’agression prétendument antisémite en plein voyage officiel en Israël. On se souvient que le désormais comateux Ariel Sharon avait sous-entendu que les Français de confession juive se trouvaient en danger dans leur patrie. En se gardant de toute complaisance envers l’antisémitisme, quitte à négliger les différentes versions de la police, le président de la République s’attire la bienveillance de ses hôtes. Montrer patte blanche lui assure le succès de ses desseins diplomatiques.
On pourra aussi évoquer les débats de l’Assemblée où, dans de ridicules joutes verbales, ministres et députés d’opposition s’accusent mutuellement d’antisémitisme. « Antisémite » remplace dans cette élite souvent blanche et chrétienne les traditionnelles insultes homophobes et les démonstrations de virilité. Charmant passe-temps que celui de traiter son adversaire de l’hémicycle de « raciste » comme des écoliers qui se traitent de « pédé » tout en ignorant la signification de ce mot. Car c’est bel et bien d’attitude puérile dont il est question. Chercher le racisme dans une tournure de phrase, un mot ou un regard tient du procès d’intention. Le racisme véritable n’est guère difficile à être décelé à partir d’actes ou de paroles concrètes.
53 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON