Bidouillage sondagier pro-FN au JDD
Leçon de prestidigation au JDD : comment transformer un sondage d'idées en sondage de popularité.
Aujourd'hui dimanche 2 novembre, le Journal du Dimanche consacre la double-page de sa rubrique de premier plan, "L'événément", à un non-événement appuyé sur des faits qui frôlent la fiction politique. Tout ça annoncé par une Une qui montre notre Marine nationale endimanchée dans un joli trench brun. Au centre de la double-plage, un tour de passe-passe qui serait presque passé inaperçu.
Source du sondage : l'Institut français d'opinion publique (IFOP). Comme tous les sondages commandés par le JDD destinés à enfoncer le Gouvernement. Bien sûr, rappeler que le directeur des études politiques de l'IFOP à qui a été commandé ce sondage n'est autre que Damien Philippot, le jeune frère de Florian Philippot, bras droit de Marine Le Pen, serait être mauvaise langue. Admettons sa bonne foi.
Bidouiller les résultats d'un sondage, en revanche, est quelque chose de moins admissible quand on a la responsabilité d'un journal national. Sans donner de détails, on nous présente un sondage qui interroge, par téléphone, un échantillon représentatif de la population sur le sujet suivant : quelles personnalités politiques, à droite et à gauche, "s'opposent le plus, dans leurs propos et leurs actes", c'est-à-dire dans leurs idées, au président François Hollande. Autrement dit, un simple rappel des forces politiques en présence aujourd'hui en France. Marine Le Pen, présidente du Front national, parti d'extrême-droite, arrive en tête avec 60 %, devant, bien évidemment, Jean-Luc Mélenchon, représentant de l'autre extrême de l'échiquier politique. Un résultat qui n'a rien de surprenant : ceux qui s'opposent le plus, dans les idées, à un gouvernement modéré, sont de fait les mouvements extrémistes. Pourtant, dans, les colonnes, s'ensuit un habile manipulation : les résultats de ce simple sondage sur des oppositions idéologiques sont transformés, comme par magie, en un sondage de popularité, en un plébiscite, en faveur de Marine Le Pen.
En effet, après des pérégrinations sur la situation désastreuse du Gouvernement et de la France ne citant d'autres sources qu'un "visiteur du soir à l'Elysée", "l'entourage" de François Hollande ou de simples "on", on nous parle de la "percée de Marine Le Pen". Le directeur général adjoint de l'IFOP en conclut même que "les Français voient en elle [en Marine Le Pen] une alternative". À moins qu'il ne manque une page à mon journal, je n'ai pas vu l'esquisse d'un sondage attestant de la popularité auprès des Français de Marine Le Pen en comparaison avec les autres opposants potentiels à François Hollande. Pas plus que la preuve des "autres enquêtes d’opinion" évoquées qui montreraient les grandes chances de réussite de l'élue nationaliste à la prochaine présidentielle, y compris face au président François Hollande. Ce n'est pas assez de détourner un sondage d'opinion qu'on nous renvoie à une interview faite maison de ladite opposante.
Puisqu'on a voulu nous faire croire que Marine Le Pen était plébiscitée, appelée par les Français à la succession de François Hollande, faisons-la parler. Seulement, dans cette calme interview qui prend près d'une page complète, la frontiste "joue la dissolution", comme l'a annoncé la Une. Comprenez qu'elle profite de l'atmosphère de fiction politique de l'hebdomadaire pour nous faire croire à une crise politique dont la seule issue possible serait la prochaine dissolution de l'Assemblée nationale qu'elle évoque déjà depuis quelque mois : "Je ne vois pas, dit-elle, comment le président de la République peut faire autrement que dissoudre. Je ne vois pas". Et cette dissolution serait légitimement réclamée par elle. Au nom de quoi ? Marine Le Pen n'a pas même pas de mandat national, et elle voudrait ordonner au Gouvernement d'interrompre le déroulement normal du calendrier politique ? Pour ma part, je ne vois pas pourquoi il dissoudrait, je ne vois pas.
Si l'intention de Bruno Jeudy, rédacteur en chef du JDD sur le départ, était de commettre un dernier baroud d'honneur, c'est réussi.
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