Ce dangereux vent de folie qui souffle sur les médias (ou les révélations post-mortem de Chavez)
Les médias sont devenus fous. Je sais, ils l’étaient déjà, mais là ils le sont devenus. C’est vrai que c’est dans les moments de crise que l’on peut juger du véritable caractère d’un homme, ou d’un système. Et depuis quelques jours, on peut dire que nous sommes servis.
Tout a commencé lorsque... quoi, exactement ? Y a-t-il eu un moment précis où ils ont basculé d’un état relativement stable d’incompétence et/ou de bêtise et/ou de parti-pris, ou cela s’est-il traduit par un processus lent et constant de dégradation ? La situation s’est-elle réellement dégradée ou sommes-nous devenus simplement plus lucides - ou moins naïfs ?
Mais la question qui me taraude est celle-ci : ont-ils touché le fond, là, présentement, ou reste-t-il encore de la marge ? Dans les deux cas, il est temps de s’affoler sérieusement, car ce qui transparaît derrière leur attitude est de nature à nous préoccuper tous.
Examinons par exemple les sempiternelles accusations d’atteintes à la « liberté de la presse ». Dans un pays où l’écrasante majorité des médias est entre les mains de l’opposition (et quelle opposition !), une telle accusation s’appuie sur rien, et ne peut que s’appuyer sur rien. Le seul (mauvais) exemple qu’ils ont à nous offrir – lorsqu’ils daignent nous en offrir un - est celui de la « fermeture de la chaîne de télévision RCTV ». Une chaîne qui a activement participé à un coup d’état contre un président élu, et à qui le gouvernement vénézuélien décide de ne pas renouveler le bail d’exploitation des ondes hertziennes. Ce qui veut dire en clair que cette chaîne émet encore, mais via le câble et le satellite. Ce qui veut dire que la chaîne n’a pas été « fermée » mais que, eu égard à ses tendances avérées à commettre des actes qualifiables de « crime » dans probablement n’importe quel pays du monde, eh bien ma foi il a été considéré que le susdit comportement était en quelque sorte comme qui dirait « en contradiction » avec le contrat du bail de location des dites ondes hertziennes (domaine public par définition) offertes par le gouvernement. Le même gouvernement que la chaîne RCTV a justement tenté de renverser par la force. En un mot comme en cent : le gouvernement vénézuélien, dans la mesure où la totalité de la rédaction de RCTV ne s’est pas retrouvée au fond d’une oubliette, a pris une décision d’une « gentillesse » tout à fait inhabituelle, pour ne pas dire incongrue...
Vous louez un appartement à quelqu’un. Ce quelqu’un tente de vous tuer (littéralement). Au lieu d’appeler la police, vous lui envoyez une lettre recommandée pour l’informer que son bail de location ne sera pas renouvelé. Franchement, existe-t-il un autre pays au monde où les choses se seraient déroulées ainsi ?
Tout ça, « ils » le savent. Mais peu « leur » importe. A « leurs » yeux, le non-renouvellement du bail est un acte impardonnable. Plus impardonnable encore que la participation d’un média à un coup d’état. Ce qui sous-entend que les médias tolèrent parfaitement l’idée qu’un média puisse participer à un coup d’état contre un gouvernement démocratiquement élu. Ce qui veut dire que ça ne les gêne pas plus que ça. Ce qui veut dire qu’ils en seraient capables.
Suis-je le seul à sentir ce vent mauvais qui se lève ?
Chavez a « mal géré le pays ». Parole de banquier. Chavez a « dilapidé » les ressources du pays. Le Venezuela est en crise. En crise, comme la Grèce ? Non, mais « en crise ». En crise comment ? Ben... en crise, quoi. Une « crise » qui voit la pauvreté diminuer de moitié, « ils » appellent ça une crise. Une « crise » où l’illettrisme disparaît (enfin !), « ils » appellent ça une crise. Une « crise » qui voit le nombre d’étudiants exploser, ils appellent ça une crise. Une « crise » qui apporte la santé à une population qui n’avait pas vu de médecins depuis.. depuis quand déjà ? Peu importe, ça s’appelle une crise et c’est comme ça et c’est un « spécialiste » qui vous le dit.
Tout ça, « ils » le savent. Mais peu « leur » importe. Ce qu’ils viennent de nous démontrer (au cas où nous ne le saurions pas déjà), c’est que l’éducation (y compris la vôtre et celle de vos enfants), la santé (y compris la vôtre et celle de vos enfants), ne sont pas à « leurs » yeux des critères de « réussite ». Parole de « commentateur de l’actualité ». Oh non, pour eux, une « bonne gestion », c’est un indice du CAC40 qui caracole dans les sommets et qui défile en bas de l’écran. Et peu importe si la majorité des yeux qui le regardent sont ternis par la faim et l’épuisement.
Je me fais des idées ou ça commence à souffler fort ?
Et enfin, Chavez « manquait de manières ». Même qu’il aurait qualifié Bush de « diable » lors d’une réunion à l’ONU. Oulalaaa... Là, je suis d’accord. Le mot n’est pas très bien choisi. Ce n’est pas en tous cas un vocabulaire que j’aurais employé. Vraiment pas, non. Car, comme toute personne normalement constituée, j’aurais traité Bush d’ordure, d’assassin, de criminel. Je lui aurais craché à la figure, j’aurais tenté de l’attraper par le col pour le traîner suppliant devant un juge. Je lui aurais filé mon poing sur la gueule et un tribunal de Nuremberg sur le dos. Je l’aurais envoyé à Guantanamo, à Abou Ghraib. Je l’aurais lâché en slip dans les rues de Kaboul avec les caricatures de Mahomet autour du cou. Bref, contrairement à Chavez, moi, je me serais bien comporté.
Tout ça, « ils » le savent. Mais peu « leur » importe. Ce qu’ils viennent de nous démontrer, c’est qu’à « leurs » yeux, il est plus grave de « manquer de respect » envers un criminel de guerre que d’en être un.
Alors, ce vent mauvais, vous le sentez ou pas ?
Viktor Dedaj
« le fond de l’air effraie »
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