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Ce que révèle vraiment WikiLeaks

« WikiLeaks is a non-profit media organization dedicated to bringing important news and information to the public. We provide an innovative, secure and anonymous way for independent sources around the world to leak information to our journalists. We publish material of ethical, political and historical significance while keeping the identity of our sources anonymous, thus providing a universal way for the revealing of suppressed and censored injustices.”

” WikiLeaks est une organisation médiatique à but non lucratif dont la mission est d’apporter des informations importantes à l’attention du public. Nous fournissons un moyen innovant, sûr et anonyme aux sources indépendantes du monde entier qui souhaitent « faire fuiter » des informations à nos journalistes. Nous publions des informations qui ont une intérêt éthique, politique et historique tout en garantissant l’anonymat de nos sources, permettant ainsi de révéler de façon universelle des injustices censurées ou occultées »

[ en préambule du site WikiLeaks – traduction de l’auteur ]

Depuis la parution sur le site WikiLeaks il y’a quelques semaines de câbles diplomatiques américains (« mémos ») sur la période 2004/2010 un large débat s’est ouvert sur la « légitimité » de l’action du site dans différents médias ( pour rappel en France c’est Le Monde qui a publié depuis le 28 novembre plus de cent vingt articles sur les télégrammes diplomatiques du département d'Etat américain. Sur les 251 287 câbles obtenus par WikiLeaks et étudiés en exclusivité pour l’instant par cinq journaux – The New York Times aux Etats-Unis, The Guardian au Royaume-Uni, Der Spiegel en Allemagne, El Pais en Espagne et Le Monde en France –, près de 2000 ont été publiés à ce jour). En outre la personnalité controversée de Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, a contribué à polariser l’attention médiatique autour de cette question de la légitimité.

Pour simplifier d’un côté ceux qui jugent qu’il s’agit d’une opération utile et nécessaire, favorisant la vie démocratique, de l’autre ceux qui considèrent qu’il s’agit d’un projet irresponsable, dangereux pour les institutions et les individus. Mon propos ici n’est pas d’entrer dans ces considérations.

En revanche on peut constater que la grande majorité des discussions et des commentaires s’est focalisé sur cette  question de la nature même de WikiLeaks et non pas sur le contenu des documents révélés. Paradoxalement ces documents, présentés comme secrets ou classifiés, ont fait l’objet d’un faible nombre de débats et n’ont provoqué aucun remous diplomatique ou politique sérieux. Il y’a là comme une anomalie… Une entreprise de dévoilement dévoile mais c’est comme si il n’y avait rien à dévoiler. En somme les secrets sont vides comme l’explique ici Umberto Eco, car il n’y a pas vraiment de secret. C’est pourquoi, au-delà d’une éventuelle tactique de ceux qui auraient quelque chose à cacher et souhaiteraient déplacer le débat vers la nature même de WikiLeaks plutôt que ce sur quoi il met un coup de projecteur, le débat s’est focalisé sur le contenant (WikiLeaks) et non pas le contenu car le contenu, simplement, n’est pas très spectaculaire. La grande majorité des révélations n’en sont pas : un lecteur avisé de la presse ou un internaute assidu des sites d’information n’apprend réellement pas grand-chose. Au mieux on a des confirmations officielles d’informations déjà connues ; c’est intéressant mais pas déterminant. Il suffit de prendre l’exemple tout récent des informations sur le financement des partis politiques français par Omar Bongo. Ce qui est présenté comme une révélation était même expliqué par Valéry Giscard D’Estaing il y’a un 18 mois et faisait l’objet d’un article dans l’Express !

On pourrait aussi argumenter que WikiLeaks n’a pas vraiment eu accès à des documents très sensibles qui eux sont vraiment bien protégés et ne feront pas l’objet de « fuites » ; c’est une possibilité mais je propose une autre explication qui a trait a la nature même du secret.

En effet le secret est intimement lié au pouvoir ; celui qui cache des informations en use pour asseoir son pouvoir (Secret : ce qui ne peut être connu ou compris parce que volontairement caché à ceux qui ne sont pas initiés ou confidents in TLFI B-1), tromper les autres, renforcer ses positions. Le fait que les documents du Département d’Etat américain ne contiennent apparemment pas de secret montre simplement que le pouvoir n’est plus là. Aujourd’hui le Département d’Etat en sait autant (ou aussi peu) que le citoyen lambda et n’est donc plus réellement un acteur central, moteur de l’histoire. Bien sûr il y a une part d’exagération dans ce que j’énonce mais il y a là à mon sens une tendance, un schéma d’ensemble, un « pattern » comme diraient justement les anglo-saxons ; car la roue de l’histoire a tourné et le pouvoir, celui qui se traduit par la capacité d’influer sur la vie des gens, a été en grande partie transféré des Etats vers le monde économique et les grandes entreprises comme agents de cet univers. Cela s’est fait silencieusement bien entendu et sans aucun débat public mais c’est une réalité, le pouvoir a changé de mains. A titre d’exemple la façon dont le système bancaro-financier dans son ensemble à réussi à faire admettre puis à faire réparer ses erreurs en socialisant massivement ses pertes, dans un premier temps, et en privatisant désormais les profits réalisés sur la gestion des dettes publiques, dans un second temps,  est tout à fait remarquable. Au final c’est la vie des citoyens grecs, irlandais ou français qui est transformée au quotidien par les ordres invisibles des puissances économique.

Ainsi ce que nous montre WikiLeaks – pour l’instant – c’est que le pouvoir s’est déplacé, il n’est plus à la Maison Blanche ou au Pentagone, il est littéralement ailleurs, dans d’autres lieux de secrets.

Dès lors WikiLeaks jouerait pleinement le rôle qu’il s’est assigné (voir le préambule de cet article), celui de  dévoilement d’informations importantes et d’injustices s’il mettait en ligne prochainement des documents d’entreprise qui expliquent un certain nombre d’évènements récents : on serait par exemple curieux de lire les mémos internes des banques ou des intermédiaires financiers en 2008, avant la crise, ou les principes de leur stratégie de lobbying auprès des Etats en 2009. On serait curieux de lire les notes sans doute confidentielles du laboratoire Servier sur le Médiator. On serait curieux de lire des informations sur les circuits financiers créés par les entreprises d’armement pour payer des commissions et parfois des rétrocommissions. On serait curieux de lire les consignes données en matière de sécurité sur les plateformes offshore par BP à ses cadres et ses ingénieurs…

Il y’aurait là à n’en pas douter des informations au caractère révolutionnaire au sens de mise à nu des rouages du système, et par conséquent des informations avec un réel potentiel de remise en cause l’ordre établi. On verrait alors le cœur nucléaire du système fonctionner ; les stratégies réelles et non pas factices apparaitraient, les liens parfois troubles entre politiques et business seraient dévoilés, les ententes entre grandes sociétés pour se partager les marchés seraient mises sur la place publique…la machine du pouvoir se montrerait sous nos yeux. Les révélations de WikiLeaks auraient alors une grande portée. Bien entendu le débat sur la « légitimité » et/ou la dangerosité de WikiLeaks resterait entier mais concernerait des informations réellement sensibles qui justifieraient pleinement ce débat.

Pour conclure je dirai qu’à ce stade je ne sais évidemment pas si WikiLeaks publiera des informations venant de grandes entreprises avec des révélations à la clé, mais en tout cas la publication des mémos actuels, ceux du Département d’Etat, dessine en creux ce que serait sans doute une vraie entreprise d’information « subversive".


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11 réactions à cet article    


  • spartacus le vrai pas l'autres !!! spartacus 5 janvier 2011 15:13

    Trés bon article et merci pour cette réflection éclairée.

    ma réflection est la suivante : il serait bon justement de se demander pourquoi les secrets qui ont fuités ne serve qu’à faire perdre le reste de peu de crédibilités des états nations, à les déstabiliser et enfin les faire chuter et faire disparaître les fonctionnements étatiques tels qu’ils sont jusqu’à présent.
    Là où je veux en venir, il me semble que celà est tout bonnment le déroulement prévu de la mise en place de leurs nouvel ordre mondial commencé dès l’aprés guerre.
    que derrière wikileaks et tous ses pseudo secret d’états qui n’en sont plus, il y la mains de toutes l’oligarchie mondiale en vue de mettre en place leur gouvernement d’asservissement mondialisé.


    • Marc Bruxman 9 janvier 2011 00:51


      On sait globalement qui a finançé wikileaks au départ et la réponse est : tout le gratin de la sillicon valley. Peut être on t’il eu ce qu’il voulaient, peut être trouvent t’il que c’est allé un peu trop loin on ne saura jamais vraiment. On sait que des grands journaux ont également finançés et ils ont eu du grain à moudre. 

      Pour ce qui est de la démise des états nations, il s’agit d’une structure datant de l’ére industrielle qui rencontre quelques problèmes d’adaptation en ce moment. Wikileaks en est une. Et je crois qu’il n’y a pas besoin de conspiration pour cela. Lorsque les politiques qui les représentent auront assimilés la fin de l’ére industrielle et la nouvelle société, ils reconstruiront une forme d’état en fonction et cela repartira. 

    • Traroth Traroth 5 janvier 2011 15:15

      Une idée intéressante. Il est à noter que les entreprises publiques ne sont pas soumises aux même obligations de publication des informations que les états. L’exemple que vous prenez, les directives de sécurité de BP concernant les plateformes offshores, sont un exemple frappant : si un tel document existe, BP n’a aucune obligation de le rendre public, et a les moyens d’attaquer en justice quiconque le fera bien plus efficacement que ne peut le faire le gouvernement étasunien : c’est un document privé, dans tous les sens du terme !


      • Hijack Hijack 5 janvier 2011 23:03

        Encore ... WikiLeaks ... qui devrait plutôt s’appelait WikiWeak ...qui ne révèle rien, mais rien du tout ... de plus que ce que l’on savait déjà.

        Faut vraiment vouloir volontairement se jeter dans le piège tendu ... pour encore parler de ce soi disant dévoileur de fuites ... qui n’en sont pas. Cela doit porter un nom !


        • Laureline 5 janvier 2011 23:46

          Vous le saviez, vous, avant que WikiLeaks donne l’info, que l’ambassade américaine et ses consultats en France se melaient de notre politique en soutenant financièrement les minorités islamiques ? Moi non

          Superbe alliance, évangélisme puritain et islam, pour mieux saborder la loi française sur la séparation de l’église et de l’état.

          L’ambassade américaine
          « Quatrièmement, nous encouragerons les voix modérées de la tolérance à s’exprimer elles-mêmes avec courage et conviction. En appuyant notre action sur deux sites internet très en vue tournés vers les jeunes musulmans francophones – oumma.fr et saphirnews.com – nous soutiendrons, nous formerons et nous mobiliserons les militants médiatiques et politiques qui partagent nos valeurs. »
           
          Ce passage a obligé les sites oumma.com (et non .fr) et saphirnews à une sorte de coming out sur leurs relations avec l’ambassade des Etats-Unis en France :
           
          1. oumma.com  : « Nous entretenons effectivement des rapports cordiaux avec le personnel de l’ambassade et ce contact privilégié nous a permis, par exemple, de décrocher l’exclusivité d’un entretienavec Farah Pandith, membre de l’Administration Obama. »
           
          2. saphirnews : « Des liens ont en effet été tissés depuis longtemps entre les officiels américains en France et Saphirnews, qui a été amené, par exemple, à rencontrer la porte-parole du Congrès américain, Lynne Weil, en décembre 2008, pour discuter de l’état de la société française. Entre autres rencontres, soulignons aussi la présence de Farah Pandith, représentante spéciale pour les communautés musulmanes au département d’État américain, à l’occasion du premier anniversaire de Salamnews, le premier mensuel gratuit des cultures musulmanes. »

          Le jeudi 2 décembre 2010, le consul américain de Lyon a lancé l’association Confluence pour le respect et la diversité. Une structure qui s’inscrit dans la politique offensive des Etats-Unis en faveur des minorités et particulièrement de la minorité musulmane. Une première en France. DE QUOI JE ME MELE ?

          Quand on voit les résultats du soutien des Américains aux pires bondieusards de la planète, en Afghanistan et ailleurs, il y a de quoi être inquiets. Qu’est ce qu’ils veulent ? Foutre le bordel en France, en Europe ?


          • Hijack Hijack 6 janvier 2011 11:52

            Tout ce que dit « Wiki soi disant fuites » était connu par bcp. Bien sûrs, ces infos, tu ne les entendais pas dans les journaux traditionnels, écrits, radios ou tv...
            L’info de nos jours, faut la chercher ...
            Même l’hélico US qui a assassiné des civils irakiens ... dont on a vu la vidéo, c’était connu même avant d’avoir visionné cette vidéo ... ce n’était qu’un crime de plus de l’armée US.

            La Cia a de tous temps soutenus les mouvements islamistes ... rien de mieux que de les manipuler pour sa stratégie impérialiste ... Avant de faire semblant de les combattre en Afghanistan, elle était leur allié puissant.


          • SamAgora95 SAMAGORA95 6 janvier 2011 09:56

            Enfin ! ça commence à se réveiller.





            • goc goc 6 janvier 2011 11:45

              concernant wikimachin, j’ai quelques doutes
              il suffit de voir que dans toutes les « informations » qui ont été données par ce site, il n’y a rien concernant l’entité sioniste et ses exactions
              donc, il y a largement de quoi avoir des doutes sur la prétendue indépendance de wiki,

              a mon avis, il fait plus de désinformation et d’intox qu’autre choses

              D’ailleurs ses dirigeants ont bien déclarés que ceux qui mettent en doute la VO du 11/09 ne sont que des complotistes

              si après ça, vous croyez encore à leur sincérité, alors vous ne serez pas étonnés d’apprendre que la prochaine version sera emballée dans du papier alu, par des milliards de marmottes qui parlent.


              • Hijack Hijack 6 janvier 2011 11:53

                Attention ... tu brûles un peu trop ...


              • bipdan 6 janvier 2011 12:19

                C’est la tout le problème : « on le savait déja ! ».

                Je rejoint le point de vue de l’auteur sur le fait que les révélation de wikileaks n’apporte pas la réaction escomptées. Mais j’y vois une nuance sur les causes à cette non réaction.

                La lassitude, et l’effet « c’est trop tard » tout simplement.

                Prenons le cas très représentatif du port du voile au volant. Qui s’étonnerait aujourd’hui d’apprendre qu’il y a un consigne de faire une affaire médiatique, voire d’aller dénicher ce cas précis pour stigmatiser une communauté (la n’est pas le débat). Personne, cela semble relativement évident. Et surtout, après plusieurs mois ou l’affaire rebondit inutilement mais occupe la seine, il est d’une part évident qu’il y a acharnement et consigne dans ce sens, mais surtout, les gens se lassent et veulent passer à une autre affaire.

                Il en va de meme pour l’immaculé eric et tata l’oréal, on nie, on nie. Puis lorsque tout le monde en aura bien marre d’avoir les oreilles rebattues, ce n’est pas parcequ’un document incontestable arrivera sur la table que les gens réagiront. L’essentiel pour le jusitciable étant de noyer le poisson le plus longtemps possible dans une eau nauséabonde de mensonge, une fois qu’il n’aura plus soif, on peut sortir l’eau claire, ça ne changera plus rien.


                • Marc Bruxman 9 janvier 2011 00:38

                  Ce qui est intéressant dans l’affaire wikileaks ce ne sont pas les révélations. Elles sont en effet vides. Mais ce qui agace le pouvoir c’est le principe, c’est de savoir qu’il n’a plus la mainmise sur la chaine médiatique. Jusqu’à présent c’était très simple : On distribuait des licences en nombre limité pour la télé, on mettait en place des organes de régulations. Pour la presse, on la donnait en pature aux syndicats du livre et de l’autre coté on comblait le trou à coup de fonds publics pour les journaux sages. Bref, tout était en apparence libre mais sous contrôle. 


                  Wikileaks fait la preuve par l’exemple que ce contrôle n’est plus totale en s’attaquant à un symbole : l’armée américaine. Et même si wikileaks ne révéle rien le symbole est plus important que ses conséquences directes. Le symbole c’est qu’un individu surgit de nulle part peut voler des documents importants à l’us army et aux ambassades américaines sans pour autant être financé par une puissance « étrangére ». 

                  Ceci est à rapprocher des déclarations diverses (dans le monde hightech) sur la « société de la transparence » censée justifier le passage de la vie privée au statut de truc obsolète. 

                  L’apparition d’internet comme nouveau média ne cesse de redessiner ce qui est possible. Ce faisant la nouvelle société entre en collision avec l’ancienne. Rien d’étonnant à cela. Et ce n’est que le début.


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