Cette grippe appelée tour à tour porcine, mexicaine, H1N1 et A : prudente mobilisation et/ou opération d’influence ?
On est tenté de croire que les performances prodigieuses des médias contemporains tendent à garantir une haute qualité de l’information disponible. Espace et temps sont abolis et avec eux les séries d’intermédiaires d’autrefois qui la filtraient et la déformaient, du courrier à cheval jusqu’au bouche à oreille. Où qu’il se produise dans le monde, un événement peut être diffusé « en direct », selon le leurre en usage, avec son et image. « Je l’ai lu dans le journal », « On l’a dit dans le poste », ou « Vu à la télé », ces formules sont autant d’arguments d’autorité que l’on avance pour faire croire à la fiabilité d’une information.
Ces prodigieux moyens de communication n’en restent pas moins entre les mains de leurs émetteurs qui obéissent à des motivations précises. Or, depuis l’origine de l’homme, celles-ci n’ont pas varié d’un pouce : elles sont soumises à un principe irréductible de sauvegarde qui organise « la relation d’information » : nul être sain ne livre volontairement une information susceptible de lui nuire.
Du coup, les performances des médias, loin de livrer toujours des représentations fidèles de la réalité, permettent d’en livrer de très infidèles, voire d’en construire artificiellement à ce point vraisemblables qu’il est souvent impossible au récepteur de s’en apercevoir. Ainsi, la technologie numérique compose-t-elle à volonté des images avec les décors et les personnages souhaités. On a déjà évoqué dans un article précédent la mésaventure de M. Poivre d’Arvor, pourtant professionnel des médias : le 11 mars 1993, au cours du journal télévisé de 20 heures de TF1, il avait cru être le premier à interviewer en direct le vainqueur du Vendée-Globe, Alain Gautier, sur le point d’arriver aux Sables d’Olonne, alors qu’il s’agissait d’un imposteur qui, usurpant la fréquence radio du navigateur, avait pastiché un décor d’ambiance marine pour reprocher "en direct" au journaliste ses manquements déontologiques (1).
Ces représentations de la réalité confondantes de fidélité conduisent dès lors à un paradoxe : il peut devenir indécidable de savoir si oui ou non, elles sont fidèles à la réalité.
L’exemple de la grippe "porcine", "mexicaine", "H1 N1" et "A"
C’est la réflexion que l’on s’est faite, ces dernières semaines, depuis qu’une soudaine épidémie s’est installée à demeure à la une des médias. Pas un journal, pas un flash sans qu’il en fût question, matin, midi et soir ! La catastrophe était annoncée comme imminente et l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), argument d’autorité de poids, n’invitait pas à prendre la nouvelle à la légère.
Il s’est agi d’une grippe d’abord appelée « porcine », apparue subitement au Mexique et présentée comme extrêmement contagieuse et dangereuse. Le décompte des malades était systématiquement communiqué, voire martelé : par trois fois, par exemple, à quelques lignes d’intervalle, Le Figaro. Fr du 4 mai 2009 a dressé de manière répétitive le bilan provisoire de l’épidémie qui s’est propagée à 20 pays : 27 morts (26 au Mexique et un aux Etats-Unis) sur 1003 cas confirmés dans le monde, le Mexique (701 cas), les États-Unis (226), le Canada (101), l’Espagne (50), pays le plus touché en Europe, et 4 cas confirmés en France.
Les mesures prophylactiques drastiques prises au Mexique étaient énumérées au point de faire froid dans le dos : tous les lieux de réunion étaient fermés, cafés, restaurants, musées, cinémas, théâtres, écoles ! Il n’était question que de masques de protection, de stockage de médicaments antiviraux et de précautions à prendre avant comme après les premiers symptômes d’autant plus alarmants qu’ils s’apparentaient à ceux d’une grippe banale. Il ne fallait pas aller chez son médecin, ni aux urgences, mais appeler le 15 ! On s’apprêtait quasiment à vivre « La Peste » d’Albert Camus.
Curieusement, cependant, les voyages en provenance du Mexique et des autres pays foyers de l’épidémie n’étaient pas suspendus. On assurait qu’ à Roissy, « une zone dédiée », selon la formule consacrée, était réservée aux avions pour « éviter les contacts avec les autres voyageurs » : « une traçabilité » des passagers - autre formule consacrée - était organisée par le renseignement d’une fiche. En Égypte, l’occasion avait paru trop belle en pays musulman : elle avait été saisie pour abattre ces maudits porcs de la communauté chrétienne qui s’y opposait.
Une grippe moins redoutable que prévu apparemment
Puis la grippe porcine a changé de nom : on l’a nommée « mexicaine », on l’a ensuite affublé d’une formule scientifique H1N1, et finit par l’appeler plus banalement « grippe A ». On a même appris que des porcs avaient été contaminés au Canada… par leur éleveur revenu du Mexique. Dieu merci ! Il n’a pas été question cette fois d’abattre des hommes.
On en est enfin progressivement venu à devoir reconnaître que la catastrophe annoncée ne s’était pas encore produite : la grippe n’était pas si virulente qu’on l’avait cru, elle reculait même au Mexique. Mais l’OMS, selon le Figaro.fr du 4 mai, n’en restait pas moins alarmiste par la voix de sa directrice générale dans un entretien publié le même jour dans le Financial Times : « Si le taux de mortalité du virus semble se stabiliser, » elle n’excluait pas « une seconde vague qui pourrait frapper en apportant sa "vengeance" » (sic !?). « Si cela se produisait, annonçait-elle, cela serait la pire des épidémies que le monde aurait à affronter au 21ème siècle ».
Toujours selon le même Figaro.fr, le gouvernement français montrait à l’envi sa réactivité : il avait fait connaître, à toutes fins utiles, que « les stocks de masques et d’antiviraux (Tamiflu et Relenza) précédemment centralisés (étaient) progressivement distribués aux hôpitaux (…) et qu’une campagne (allait) être lancée mardi dans la presse écrite, à la radio et la télévision pour sensibiliser le grand public aux gestes d’hygiène de prévention. »
Cette soudaine maladie méritait-elle d’être à ce point médiatisée ? Le martèlement du nombre des malades et des victimes, somme toute modeste en regard d’autres pandémies dont on parle moins, était-il indispensable ? Fallait-il prendre le risque de stimuler un réflexe inné de peur déraisonnable ? On voit que les prodigieux moyens de communication dont on dispose, ne servent guère à accéder à une représentation fidèle de la réalité. Car comment le vérifier ? Il se peut que cette épidémie soit effectivement dangereuse, comme la grippe dite "espagnole" de 1918, comme il se peut qu’on ait assisté à un scénario de diversion générale, ou à sa répétition, pour détourner l’attention, par exemple, du gangstérisme financier international qui a plongé le monde dans la récession économique. On en vient à soupçonner un usage de cette règle cardinale de gouvernement énoncée par Clémenceau : « Voyez-vous, mon petit, confiait-il à Paul Boncour, la peur, c’est le grand moteur des actions humaines » (2). Et n’est-ce pas une peur encore plus grande que celle de l’épidémie que d’être dans l’incapacité de décider si oui ou non l’on assiste à une mobilisation légitime contre un fléau ou au contraire à une opération d’influence visant d’autres objectifs ?
Mais, il est au moins un sujet où le doute n’est pas de mise : c’est le diagnostic que ne manqueront pas de porter en experts les médias officiels comme ils le font quand leur est refusé le crédit naturel qui leur est dû, selon eux, : « Paranoïa ! » fulmineront-ils.
(1) Paul Villach « Une leçon ancienne du Vendée Globe : le danger du « direct »... », AGORAVOX, 2 février 2009.
(2) Cité par J.-J Chevallier dans « Histoire des institutions et des régimes politiques de la France moderne », Éditions Dalloz, 1967.
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